Kabar Nwar photo Iris Mardémoutou

[Humeur] « Hécatombe » d’hier et d’aujourd’hui

« Rituel politique » avions-nous titré sur le spectacle Kabar Nwar. François-Régis Cambuzat, son auteur, est un rockeur. Un vrai. Avec un propos politique, engagé, féministe, un rebelle intellectuel. Dans sa pièce musicale, on invoque les ancêtres pour qu’ils viennent ôter la vie des grands de ce monde.

« Ou sa krévé », répète inlassablement Fanny Turpin, son interprète, à la litanie des noms des grands de ce monde. 

François Cambuzat nous a gratifiés du texte en français de son morceau phare ainsi que de son enregistrement en avant-première. « Nous ne pensions pas publier cette vidéo avant la sortie de l’album du Kabar Nwar, mais la période française actuelle nous semble indiquée.  Mouvements sociaux, insoumission: nous devons absolument y arriver, il en va de notre survie à tous, totale et globale », a-t-il expliqué.

Mais son texte est violent. Jusque dans les rangs de Parallèle Sud, on s’interroge, on s’émeut de son propos. Violent comme le temps présent, violent comme les maîtres du monde. Violent comme la Révolution, et comme nombre de chansons et d’œuvres littéraires. 

Cette forme d’expression n’est en effet pas nouvelle. Mais il est de bon ton aujourd’hui de « condamner la violence ». Alors on condamne. La culture rock, punk, rap et même reggae est pleine de ces soi-disant appels au meurtre, à la haine, souvent de policiers. I shot de sherif (Bob Marley), Sacrifice de Poulets (Ministère A.M.E.R.), Cop Killer (Body Count), Cayenne (chanson de bagnards), Hécatombe (George Brassens), la liste est longue. 

L’abbé Pierre en 2007 sur TF1 (source Le Média)

Dans un autre registre, l’abbé Pierre expliquait en 2007 aux nantis qu’ « au regard de Dieu », ils avaient « plus de sang sur les mains que n’en aura jamais le désespéré qui aura pris les armes pour se sortir de son désespoir… »

Pas de quoi alors s’offusquer d’une provocation assumée, d’une blague potache. Sinon, autant expurger Victor Hugo des scènes de barricades, ou les bourres-pifs des westerns. Alors nous ne nous offusquerons pas des « ou sa krévé » de Kabar Nwar.

Philippe Nanpon

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.