SOS POMPIERS EN DÉTRESSE
Sentiments d’injustice, de favoritisme, d’abandon… Les pompiers de La Réunion peinent toujours à se concentrer sur leurs missions. Aucun officier n’ignore les dysfonctionnements du SDIS. L’un d’entre eux, Thomas L. s’est suicidé, il y aura bientôt un an, laissant derrière lui de nombreuses alertes sur le malaise qui pèse sur les casernes réunionnaises. Sous couvert d’anonymat, des officiers estiment que « le SDIS a tué Thomas »… ainsi que Daniel H., autre lieutenant que la direction n’a pas su soutenir.
« Je vous demande, mon commandant »… Quand un lieutenant doit faire face au refus d’obtempérer de pompiers placés sous son autorité, il rédige un rapport et s’en remet à sa hiérarchie qui agit. C’est le fonctionnement logique d’une institution qui s’inspire de l’organisation militaire.
Il se trouve qu’à La Réunion, le Service départemental d’incendie et de secours n’a jamais réussi à s’inscrire dans une telle rigueur. Il est au contraire régulièrement épinglé pour sa gestion dysfonctionnelle.
Quelles sont les conséquences d’une telle réputation qui n’est hélas pas usurpée ? Le mal-être des agents ne peut plus être une question taboue. Il y a presqu’un an, le lieutenant Thomas L. a mis fin à ses jours laissant derrière lui de nombreux rapports et échanges de courriers avec sa hiérarchie.
A ses obsèques, respectant les consignes qu’il avait laissées, les pompiers présents avaient remisé leurs uniformes dans les armoires. Ils se sont présentés « en civil ». Un lieutenant nous a soufflé : « Comme pour la femme du gendarme tué récemment en métropole, qui disait que la France a tué son mari. Je pense que le SDIS a tué Thomas ». Un propos approuvé par un autre officier qui évoque le cas d’un autre lieutenant, Daniel H., qui avait mis fin à ses jours en avril 2019 : « Le SDIS a tué Thomas et Daniel »…
Deux suicides de lieutenant
Ce lieutenant de la caserne de Saint-Paul était intervenu quelques mois auparavant sur l’incendie d’un entrepôt industriel de la zone de Cambaie. Les pompiers n’avaient alors pas réussi à sauver un employé resté prisonnier des flammes. 12 soldats du feu avaient subi des blessures, dont certaines nécessitant des hospitalisations.
Le rapport du lieutenant H., lui-même sérieusement blessé, faisait état de multiples manquements survenus lors de cette intervention. Il se trouve que, suite à l’arrêt maladie provoqué par l’inhalation de monoxyde de carbone et le choc post-traumatique d’avoir vu mourir un homme sans pouvoir le sauver, le lieutenant H. a été écarté des opérations. Il ne supportait pas sa mise à l’écart et a sombré dans une dépression très mal évaluée par le service médical du SDIS.
Ses messages, avant son passage à l’acte, ne laissaient pas de place aux doutes quant à sa détermination à se suicider. « Il aurait dû être hospitalisé », regrettent ses proches. Sa veuve avait refusé que les agents du service de santé se présentent en uniforme lors des obsèques. Le SDIS n’a pas été à la hauteur pour soutenir un lieutenant dont l’engagement sur le terrain était flagrant. « L’humain, ce n ‘est pas leur truc », remarque un avocat habitués des dossiers concernant les pompiers réunionnais.
Laisser-aller
Les documents, que nous avons pu consulter, montrent à quel point Thomas L., jeune officier, s’est senti abandonné dans sa mission pour remettre de l’ordre et du sens dans les casernes et les services.
« C’était un pompier exemplaire, de ceux qui laissent leur pantalon fixé sur leur rangers quand ils dorment pour pouvoir enfiler leur tenue en quelques secondes en cas d’alerte. Il avait une haute idée de sa mission mais s’est grillé quand il a voulu mettre de l’ordre », confie l’un de ses ex-collègues.
