Frédéric Viale, accordéoniste : Quand le jazz est là…

Vendredi soir, le 11 avril, la médiathèque de Saint -Joseph accueillait l’accordéoniste Frédéric Viale, « la » référence de l’accordéon jazz en France. De passage sur l’île pour trois concerts d’hommage à Edith Piaf (tournée mondiale de plus de 1000 représentations), il est venu présenter l’accordéon et nous faire découvrir d’autres facettes de cet instrument.

Une « entrée en matière » seul avec son accordéon

Sur la scène de l’auditorium de la médiathèque de Saint-Joseph, plutôt que de commencer par un discours, Frédéric Viale offre au public un premier morceau : Bésamo Mucho. Ce tube mexicain, tout le monde ou presque le connaît. Et pourtant ! L’interprétation qu’il nous propose est à fois insolite, voire improbable, avec des accords complexes, des rythmes différents. Il suffit de fermer les yeux pour se laisser transporter au Brésil avec des sonorités souvent proches du bandonéon. Et il enchaîne avec une version du standard musette, la valse Sous le ciel de Paris, dont il a choisi de changer le rythme ! Sa version « façon boléro » est une petite merveille de technicité et de sensibilité. Ce ciel, on l’imagine sans souci, et avec un plaisir non dissimulé ! Il proposera quelques instants plus tard, toujours en solo, la chanson de Claude Nougaro : Les mains d’une femme dans la farine d’après la mélodie originale The Crazy Word d’Arthur Brown. Là, comme le chantait si bien Nougaro, « le jazz est là » ! Et on se demande comment on peut bien avec un accordéon réaliser de telles prouesses techniques !

« L’accordéon, c’est comme un harmonica géant »

Pour répondre à la question d’un spectateur, Frédéric Viale explique rapidement comment fonctionne un accordéon. Deux mains, la droite pour jouer plutôt la mélodie, la gauche plutôt l’accompagnement. De chaque côté, des « sommiers en bois » supportent un ensemble de lames métalliques qui vibrent lorsque l’air rentre dans l’accordéon grâce au soufflet. En principe, un sommier par rangée de notes (ça en fait beaucoup !). Les notes actionnent des bras métalliques qui déclenchent l’ouverture d’une soupape. L’air entre et fait alors vibrer les lames. Jusqu’à huit lames peuvent vibrer en même temps ! C’est dire la richesse musicale de l’instrument ! Des « registres » (timbres différents) permettent d’étendre la tessiture de l’instrument de deux octaves. Frédéric Viale explique aussi que la main gauche « prend beaucoup de place car beaucoup d’air rentre quand on joue, il donc assez difficile parfois de trouver un équilibre entre main droite et main gauche ». Il ajoute que « l’accordéon est un instrument assez lourd, qui sollicite beaucoup le dos et l’épaule gauche ».

Découverte de l’instrument dès neuf ans

Frédéric Viale est issu d’une famille piémontaise installée dans le sud de la France. En Italie, on aime énormément l’accordéon. Plusieurs musiciens français célèbres sont d’origine italienne : Joë Rossi, Joss Baselli ou encore Marcel Azzola pour ne citer qu’eux. Il a débuté l’accordéon vers neuf ans « pour faire comme ma sœur » dit-il. Ce n’est que vers l’âge de 12-13 ans qu’il s’investit réellement dans l’accordéon alors un peu sur le déclin, « jugé un peu ringard, pas franchement populaire, on ne plaît pas forcément aux filles quand on joue de l’accordéon », dit-il le sourire aux lèvres. Il a suivi des cours avec Lucien Galliano (le père du célèbre accordéoniste Richard Galliano), a joué dans son accordéon club, il aime improviser. Amoureux du jazz, des musiques du monde, des musiques traditionnelles, des musiques latines, méditerranéennes, ses influences sont plutôt valse musette, jazz (« je suis tombé dedans un peu comme Obélix dans la potion magique »), et les musiques sud-américaines (Argentine-Brésil). Il aime improviser, et se définit comme un compositeur-arrangeur autodidacte.

Une douzaine d’albums

Le premier album Paradise  sort en 2004, une collaboration avec le pianiste Jean-Pierre Como. En 2008, il enregistre entre Paris et Rio avec trois musiciens célèbres (Marcio Bahia, André Ceccarelli, Diego Imbert). Et il enchaîne les albums souvent en collaboration avec d’autres musiciens connus. Près d’une douzaine d’albums en 20 ans, des concerts un peu partout dans le monde, en Europe bien sûr, mais aussi en Chine, en Amérique… Il a redonné à l’accordéon ses lettres de noblesse, en empruntant des voies nouvelles, mais tout en gardant le côté populaire de l’instrument.

