Photo du Madleen qui avait fait partie des deux premiers bateaux affrétés en juin dernier pour casser le blocus à Gaza.

Dr Haffaf, chirurgien devenu reporter : le drapeau réunionnais face aux bombes

LIBRE EXPRESSION

Au cœur d’une mer houleuse, la Global Sumud Flotilla défie l’impossible. Depuis le 15 septembre, ces navires de la liberté ont quitté les côtes tunisiennes pour se diriger vers Gaza, bravant des conditions météorologiques défavorables qui rendent chaque mile parcouru plus périlleux que le précédent. Cette armada de l’espoir, portée par plus de 300 âmes courageuses issues de 45 pays, transporte bien plus que de simples médicaments et vivres : elle porte les derniers espoirs d’un peuple agonisant.

Suite à ma libre expression parue dans Parallèle Sud en début de semaine, nombreux sont ceux qui, inquiets et désemparés, me questionnent pour avoir des nouvelles de l’équipage en mer. Avec toute l’humilité de celle qui n’est qu’une plume, je vous partage ce que je sais de cette mission à rebondissements où flotte fièrement le drapeau réunionnais sur l’un des bateaux de la flottille.

Le docteur Yacine Haffaf, ancien chirurgien à Bellepierre et connu des Réunionnais pour ses engagements humanitaires, continue de documenter l’indocumentable. À bord du voilier Jeannot 3, il filme, témoigne et montre la vérité d’un génocide qui se déroule sous nos yeux. Chaque vidéo qu’il diffuse depuis la mer est un cri d’alarme lancé à une communauté internationale diplomatiquement sourde.

Pourquoi les Réunionnais s’inquiètent-ils tant ?

Les Réunionnais sont légitimement préoccupés car ils voient partir l’un des leurs vers un danger mortel, portant nos couleurs et nos espoirs dans cette mission périlleuse. De plus, La Réunion a massivement contribué au financement de cette flottille — notamment 50 000 euros de la communauté musulmane locale — faisant de cette mission une responsabilité collective que nous portons tous.

En zones de conflit, les journalistes sont délibérément visés, transformant leur rôle de passeurs d’information en mission à haut risque où la vie et l’intégrité physique sont constamment menacées.
Cette guerre contre l’information transforme chaque reporter en cible, chaque témoignage en condamnation à mort.

L’horreur des chiffres qui tuent

Vingt-huit enfants meurent chaque jour à Gaza. Vingt-huit ! Pas des statistiques, pas des nombres dans un rapport bureaucratique, mais vingt-huit vies d’innocents fauchées quotidiennement par la barbarie. Pendant que vous lisez ces lignes, combien d’autres petits corps s’ajoutent-ils à cette comptabilité macabre ?

La famine tue désormais ce que les bombes ont épargné. Plus de 500 000 personnes vivent dans des conditions de famine catastrophique, et 40 % de la population passe plusieurs jours sans rien manger. Les enfants de moins de 5 ans voient leurs taux de malnutrition quadrupler en deux mois. Trois cents personnes sont mortes de faim depuis octobre 2023, dont 117 enfants — et ce décompte s’alourdit d’heure en heure.

L’incertitude sur le « comité d’accueil »

Au-delà des drones et des attaques en mer, la vraie terreur attend à Gaza. Le « comité d’accueil » israélien représente l’ultime obstacle entre l’aide humanitaire vitale et 2,2 millions d’êtres humains condamnés à l’agonie. Chaque heure de retard, chaque bureaucratie meurtrière, chaque interdiction administrative tue. Les autorités israéliennes maintiennent un blocus impitoyable qui transforme l’aide humanitaire en parcours du combattant mortel.

L’acheminement des médicaments et colis alimentaires reste suspendu aux caprices d’une politique génocidaire qui utilise délibérément la faim comme arme de guerre. Onze personnes meurent de faim en 24 heures, selon les derniers rapports médicaux — une hécatombe qui s’accélère pendant que les négociations diplomatiques s’enlisent dans l’hypocrisie.

La mobilisation internationale face aux « considérations politiques » (Dr Haffaf)

Lors de ma rencontre avec le Dr Haffaf avant son départ, il insistait sur la nécessité ultime que la mobilisation citoyenne puisse s’exprimer et il avançait des chiffres encourageants tels que 110 000 manifestants à Bruxelles, 150 000 à La Haye, des dizaines de milliers partout en Europe. Malgré ces fortes mobilisations, le Dr Haffaf dénonçait une terrible réalité : un mur de silence érigé par les diplomaties, qui devient une sentence de mort pour des innocents. Lucide, il évoquait la mise en danger de tous ceux qui n’ont pas hésité pourtant à embarquer.

La force de la vigilance citoyenne

En tant que citoyenne engagée, il me semble que la vraie force « pour sauver Gaza » réside dans notre vigilance collective et notre soutien sans faille. Chaque signature, chaque boycott, chaque manifestation, chaque partage sur les réseaux sociaux compte. La pression populaire a déjà contraint certains gouvernements européens à annoncer des sanctions — preuve que l’action citoyenne peut briser le silence diplomatique.

Ce que je sais à ce jour — et il faut être prudent, car en une seule journée tout peut basculer —, c’est que la Global Sumud Flotilla et Waves of Freedom restent en mer, poursuivant leur route vers Gaza avec l’espoir d’ouvrir un passage humanitaire, malgré les attaques de drones et les blocages comme à Tunis en début de mois.

Selon les informations les plus récentes disponibles, la Global Sumud Flotilla, qui a quitté la Tunisie le 14-15 septembre 2025, devrait arriver au large de Gaza entre le 15 et le 20 septembre 2025, donc dans les prochains jours.

Cependant, selon un article récent du Monde, il est important de noter qu’aucune flottille n’a réussi à atteindre Gaza depuis 2023, toutes ayant été interceptées par les forces navales israéliennes. L’arrivée effective sur les côtes gazaouies reste donc très incertaine malgré cette estimation.

Un symbole réunionnais face à l’injustice

Le drapeau réunionnais flotte fièrement sur l’un des bateaux, porté par les 50 000 euros de dons de nos compatriotes, témoignant que notre île refuse l’indifférence face au génocide.

Mais au-delà de l’horreur et de la barbarie, je reste persuadée que demeure cette vérité éternelle : tant que flottera notre drapeau réunionnais sur ces eaux hostiles, tant que des cœurs réunionnais battront au rythme de la solidarité universelle, l’humanité ne mourra jamais totalement face à l’injustice.

👉 globalsumudflotilla.org

Chaque contribution publiée sur le média nous semble répondre aux critères élémentaires de respect des personnes et des communautés. Elle reflète l’opinion de son ou ses signataires, pas forcément celle du comité de lecture de Parallèle Sud.

Frédérique Welmant

324 vues

A propos de l'auteur

Média Parallèle Sud

Votre média de presse en ligne à La Réunion.

Ajouter un commentaire

⚠︎ Cet espace d'échange mis à disposition de nos lectrices et lecteurs ne reflète pas l'avis du média mais ceux des commentateurs. Les commentaires doivent être respectueux des individus et de la loi. Tout commentaire ne respectant pas ceux-ci ne sera pas publié. Consultez nos conditions générales d'utilisation. Vous souhaitez signaler un commentaire abusif, cliquez ici.

Articles suggérés