liquide-amniotique

Deux énigmes du génie du vivant enfin levées face à la gravitation

LIBRE EXPRESSION

Rôles et fonctions des liquides amniotique et céphalorachidien

Au fil des siècles, les prouesses qui ont organisé le vivant végétal, animal et humain de façon symbiotique commencent à être rassemblées. Cette réunion nous fait entrevoir le génie de l’évolution et de la transformation du vivant au fil des temps depuis la création de la première cellule sur terre, et peut-être avant dans les mers, lieu possible de l’émergence initiale de la vie. Voir à ce sujet l’ouvrage d’Eric KARSENTI (1) ou les travaux de Christine MOREL et Michel CASSE, « Du vide à la création » (2). 

Parmi ces nombreuses et fabuleuses prouesses nous évoquerons en premier le rôle du liquide amniotique lors de la gestation du bébé d’homme, en second le rôle et les fonctions du liquide céphalorachidien (ou LCR). Tous deux contribuent en effet à isoler de la gravitation le bébé (animal ou humain)  en gestation. Le LCR, quant à lui,  isole également le cerveau des forces gravitationnelles en le faisant « flotter », et non uniquement pour lui éviter les chocs comme communément admis. Nous chercherons à savoir pourquoi il en est ainsi.

On ne sera pas surpris si ces deux liquides « onctueux » de consistance,  légèrement salés, font partie d’un tout favorisant l’homéostasie, incluant ce que nous nommons « les rêves »en tant que condition essentielle du vivant.

1) Commençons par le liquide amniotique.

Il est essentiellement composé d’eau (97 à 99 %) et de sels minéraux, soit0, 15 litre. Il contient aussi des cellules fœtales (elles permettent l’étude des chromosomes après amniocentèse), des restes de sueurs de matières sébacées, des protéines aux activités antibactériennes. Le tout présente l’aspect d’un enduit blanc et graisseux qui protège la peau du fœtus des chocs et réduit les bruits. Ces fonctions sont généralement admises.  

La dimension que nous soulevons réside dans la capacité du liquide  amniotique à neutraliser les forces liées à la gravitation qui devraient plaquer l’embryon contre la paroi de l’utérus, quand il n’en est rien ! Ainsi, comme observé à  l’échographie, il semble que le fœtus s’expérimente comme un « apprenti nageur » sans souci du lendemain, nourri par le cordon ombilical et protégé des infections, sans subir le moins du monde la gravitation. 

En tentant d’imaginer lE vécu sensualiste de l’embryon puis du fœtus immergé dans le liquide amniotique, il m’est venu instantanément le souvenir du « portage » que j’ai pu ressentir, dans les années 1980, lors d’’une baignade, en Israël dans la mer Morte. Du fait de la salinité, l’on se sent comme porté, phénomène qui pourrait être rapproché empiriquement, chez le bébé, d’une « force » en opposition à la gravitation. Une expression très suggestive dans la culture créole à La Réunion ,relate la réalité   « Quand mi tomb mi lèv ».

La neutralisation  de la gravitation par le liquide amniotique permettrait au bébé de profiter de la codification et des impulsions incitées par son génome pour un développement que l’on imagine optimal ; à charge pour les parents de réduire le plus possible les entraves extérieures assimilées à des stress qui pourraient nuire au développement de l’enfant, et nous savons combien ils sont nombreux ! 

Protégé de la gravitation durant toute la gestation, le futur bébé devrait ressentir de manière brutale son arrivée aérienne, si l’on accepte cette déduction logique. 

Si l’attention fut portée  sur « une naissance sans violence », on pense aux travaux de Michel ODENT et Frédéric LEBOYER, les conséquences de la gravitation terrestre chez le nouveau-né auront été occultées, son placage au sol sans une transition pour s’y accommoder n’aura pas été pensé dans les sociétés modernes occidentales. 

Dans certaines cultures, par exemple à Bali, poser le bébé à terre est perçu comme maléfique. En Afrique, tout au moins en zone rurale, les bébés sont très souvent portés. Ils ne sont jamais isolés de leur mère. On peut se reporter aux travaux de Pierre ERNY, « Le bébé en Afrique noire » (3),  En occident nous avons la ressource du porte kangourou.