Formé à la rigueur de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, il s’est confronté à un laisser-aller bien ancré dans la caserne où il était affecté : refus de départ d’un pompier, retour d’un incendie sans l’aval de la hiérarchie, retards et insubordination… Ce ne sont pas tant ces divers manquements aux obligations des pompiers que l’absence de sanction qui a fini par décourager le jeune officier.
Sentiment d’abandon du personnel
Dans trois « lettres d’étonnement », datées de 2019, 2021 et 2023, il alerte sa hiérarchie en lui demandant de prendre ses responsabilités. On y lit qu’il peut subvenir quelques dérapages lors des interventions mais c’est surtout la vie de caserne qui est « rythmée de plaintes régulières du personnel sur la charge mentale de la profession, le temps de travail et l’égalité de traitement dans la planification des gardes ». Il est question « d’un sentiment d’abandon du personnel ».
D’autres pompiers nous ont confirmé que le lieutenant était esseulé dans le commandement de la caserne. Les passations d’une garde à l’autre, à 7h00 et 19h00 s’opéraient sans solennité et surtout sans communication et sans consigne : « Sans ordre dans les rangs, sans garde à vous et avec une présence aléatoire du personnel qui arrive trop souvent en retard ».
En plus de soucis matériels sur les équipement et les failles dans leur entretien et leur réparation, le lieutenant L. relevait « le manque d’attachement aux traditions des sapeurs pompiers ». Par exemple pour justifier leur refus de participer à la levée des couleurs, certains sapeurs disaient que le SDIS ne méritait pas une telle considération pour la profession du fait « des erreurs commises depuis plusieurs années ».
Impunité
D’autres rapports, que nous avons également pu consulter, reconnaissent, comme le lieutenant L., les « bonnes volontés » de pompiers dévoués à leur missions, surtout en intervention, mais les récriminations sur le fonctionnement du service transpirent toujours.
Le jeune officier n’a pas été entendu. Certains de ses collègues relèvent l’erreur de sa mutation au service communication face à des fonctionnaires hostiles qui n’ont pas supporté d’être pris à défaut sur leurs mauvaises habitudes de copier d’anciennes publications pour en réaliser de nouvelles ou leur résistance face aux demandes de réagir plus vite.
Le lieutenant évoquait « un sentiment d’impunité du fait d’une situation administrative confortable qui leur semble établie et immuable. » Une remarque que confirment les différents rapports de la Chambre régionale des comptes sur le SDIS.
« Plus que de la résistance au changement, c’est une volonté de maîtriser un système », analyse même un cadre du SDIS sous couvert d’anonymat, faisant allusion au poids des syndicats et des politiques.
Des casernes dépourvus de commandement d’officier
Au-delà de l’absence de soutien ferme de la direction du SDIS à un officier, le parcours tragique de Thomas L. révèle aussi l’incohérence des décisions de mutation. Le lieutenant s’était en effet porté candidat pour commander le centre d’incendie et de secours de Petite-Ile. Il disposait du grade pour le faire. A ce poste à sa dimension, il aurait pu mettre en œuvre, sur le terrain, les valeurs enseignées à l’ENSOSP.
Mais on ne compte plus, au SDIS, les procédures qui n’aboutissent jamais, comme si la direction officielle finissait toujours par se laisser influencer par une pesante « direction parallèle ».
Personne ne comprend pourquoi sa candidature, soutenue par plusieurs officiers en interne, n’a jamais reçu de réponse favorable alors que la caserne de Petite Ile est, toujours aujourd’hui, dépourvue d’un commandement, qui relève réglementairement d’un officier. Elle est toujours sous l’autorité provisoire d’un sous-officier. Dans les échanges de mails à ce sujet, l’un des cadres s’étonne de la longueur des délais pour confier un commandement et redoute l’intervention du « politique ».
