CANDIDATES, CANDIDATS…
La Plaine des Palmistes a beau être une petite ville de moins de 5 000 habitants. Le débat politique n’y est pas moins animé qu’ailleurs. Frédéric Azor, engagé en politique depuis 10 ans, a décidé de se porter candidat à l’élection municipale de 2026. Comment cet enseignant qui se dit étranger aux extrêmes se positionne-t-il dans ce fief bleu foncé où Marine Le Pen a frôlé les 75 % de suffrages à la présidentielle de 2022 ? Quelque part entre les deux anciens maires qui lui apportent leur soutien : le gaulliste Marco Boyer et le socialiste Jean-Luc Saint-Lambert.
Frédéric Azor, professeur de collège, entre en politique en 2014 sur la liste de Jean-Yves Faustin lors de l’élection municipale de la Plaine des Palmistes. En 2020, il rejoint celle menée par le maire actuel Johnny Payet. Puis il explique avoir été évincé après 6 mois de majorité, pour désaccords exprimés en pré-conseil. Il dénonce un fonctionnement en petit comité, des commissions absentes et des intérêts personnels.
« Quand on a un point de vue différent, on devient ennemi. Les décisions étaient co-signées… par deux ou trois personnes », déplore-t-il. Lui se présente sans étiquette tout en revendiquant un positionnement « centre-droit » se gardant des clivages partisans. D’ailleurs il reconnaît qu’Huguette Bello a redressé les finances de la Région et que le bilan de Cyrille Melchior au Département est positif. On n’est donc plus étonné que sa candidature à l’élection municipale de 2026 ait reçu le soutien de deux anciens maires qui ont été de farouches adversaires : le socialiste Jean-Luc Saint-Lambert et le gaulliste Marco Boyer.
« J’aime bien écouter tout le monde… je regrette qu’on nous oppose systématiquement. »
Tout le monde, et même le RN ?« En 2020, je ne savais pas que Johnny Payet était RN, il venait du LPA de Thierry Robert. Je l’ai appris plus tard, comme tout le monde, dans la presse », dit-il. En tout cas, il s’en départit : « Je me méfie des idées qui sont extrêmes, de droite comme de gauche. » Mais il reconnaît que le parti « touche un sujet réel » avec la question migratoire : « Est-ce qu’on est capable d’accueillir tout public ici sur notre petite île ? La réponse pour moi est non. »
Caméras inutiles
Interrogé sur la puissance du vote d’extrême-droite à la Plaine malgré l’absence de problème migratoire dans le village, il l’explique par un souci de protection : « On voit les problèmes des autres villes avant que ça arrive chez nous. Et c’est vrai qu’on est beaucoup plus critiques et on veut se protéger de tout ce qui se passe ailleurs tout simplement. »
Pour autant, Frédéric Azor, se défend de draguer l’électorat d’extrême-droite. Sur la lutte contre l’insécurité, priorité de son programme, il insiste sur la prévention plutôt que la répression. Il s’appuie sur les chiffres (hausse de 24% des vols et dégradations) pour plaider une stratégie tournée vers l’éducation, les associations, la coordination police/gendarmerie et l’activation du CLSPD (Conseil Local de Sécurité, de Prévention et de la Délinquance) qu’il juge tardive.
« Je ne suis pas tout caméra », prévient-il alors que la Plaine-des-Palmistes est la ville réunionnaise qui en a le plus installé par rapport au nombre d’habitants.
« Vous pouvez mettre une caméra, mais si quelqu’un veut rentrer, il mettra une cagoule et ça ne change rien au problème ».
Il déplore : « La police municipale a été complètement démantelée… il nous reste deux policiers municipaux sur quatre. » Sur les violences intrafamiliales, il insiste sur la prévention sociale et la reconstruction de la cellule familiale, en s’appuyant sur l’école et les acteurs de terrain. « Il faut remettre en place la cellule familiale… redonner une place au père. Parce que c’est lui qui apporte sécurité et confiance aux enfants. »
Terrains bradés
Autre argument fort de sa campagne, il attaque la gestion financière de Johnny Payet. Il reproche à la majorité la priorité donnée aux chantiers (piscine, médiathèque, parvis de mairie) au prix d’une vente massive du foncier et d’un budget artificiellement gonflé par 55 emplois vacants.
« On est en train de casser le devant de la mairie alors qu’on n’en avait pas besoin. On ne peut pas lancer des projets uniquement parce qu’on a le droit aux subventions. »
Florilège de reproches : « Le patrimoine foncier de la Plaine des Palmistes a fondu comme neige au soleil. »« Sur un seul conseil, on a vendu 50000 m² de terrain. » « 55 emplois vacants… représentent entre 2,5 et 3 millions d’euros. » « La mairie n’a pas vocation à employer les gens. Nous ne sommes pas France Travail. »
Réaliste, il ne conseille pas de nouvelles installations agricoles alors que le nombre d’exploitants est en constante baisse. Issu d’une famille d’agriculteurs, il mesure la faible rentabilité du secteur et propose d’appuyer prioritairement les agriculteurs en place, porteurs d’expérience et de savoir-faire, avant d’installer de nouveaux publics.
Fête kaf
« J’ai grandi avec mes grands-parents qui eux-mêmes étaient agriculteurs. On avait des cochons. On avait des bœufs. On avait des poules et déjà à l’époque, c’était difficile de s’en sortir. Le prix des aliments, ça représentait 80 % des coûts, il ne restait pas grand-chose comme bénéfice… »
Dans le domaine du tourisme, il prône l’authenticité.
« 5 étoiles, ça ne m’intéresse pas parce qu’on va revenir avec du béton et tout. Quand vous venez à la Plaine-des-Palmistes, c’est l’authenticité que vous recherchez. C’est la cuisine au feu de bois, le songe cuisiné… »
Il qualifie de « bonne idée mal montée », le dispositif des bungalows chez l’habitant. Mauvais ciblage des porteurs, modèle économique mal anticipé, montage financier décourageant. Même diagnostic pour les serres détruites par le cyclone Garance : conception non anticyclonique, défaut de contrôle.
En matière d’environnement, Frédéric Azor veut développer des filières locales (verre, plastiques), y compris la revalorisation des plastiques en filament 3D. Enfin, en termes de culture et d’identité, il exprime son désaccord avec la position de Johnny Payet qui disait ne pas fêter l’abolition de l’esclavage. Lui défend la commémoration du 20 Décembre et le travail de recherche sur l’esclavage et les patrimoines : « Je suis très attaché à l’histoire de l’île de La Réunion. »
Entretien : Franck Cellier et Olivier Ceccaldi
Photos et vidéos : Etienne Satre et Franck Butel
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