Les connaissances actuelles entre la symbiose fonctionnelle et co-dépendante entre nerfs et muscles et de surcroît l’inhibition acquise du fait d’une mobilité impossible du nouveau-né devraient permettre une plus large conscience de l’importance d’attirer l’attention des futurs parents sur ce temps de grossesse,  en concertation étroite avec les sages-femmes. Le CEVOI milite en effet pour l’intégration de moments où les futurs et jeunes parents pourraient en rencontrer d’autres, profitant ainsi d’échanges sur cette période essentielle et  sensible – accompagnés d’une sage-femme et d’un(e) psychologue dans un premier temps.

Par ailleurs, le fait d’évoquer une grossesse arrivée trop tôt ou (et) imposée et donc non désirée peut lever en partie la charge émotionnelle. Le psychologue que je suis étudiera avec attention si le bébé a été ou non désiré avec toutes les nuances entre ces deux extrêmes, et cela sans culpabiliser-la mère.

2) Abordons maintenant le rôle du liquide céphalorachidien (LCR°) qui devrait nous conduire vers une nouvelle approche des rêves.

Ce courrier prend appui sur les travaux de trois chercheurs français : Audrey CHAGNOT, doctorante à l’Institut Blood and Brain à l’université de Caen, Géraldine RAUCHS, chargée de recherche dans le même Institut et Denis VIVIEN, Professeur de biologie cellulaire dans ce même Institut et praticien hospitalier au CHU de Caen en Normandie. Ils publient un article (4) d’exploration su LCR qui fera date (à n’en pas douter) et devrait marquer un tournant dans les hypothèses et théories susceptibles de rendre compte de la vie psychique du bébé, et apporter des éclaircissements quant aux fonctions des rêves; voir : « Vingt mille lieues sous un crâne » (4), sujet que nous devrons soulever pour être plus explicite dans un prochain courrier des lecteurs. 

Relevons que nous ne sommes pas les seuls à avoir recours à des images symboliques et métaphoriques (la salinité de la mer Morte » par exemple), tels les rêves. Ces trois auteurs évoquent des « zones d’échanges maritimes », une « ruine engloutie de l’ère embryonnaire », le « canal de l’épendyme », « la mangrove sous-arachnoïdienne », « les chutes du bout du monde », « les fleuves du tissu cérébral », « des marées nocturnes qui emportent les déchets », « quand frappe le tsunami », « l’écho archaïque de notre « troisième œil » impliqué dans la régulation du sommeil »… 

Les auteurs terminent leur article par une rubrique dont nous discuterons particulièrement : « Quand le sommeil répare l’organisme », pour enfin mettre en valeur ce titre de chapitre : « Le LCR bat au rythme de notre cœur. La respiration, ainsi que la posture (debout ou allongée), affectent aussi les marées de ce liquide vital ». 

On le verra plus tard, cette étude faisait défaut au grand chercheur sur le sommeil et les rêves qu’était Michel JOUVET (1925-2017), pour qui les rêves émergeant préférentiellement lors du sommeil paradoxal, donc dans un contexte organique « turbulent de vie » propice à l’émergence d’images dites « oniriques » annonçant de nouvelles configurations génétiques et comportementales, comme JOUVET en avait l’intuition.

Ce sujet devra être repris et plus rigoureusement argumenté car il devrait annoncer une nouvelle approche de la créativité imageante des organismes lors du sommeil, créativité que nous nommons « rêves ».

A très bientôt cher lecteur.

Frédéric Paulus, CEVOI (Centre d’Études du Vivant de l’Océan Indien), Expert extérieur Haut Conseil de Santé Publique

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Nos sources documentaires sur ce sujet :

1) ° Eric KARSENTI, Aux SOURCES de la VIE, Flammarion, 2018.

2) Michel CASSE, Du vide à la création, O. Jacob, 1993.Pour qui : « La gravité nous est coutumière car sans cesse nous tombons », P. 143.

3) Pierre  ERNY, « Les premiers pas de l’enfant d’Afrique Noire, Naissance et petite enfance, Le livre Africain, 1972, Réédité par  L’Harmattan, 1985, disponible en E-BOOK.

4) Audrey CHAGNOT, Géraldine RAUCHS, Denis VIVIEN, « Vingt mille lieues sous un crâne », Revue « Pour la science », N° 528, octobre 2021, pp. 60-69.  

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