Un mal-être général
Le mal-être des pompiers qui apparaît dans cette histoire personnelle, est hélas général. Dans la gestion quotidienne, un climat de suspicion s’insinue. Des centres en accusent d’autres de tricher sur l’état réel des présences pour refuser de venir remplacer les absences. On en vient à s’accuser de « sabotage » lorsqu’un véhicule est mis hors service.
On ne compte plus les litiges qui arrivent au tribunal correctionnel puis en appel. Il arrive qu’un pompier condamné pour harcèlement sur l’une de ses collègues figure au tableau des promotions l’année suivante. Dans l’une des décisions de justice que nous avons pu consulter, la cour d’appel de Bordeaux souligne que le SDIS de La Réunion se permet d’ignorer la chose jugée. C’est-à-dire qu’il est capable de refuser d’appliquer une décision de justice. Au nom de quelle autorité supérieure ?
La lecture d’une dizaine d’enquêtes administratives est tout aussi éclairante sur l’immobilisme de la direction ou sa lenteur pour appliquer les recommandations qu’une commission d’enquête lui transmet. Le cas de la caserne de Saint-Paul interpelle. En 2019, une enquête interne préconise des mesures sévères pour mettre fin à la présence d’alcool et aux addictions. Elle n’est guère suivie d’effet.
Agressions sexuelles
Or le pompier condamné l’an dernier à 6 mois de prison avec sursis pour agression sexuelle sur une femme transportée dans le véhicule de secours est issu de cette caserne. Le test d’alcoolémie pratiqué sur l’agresseur s’était avéré positif. Ce pompier volontaire avait même été mis à pied en 2022 pour alcoolisation sur son lieu de service. Comme quoi, malgré plusieurs alertes, il a pu rester en service jusqu’à ce qu’il abuse d’une victime.
Une gouvernance plus rigoureuse, plus juste et plus transparente ne permet peut-être pas d’éviter tout dérapage. Mais le SDIS aura à s’interroger sur les causes des faits de harcèlement et d’agressions sexuels pour lesquels il vient de suspendre trois pompiers des casernes de Saint-Philippe, Petite-Ile et l’Etang-Salé. Etait-ce évitable ? Peut-être, si la direction n’avait pas attendu les signalements en gendarmerie pour faire le ménage dans les casernes…
Conclusion amère d’un officier : « Là où nous en sommes, ce n’est pas d’un bon directeur dont nous avons besoin mais d’un directeur exceptionnel. Et il n’est pas sûr que ça existe ».
Franck Cellier
PS : Sollicitée depuis jeudi dernier, la direction du SDIS n’avait pas répondu hier soir. La présidence évoquait le retour de congés. Nous restons à sa disposition pour lui donner la parole.
Le renoncement de la capitaine réunionnaise
Donnons lui le prénom d’emprunt de Manon mais elle risque d’être reconnaissable par les principaux intéressés car elle est, à notre connaissance, la première femme réunionnaise à obtenir le concours de capitaine des sapeurs pompiers. C’était en 2021. Elle aurait dû être une fierté d’intégration du SDIS à la tête d’un centre de secours. Elle était prête, nous a-t-elle dit, à imposer son caractère bien trempé dans un milieu d’hommes peu habitués à être commandés par une femme.
Pourtant elle a refusé l’affectation qui lui a été proposée à l’issue de son concours. Quatre ans après, alors que son titre est encore valable quelques mois, elle n’a pas l’intention de revenir sur sa décision. « De par ma profession et mon histoire je suis en contact avec plusieurs pompiers professionnels. Ils m’ont dit que ma belle motivation pour me mettre au service des autres était la pire motivation qui soit quand on entre au SDIS de La Réunion », explique-t-elle.