A La Réunion pour des concerts « hommage à Edith Piaf »

« C’est la première fois que je viens à La Réunion, j’avoue que le « petit punch sur la plage », c’est un chouette souvenir », dit-il. Il sera présent sur trois concerts évènements : Piaf, le Spectacle, dans le cadre d’une tournée mondiale commémorant le 100e anniversaire de la naissance d’Edith Piaf. Déjà plus de 1000 spectacles dans une cinquantaine de pays un peu partout dans le monde ! Au programme à La Réunion : samedi 12 avril au Téat Plein Air Saint-Gilles, mardi 15 Avril au Téat Champ-Fleuri à Saint Denis, mercredi 16 avril au théâtre Luc-Donat du Tampon.

L’affiche du spectacle Piaf à Luc-Donat.

Un concert avec trois musiciens locaux de renom

Le concert donné vendredi soir à la médiathèque de Saint-Joseph est un peu le fruit d’une rencontre fortuite entre Olivier Lauret, guitariste jazz local et Frédéric Viale. Le premier a entendu parler du second, ils se sont contactés via facebook partageant la même passion pour le jazz ! Sur la scène de la médiathèque, Frédéric Viale est donc accompagné d’Olivier Lauret, du bassiste Johan Saartave et du batteur Emmanuel Félicité. Les trois sont des « pointures » de la musique locale.

Une petite heure de concert « pour mettre en l’air » l’accordéon, mais où chacun des musiciens avait sa place. Les solos ont montré l’étendue de leur talent, mais aussi la complicité qui animait ces quatre musiciens. Un bien beau concert !

Dominique Blumberger

Frédéric Viale : « Je m’amuse à partir du déroulé harmonique d’un morceau »

Monsieur Viale, pourquoi le choix d’un accordéon Pigini ?

Pigini c’est le plus grand fabricant au monde d’accordéons. Cet accordéon je l’ai fait fabriquer spécialement à mon intention. C’est un modèle signature qui porte mon nom et qui est commercialisé sous mon nom. En 2015 la maison Pigini m’a accompagné dans la fabrication de ce modèle jazz dont j’ai choisi timbres, design aussi et le chant.

J’ai remarqué que vous utilisez essentiellement les trois premières rangées main droite et pas les deux autres. C’est parce que vous avez appris comme ça ?

Il m’arrive d’utiliser la 4e rangée, mais j’ai appris mes positions d’accords avec les trois premières rangées, alors c’est vrai que je les maîtrise mieux comme ça. Mais il m’arrive quand même assez souvent d’utiliser la 4e rangée.

J’ai vu que la main gauche vous apporte souvent le rythme. La main droite, vous la concevez comment ? C’est intuitif, c’est une grille d’accords que vous avez en tête, vous faites défiler la mélodie dans votre tête et vous jouez au feeling ? Comment ça se passe ? 

Effectivement, dans le jazz, on ne peut pas improviser si on n’a pas en tête tout le déroulé harmonique du morceau, et je m’amuse avec ça. Après, il y a la main gauche. J’essaie de plus en plus de la penser comme un pianiste ou un guitariste. J’ai fait un gros travail sur la main gauche. Ensuite, il y a la « direction artistique » que vous voulez donner. J’essaie d’élaguer au maximum pour que la main gauche, quand je l’envoie, elle apporte quelque chose parce qu’au fond de moi je n’en ai pas vraiment besoin.

J’ai vu qu’il y avait des spectacles Piaf la semaine prochaine, c’est vous qui jouez ?

Oui, j’ai trois dates à la Réunion. Après on est en Pologne, en Australie, en Nouvelle Zélande, aux Etats-Unis, puis au Canada.

Propos recueillis par D.B.

Lien facebook : https://www.facebook.com/watch?v=1896917194411994&locale=fr_FR

A propos de l'auteur

Dominique Blumberger | Reporter citoyen

Ancien enseignant et directeur à la retraite, Dominique Blumberger a rejoint les rangs de Parallèle Sud quelques mois après son lancement. Passionné de musique, gros lecteur, il propose d’ailleurs souvent des avis sur ce qu’il a lu, il affectionne plus particulièrement les portraits et les reportages.

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