Le projet d’exploitation de la méga carrière devant la cour d’appel administrative
Dans quelques jours, quelques semaines, les opposants à la carrière de Bois-Blanc devront batailler devant la justice pour empêcher son exploitation. En effet, malgré la décision de finir la NRL en « tout viaduc » les avocats de la Région et de l’État continuent à travailler sur l’ouverture de cette carrière. Interrogée par Parallèle Sud, Huguette Bello fait savoir que la collectivité entend se désister avant l’audience.
Rejouerait-on le drame du Titanic ? Bien qu’averti de la présence d’un iceberg, le capitaine serait incapable de redresser la barre pour éviter l’obstacle. En l’occurence, le ministère de la transition écologique et la Région Réunion continuent à défendre le projet d’une méga-carrière à Ravine du Trou / Bois Blanc malgré la victoire d’Huguette Bello à l’élection régionale, sa promesse d’abandonner ce projet de carrière et la signature le 16 mars dernier d’un chèque de 840 millions d’euros pour construire un viaduc à la place de la digue de 2,5 kilomètres programmée initialement.
L’option « tout viaduc » rend inutile la recherche de ses fameuses roches massives que la précédente mandature avait « oublié » d’identifier avant d’accorder le marché de la digue NRL au groupement Bouygues-Vinci. Le défrichement de 35,6 hectares de part et d’autre de la route des Tamarins à la frontière entre Saint-Leu et les Avirons puis le creusement, aux explosifs, et l’exploitation d’une carrière ne sont, en théorie, plus nécessaires. Les opposants à ce projet, mairie de Saint-Leu, Srepen et le collectifs Touch pa Nout Roche qui a mobilisé des milliers de personnes, pouvaient se rassurer. Leurs avocats ont été rappelés à la dure réalité.
Quel coût en frais de justice ?
L’affaire suit son cours dans les méandres de la justice administrative après l’annulation, le 31 décembre 2020 par le tribunal administratif de La Réunion, des arrêtés préfectoraux des 28 décembre 2018 et 18 avril 2019 autorisant la SCPR (filiale de Bouygues) à exploiter la carrière de Bois Blanc. L’Etat et la Région Réunion avaient fait appel de cette décision du temps où Didier Robert, l’ancien président de Région, défendait mordicus le projet de digue. Ni l’un ni l’autre ne se sont désistés. Il faut donc continuer à produire des mémoires en défense en vue de l’audience à la cour d’appel administrative de Bordeaux qui connaît parfaitement le dossier pour avoir déjà déclaré illégale, le 29 mai 2018, cette carrière de Bois-Blanc faute d’évaluation environnementale préalable.
Dans son argumentaire juridique, la Région Réunion continue donc à défendre l’idée selon laquelle le projet de la SCPR ne menace pas la biodiversité ambiante. Elle prétend également qu’il n’est pas nécessaire d’analyser les effets cumulés du projet de carrière avec celui de la NRL. Même si, dans le dossier débattu, la carrière de Bois Blanc est présentée comme « exclusivement destinée à la Nouvelle route du littoral ».
Sollicité, la mairie de Saint-Leu, n’a pas répondu à nos questions sur ce que lui coûte cet étonnant acharnement juridique. En revanche elle continue à défendre scrupuleusement son dossier contre la carrière. Elodie Marais, au nom du collectif Touch pa Nout Roche n’est quant à elle pas étonnée que l’Etat poursuive sa démarche par une sorte de « logique procédurales ». En revanche elle est surprise par la survivance de plusieurs procédures engagées sous Didier Robert.
Multinationale en quête de monopole sur les matériaux
« On a compris que la guerre n’est pas gagnée même si on a gagné des batailles, commente-t-elle. Il y a la modification du SAR (Schéma d’aménagement régional) qui va dans le sens de la carrière et la SCPR garde tout intérêt à ouvrir une méga-carrière. C’est une multinationale qui cherche à avoir le monopole sur les matériaux. Ils savent pertinemment qu’il n’y a pas tant de roches massives que ça dans le site de Bois-Blanc mais ils en feront du granulat s’ils arrivent à ouvrir leur site ». Contactée, la SCPR n’a pas donné suite à nos sollicitations. Pas plus que les services de l’Etat.
En revanche, la Région Réunion nous a communiqué qu’elle apprenait la persistance de cette procédure et qu’elle « allait évidemment se désister ». Restent en suspens quelques questions : Comment fonctionne la chaîne de décision sur ce genre de sujet hyper-sensible ? Combien coûte la mobilisation de cabinets d’avocats spécialisés ? Y a-t-il, au sein des services ou parmi les élus, des personnes qui défendraient des intérêts autres que ceux exprimés devant les électeurs?
Franck Cellier