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Dina Margabim 974 rouvre les fenêtres de l’histoire réunionnaise sur les réseaux

Parallèlement aux recherches historiques officielles, la page Facebook Dina Margabim 974 fouille dans les ressources phénoménales du net pour enquêter sur l’histoire de La Réunion, et notamment la (re)découverte des crânes d’esclaves réunionnais à Paris. Serait-ce le début d’un wikipedia péi, initié par la jeune association Wikipéi ?

Alors que l’historienne Klara Boyer-Rossol révélait pour la première fois sa (re)découverte de crânes et bustes d’esclaves réunionnais au Musée de l’Homme à Paris, le compte Dina Margabim 974 apportait des précisions complémentaires quelques heures plus tard sur Facebook… Bien informé le dodo qui sert d’avatar à ce profil !

« Dès que j’ai vu qu’il s’agissait du Voyage de l’Astrolabe et de la Zélée au Pôle Sud et dans l’Océanie, j’ai retrouvé le récit d’époque. On trouve tout sur le net », confie l’animateur du compte qui préfère rester anonyme. Donc nous l’appellerons Dina Margabim.

Le nom Dina Morgabim, plus souvent utilisé pour désigner l’une des premières appellations de La Réunion sur les vieilles cartes de navigateur, étant revendiqué par un hôtel de luxe, ce passionné d’histoire s’est choisi une orthographe différente qui existe également dans les archives. Et les archives, il les connaît bien. Très bien même tant il passe des jours et des nuits à fouiller les tréfonds du web. Il y trouve des documents authentiques en open-source et a décidé d’en faire profiter le grand public.

Dina Margabim 974 vient de publier le fruit de ses recherches sur « les visages oubliés » de Bourbon. (Cliquez sur l’image pour accéder à l’article)

Sur sa page Facebook, on trouvera par exemple un résumé d’article évaluant, en euros d’aujourd’hui, le prix d’une vie humaine en 1848 : 3 870 € pour un esclave à La Réunion, 2 318 € pour un esclave en Martinique… et à chaque fois il met un point d’honneur à indiquer ses sources. En l’occurrence la loi du 7 Germinal An XI et Un siècle de banque coloniale de la Banque de La Réunion 1851-1951 de Nadine Ricaud pour ses calculs de prix.

En coopération avec le gouverneur de Hell

Les articles de Parallèle Sud sur les travaux de Klara Boyer-Rossol l’ont donc incité à fouiller les archives du voyage des corvettes l’Astrolabe et la Zélée pour y retrouver les visages et les noms des esclaves dont le phrénologue Dumoutier avait prélevé les crânes à La Réunion. Rappelons ici que la phrénologie est une théorie pseudo-scientifique du 19e siècle selon laquelle les bosses du crâne d’un être humain reflètent son caractère. 

Celui qui se décrit comme un chercheur autodidacte et non comme un historien a ainsi mené son enquête sur les circonstances de ces prélèvements qui relevaient de vols de corps au service de théories racistes. Il précise que l’escale a duré neuf jours du 21 au 30 juillet 1840.

« Le récit de l’expédition nous apprend que 8 moulages de visages liés à La Réunion ont été effectués : Il y a deux Malgaches, quatre Makoa (désignant les populations d’Afrique de l’Est), un autre est marqué comme appartenant à la tribu des Mougnas et Limbao qui est marqué Créole de Bourbon », relate-t-il. 

En plus de l’hypothèse de prélèvement à la morgue de l’hôpital colonial, Dina Margabim remarque, dans le récit de voyage, le rôle qu’a pu jouer le gouverneur de Hell. Celui-ci est décrit comme affecté par « une mauvaise nouvelle », il reçoit pourtant le phrénologue, ce qui dénote son fort intérêt et la coopération des autorités locales avec les pratiques scientifiques racialistes de l’époque pour fournir les « spécimens » qui figureront sur « l’Atlas phrénologique de Dumoutier ». (50 planches lithographiées, 48 bustes moulés sur nature, 63 crânes, 16 cerveaux couverts de leurs méninges présentés comme les « types des principales variétés de races humaines ).

Faire vivre l’histoire autrement

Il existe également un « Journal de bord » de Dumoutier qui a déjà fait l’objet d’une thèse sur la phrénologie avertissant qu’il contient des « horreurs ». Ce journal, conservé lui aussi au Musée de l’Homme, pourrait éclairer d’une lumière crue les pratiques scientifiques violentes et déshumanisantes de la période de l’esclavage.

  • logo de l'asso Wikipéi
  • logo du compte dina margabim 974

Les posts de Dina Margabim s’inscrivent dans l’oeuvre d’une poignée de passionnés qui ont créé l’association Wikipéi en 2019 : « Nous sommes avant tout des passionnés aux profils aussi variés que complémentaires ». « On n’est pas toujours d’accord. Loin de là. Mais on se respecte, on se parle, et surtout, on se rassemble autour de notre objectif commun : valoriser l’histoire et la culture de l’île. » Certains le font avec rigueur comme Dina Margabim 974, d’autres penchent du côté de l’humour comme Ladilafé et ses 146 000 followers.

L’idée, c’est de susciter le débat : « On ne cherche pas à imposer une vision. On partage, on argumente, on écoute. Même sur des sujets brûlants comme la statue de La Bourdonnais ou les restitutions de restes humains, il y a des divergences d’opinion chez nous. Et c’est normal. » Et de faire vivre l’histoire réunionnaise autrement à l’ère numérique et sur les réseaux.

Franck Cellier

Consultez également le dernier article de Dina Margabim 974 sur son comte Instagram.

A propos de l'auteur

Franck Cellier | Journaliste

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.

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