Ces interlocuteurs lui ont raconté qu’elle n’y trouverait pas l’esprit de corps dont elle rêvait lorsque, adolescente, elle était en admiration devant ce métier de sauveteur. « Ils me disaient, que je n’aurais pas une vie professionnelle épanouissante. Qu’il fallait faire ce métier pour l’argent mais que je devais m’attendre à une hiérarchie pesante qui empêche les dossiers d’avancer. Alors que mon caractère, c’est plutôt de tout faire bouger. J’aurais été très bien payée avec les primes et les avantages. J’aurais gagné 6 000 € par mois mais ce n’est pas ce que je recherche. La fiche de paie ne suffit pas. Je n’avais pas envie de tomber en dépression. »
« Ne tirez pas sur l’ambulance »
Les pompiers de terrain, hommes du rang, que nous avons rencontrés ne sont pas en demande d’une discipline militaire. Ils y seraient même plutôt opposés préférant une ambiance de camaraderie tout en assurant avoir le sens du service. Ils souffrent des différentes turpitudes relayées par la presse et qui, selon eux, entachent leur réputation. Ils reconnaissent que la féminisation du métier a quelque peu révolutionné leurs habitudes. Ça n’excuse en rien les écarts et les difficultés d’adaptation mais il s’agirait de cas isolés.
En tout cas, nos discussions confirment le fossé qui s’est creusé entre eux et la direction. La défiance qui se traduit parfois brutalement — « On n’est pas la p… du chef » — se nourrit du caractère bicéphale de la direction : le Département qui finance et le préfet qui commande. Avec fatalisme, tout le monde constate que le « piston » est le plus sûr moyen pour être entendu : « Mais c’est partout pareil, ce n’est pas que chez les pompiers ». Simplement, il y a eu des abus et le pompier de base espère que la justice condamnera les coupables.
Ce pompier de base a le sentiment d’être déconsidéré par sa direction qui, de ses bureaux, serait grassement payée et passerait son temps à faire des économies sur son dos. « On est mal traité alors qu’on est tout le temps au travail, les nuits et les jours fériés. Vous imaginez quand on n’arrive pas à sauver un enfant et que sa mère nous accuse de l’avoir tué ? Les jeunes arrivent motivés et sont désabusés au bout de cinq ans. »
Si l’arrivée d’un nouveau colonel en 2020 a pu susciter quelques espoirs de changement, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les pompiers rencontrés décrivent leurs dirigeants comme « déconnectés » des réalités du terrain et « mal conseillés ». Le climat est à la défiance avec comme menace régulière l’activation de « l’article 40 » qui consiste à rapporter au parquet tout acte considéré comme une infraction.
Rapports accablants et enquête pour « détournement de fonds publics »
En 2017, deux rapports de la Chambre régionale des comptes, épinglaient le « défaut de maîtrise du fonctionnement du SDIS en matière de gestion des ressources humaines » : « Une fonction éclatée en quatre entités non coordonnées avec pour conséquence des dysfonctionnement et des procédures lacunaires ». L’absentéisme y est trois fois plus élevé que dans les autres SDIS de France.
Ils évoquaient un fonctionnement et une gouvernance altérée et concluaient que le SDIS n’est pas en mesure de remplir près du tiers des objectifs que lui a assignés le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques. Les juges faisaient le triste constat que « Malgré les rapports précédents de la chambre en 2012, d’un cabinet privé en 2014 et de la mission d’inspection de la sécurité civile, les lacunes récurrentes de l’établissement demeurent. La menace d’une dissolution de l’établissement, déjà envisagée en 2009 pourrait être à nouveau brandie en l’absence d’améliorations notables. »
L’ancien directeur départemental, Hervé Berthouin, censé réorganiser le SDIS avait quitté la structure en 2020 en déposant un signalement auprès du parquet dénonçant des faits présumés de « détournement de fonds » et de « faux et usage de faux ». Comment imaginer pire constat d’échec.
