[Green]Comment replanter une forêt primaire

ÎLE MAURICE — VALLÉE DE FERNEY

C’est un chantier titanesque qui est engagé par les équipes de la Vallée de Ferney, discrètement et à l’ombre des « bois poupard » et « bois benjoin » que l’on croyait disparus. Une équipe soudée et déterminée sur la résurgence de cette forêt disparue, s’est donnée pour mission de nettoyer et replanter pas moins de 103 hectares.

Le pigeon rose, hier encore en voie de disparition, se reproduit aujourd’hui rapidement dans tout le sud du pays.
Le pigeon rose, hier encore en voie de disparition, se reproduit aujourd’hui rapidement dans tout le sud du pays.

« Nous en avons pour 50 ans au moins » Arnaud Berthelot, général manager du trust La Vallée de Ferney, donne le ton. Il s’agit là d’une expérience exceptionnelle, peut être unique sur la planète, qui va permettre aux équipes de Ferney (groupe Ciel) de refaire vivre une forêt primaire et endémique. Le site choisi n’est pas anodin, la Vallée de Ferney est un des premiers sites exploités pour son bois par les premiers prédateurs humains : les Hollandais dès le 17ème siècle, qui y ont prélevé des cargaisons de bois précieux pour leurs besoins en ébénisterie. Le site du Fort Frederik Hendrick y est d’ailleurs encore visible à quelques kilomètres en contrebas.

Les troupeaux de cerfs, dont les populations sont régulées par la chasse traditionnelle, abondent dans le secteur.
Les troupeaux de cerfs, dont les populations sont régulées par la chasse traditionnelle, abondent dans le secteur.

Ironie du sort, c’est un projet d’autoroute en 2004 qui a sauvé cette partie de la forêt. Un projet catastrophique pour un des derniers sanctuaires verts du pays et qui s’est soldé par une levée de boucliers et une prise de conscience environnementale qui ont permis de décréter la zone « Wildlife sanctuary ». Aujourd’hui les marques rouges apposées sur les arbres choisis pour être abattus, alternent avec celles qui marquent les espèces rares et protégées.

Une dizaine de jardiniers s’affaire au nettoyage et au reboisement des 103 hectares. Seulement 1 hectare est considéré comme terminé.
Une dizaine de jardiniers s’affaire au nettoyage et au reboisement des 103 hectares. Seulement 1 hectare est considéré comme terminé.

Un boulot exceptionnel car il ne s’agit pas ici de replanter quelques arbres dans un esprit green washing à la mode un peu partout : « notre action repose sur trois piliers : nettoyer la forêt des espèces invasives, prélever les espèces rares qui sont encore là et les placer en pépinières pour les protéger et les laisser grandir, enfin replanter ces espèces rares ainsi que les autres plantes endémiques issues de la pépinière dans les forêts nettoyées » précise Arnaud. Inutile de préciser que ces actions de nettoyage d’espèces invasives se font à la main, plante par plante par une équipe de 10 personnes particulièrement attentionnées.
Une opération de longue haleine qui doit se reproduire 3 à 4 fois jusqu’à ce que la mauvaise herbe ne repousse plus. Ce n’est qu’après que les plantes endémiques peuvent être replantées, après avoir séjourné dans la pépinière gérée par deux dames qui soignent les jeunes pousses en longueur d’année.

Texte et photographies : Jacques Rombi – Le Journal des Archipels

2% du territoire en forêt primaire

La forêt primaire reçoit des abris pour lesoiseaux qui vivent en harmonie avec le biotope.


L’île Maurice possédait une biodiversité riche en espèces endémiques qui ont évolué au cours des huit millions d’années d’histoire de l’île. Depuis la colonisation humaine au 17ème siècle, il y a eu des taux élevés d’extinctions de plantes et d’animaux et de nombreuses espèces sont devenues menacées. 

Aujourd’hui on ne compte plus que 2% du territoire en forêts primaires (dont beaucoup sont encore colonisées par des espèces invasives), et les programmes de conservation ont réalisé des progrès significatifs dans l’arrêt et le ralentissement de la perte de biodiversité. Il s’agit notamment du rétablissement des populations de l’anciennement en danger critique d’extinction et endémique de Maurice Crécerelle Falcopunctatus, du pigeon rose Nesoenasmayeri, de la perruche écho Psittaculaeques et de l’augmentation de dizaines d’espèces végétales, notamment les espèces en danger critique d’extinction Dombeyamauritiana, Hyophorbelagenicaulis, Psiadiaeocatarattaebojeri. Parallèlement au rétablissement des espèces, il y a eu la restauration des habitats dans le parc national des Gorges de la Rivière Noire et la reconstruction des écosystèmes sur les îlots, en particulier l’île Round et l’île aux Aigrettes. 

Certains de ces programmes sont devenus des exemples qui servent de référence aux manuels scolaires. Des visites guidées sont régulièrement organisées par le Mauritius Wildlife Foundation (MWF) aux scolaires mais aussi aux touristes, permettant de soulager les porteurs du projet de l’importante charge financière.

Un trust privé public

Le statut de cette forêt protégé est celui d’un « Public Private Partner » (ou partenariat privé public) dont Arnaud Berthelot a la direction aux côtés des 4 autres membres : Jérôme De Chasteauneuf (CIEL/ Ferney), Mathieu Raze (CIEL/ Ferney), Chandanee Jhowry (représentant le ministère de l’agro-industrie), Albert Koenig (Discover Mauritius).
Hormis une subvention de 150 000 dollars émanant du PNUD à travers small grants programm, pour la période 2013/2016, avant et depuis cela, ce sont exclusivement CIEL et Ferney ltd qui financent les activités du Trust, soit environ 100000 € par an.

Le Journal des Archipels se présente comme un média fédérateur, prônant les échanges régionaux, les circuits courts et les économies d’échelle.

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