En attendant le 2ème tour

Le droit de réserve du corps enseignant et ses dérives…

En surfant sur différents médias d’informations, je découvre que certain(e)s président(e)s d’universités se permettent directement ou indirectement d’appeler à voter Emmanuel MACRON au deuxième tour de la Présidentielle en utilisant notamment les boîtes mails professionnelles d’enseignants et les boites mails des étudiants.

Sources :  https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/04/19/independance-ou-neutralite-la-posture-des-presidents-d-universite-pendant-la-campagne-fait-debat_6122739_6059010.html

https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/maine-et-loire/presidentielle-l-universite-d-angers-appelle-a-voter-en-pesant-la-gravite-du-moment-332e2a40-bc2a-11ec-a45e-c7c889f915a9

Ancien enseignant et directeur d’école, à la retraite depuis plusieurs années, je peux, car n’étant plus en service, donc plus soumis au droit de réserve, me permettre d’apporter des précisions et de donner mon opinion. 

Sur le forum du bâtonnier Francis Lec, je lis ceci : « Les personnels des corps enseignants bénéficient, comme l’ensemble des fonctionnaires, de la garantie de la liberté d’opinion ainsi que le souligne l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires », mais je lis aussi ceci : «  Les personnels enseignants disposent, en dehors du service, de la faculté d’exprimer leurs opinions, dans la mesure toutefois où ils respectent l’obligation de réserve à laquelle ils sont tenus. Cette obligation de réserve résulte d’une construction de la jurisprudence selon laquelle l’expression d’une opinion politique par un fonctionnaire est apprécié au regard de divers critères, notamment de la place de l’intéressé dans la hiérarchie administrative, de la nature des fonctions de l’intéressé, des circonstances dans lesquelles se sont produits les faits en cause et de la publicité dont ils ont pu faire l’objet ». 

Source : site du Sgen-Cfdt

Dans la loi « Ecole de la Confiance » du Ministre Blanquer, on rappelle tout cela, mais l’ensemble reste assez flou, et en la matière, c’est l’article  6 de la loi du 13 juillet 1983 dite « loi Le Pors » qui reste de mise. Quand il y a problème c’est le tribunal administratif qui tranche…

En dehors de mon activité professionnelle, j’ai été comme beaucoup d’autres personnes, responsable associatif, parent d’élèves, élu notamment dans un conseil municipal,… Il y a une grosse trentaine d’années, un inspecteur m’a appelé pour me rappeler à mes obligations de réserve car j’avais critiqué publiquement, en tant qu’élu, la « règle de la calculette » appliquée par l’Education Nationale pour supprimer des postes dans des établissements scolaires. En l’occurrence, l’élu a été d’abord considéré par la hiérarchie comme fonctionnaire de l’Education Nationale n’ayant pas respecté son « droit de « réserve » (qui d’ailleurs n’existe dans aucun texte règlementaire). Sans conséquence bien sûr, mais tout de même ! 

Le vendredi précédent le premier tour, de nombreuses directions d’écoles ont reçu des mails de la part de LREM les incitant à votre Emmanuel Macron au 1er tour (https://www.mediapart.fr/journal/france/080422/presidentielle-macron-spamme-les-directeurs-d-ecole-48-heures-du-premier-tour) . A priori, ce type d’envoi n’est pas condamnable, sauf que… Ils ont été envoyés sur des boîtes professionnelles ciblées pour d’autres raisons que le fonctionnement et l’intérêt du service et par des gens qui n’ont rien à voir avec l’Education Nationale. Question : Comment ont-ils obtenu ces adresses ? La CNIL est pour l’instant muette ! 

Aujourd’hui, ce sont des responsables d’universités, certains proviseurs de grands lycées, qui appellent ouvertement par des écrits dans des boîtes mails, à apporter leur soutien à Monsieur Macron. Ils peuvent, à titre personnel penser bien entendu ce qu’ils veulent, mais il me semble qu’ils outrepassent largement leurs fonctions et ce « droit de réserve » qu’on n’oublie pas de rappeler aux enseignants qui osent critiquer leur ministère publiquement. 

Il y a bien deux poids deux mesures ! Si ces mêmes président(e)s avaient appelé à voter pour Madame Le Pen, ils auraient été illico convoqués par leur autorité de tutelle pour une bonne « remontée de bretelles », voire des suspensions de poste, et cela aurait fait la une des médias nationaux ! 

Monsieur Macron et ses équipes passent leur temps à donner des leçons de démocratie, ils feraient bien, en l’occurrence, de commencer par s’occuper rapidement de ces excès qui sont totalement inacceptables dans toute démocratie qui se respecte ! Il y a bien d’autres moyens de critiquer le programme électoral de Madame Le Pen ! 

Voter blanc ou nul, s’abstenir ? 

Le taux d’abstention au premier tour des présidentielles était déjà important, il s’annonce au deuxième tour encore plus important et pourrait atteindre un « record » sous la 5e République. 

Voter blanc ou nul, au fond, c’est bien sûr montrer son désaccord pour les deux candidats. En clair, compte-tenu de ce qui m’est proposé, je ne vote ni pour l’un ni pour l’autre car choisir m’est impossible. Mais je remplis mon devoir électoral en allant quand même voter en me disant que des gens se sont battus pour obtenir le droit de vote, certains l’ont payé de leur vie. 

Si je m’abstiens, au fond, je pense la même chose, mais je préfère ne pas aller voter.

Toute la journée du 24 Avril, nous aurons des estimations sur le taux de participation. Ceux-ci tiendront compte uniquement du nombre d’électeurs qui se seront déplacés ou pas. Et, au moment du dépouillement puis des résultats, seuls seront comptabilisés les votes pour l’un ou l’autre des deux candidats. Cela signifie que les votes blancs ou nuls n’apparaissent nulle part, et indirectement que le fait de se déplacer pour voter blanc ou nul ne sera nullement pris en compte. 

Pour résumer… Si l’on veut montrer notre mécontentement quant au choix impossible qui nous est proposé, il me semble donc que s’abstenir est la meilleure façon de le montrer. Si l’un des candidats est élu avec 60% seulement des électeurs voire moins, sa légitimité en souffrira terriblement. Accessoirement, les législatives pourraient avoir alors un réel intérêt ! 

Dominique Blumberger

Chaque contribution publiée sur le média nous semble répondre aux critères élémentaires de respect des personnes et des communautés. Elle reflète l’opinion de son ou ses signataires, pas forcément celle du comité de lecture de Parallèle Sud.

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