L’enquête diligentée par la brigade financière de la section de recherche de la gendarmerie s’est traduite par une perquisition en 2021 et les gardes à vue de trois cadres des ressources humaines en février 2023. Il est question de fraudes sur les congés, les primes et les retraites, de promotions massives injustifiées, etc. Autant de sujets qui nourrissent en interne un fort sentiment d’injustice et de favoritisme. L’enquête en cours est terminée et a été transmise à la procureure de la République qui indique que « compte tenu de l’importante des investigations entreprises depuis son ouverture, une décision ne pourra être prise dans ce dossier avant encore plusieurs mois. »
Sources : Rapport de la CRC « Enquête sur les rémunérations et le temps de travail des personnels de la sécurité civile » et Rapport de la CRC « contrôle organique ».
Enquêtes administratives restées lettres mortes
La lecture des enquêtes administratives suivantes illustre un certain climat de méfiance et d’impunité au sein du SDIS 974.
Absence
Cas d’un.e chef.fe d’un service employant une seule personne. L’enquête administrative que nous avons pu consulter montre que du 1er avril 2018 au 17 novembre 2021, cette personne n’a que très peu travaillé malgré son titre de chef de groupement. L’enquête a été déclenchée suite au constat de son absence et a calculé qu’elle ne donnait pas de preuve (ou très peu) de son travail sur 61% du temps et qu’elle était en congés sur 13% du temps. Les dossiers dont elle avait la charge n’étaient pas traités ou alors avec beaucoup de retard.
Fraudes sur les astreintes et heures supplémentaires (mai 2021)
Les horaires déclarés basés sur le premier départ et la dernière arrivée permettent aux agents les moins sollicités de « gagner jusqu’à deux heures d’indemnités de façon injustifiée ». L’absence de précision sur les notes « ne permet pas de contrôler la cohérence des horaires auxquels les agents déclarent regagner leur domicile ». L’enquête note que « L’ensemble des agents interrogés admet que des fraudes existent, mais tous assurent ne pas être impliqués ». Il apparaît que les écoutes des bande suite aux appels émanant du Codis n’apportent aucune précision permettant de contrôler les horaires et lieux d’intervention, parfois les enregistrements sont carrément défectueux…
Rien ne permet donc d’évaluer l’ampleur des fraudes alors la rumeur générale (après l’audition de 19 pompiers) évoque le non-respect des horaires d’un « certain nombre d’agents » : arrivée tardive, départ prématuré, absence en cours de journée parfois cautionnée par l’encadrement.
Alcool à Saint-Paul (décembre 2019)
Une enquête a été commandée suite au rapport d’un officier de la caserne de Saint-Paul faisant état de « présence constante de bouteilles d’alcool fort dans la caserne, sur les étagères » et préconisant de « faire réaliser des contrôles d’alcoolémie et [de] prendre en charge les addictions ». L’officier en question a d’ailleurs quitté son commandement sous pression. L’enquête, menée auprès du médecin-chef du SDIS, du nouveau chef de centre et des gendarmes, a confirmé les problèmes liés à l’alcool et même l’existence de plusieurs rapports adressés à la direction du SDIS.
« La situation dure depuis de nombreuses années sur l’ensemble du département mais il convient de souligner que les choses s’améliorent », lit-on. Des mesures ont même fait l’objet d’une délibération votée en conseil d’administration en 2015. Des « outils » ont été mis en place pour résoudre ce problème mais « ils ne sont pas utilisés ». Par exemple, les gendarmes, sollicités pour faire des contrôle d’alcoolémie inopinée ont décliné pour « préserver la bonne entente entre les services ».
L’enquête s’est penchée plus généralement sur le fonctionnement du centre de secours de Saint-Paul sans relever de dysfonctionnement majeur. Mais elle a relevé « la réputation » du centre : « protégé politiquement », « protégé par certaines personnes influentes au sein du SDIS », « sous l’influence néfaste de certains syndicats ». « Réputation » que l’enquête « n’a pas pu infirmer ».
Dans sa dernière recommandation elle propose de « définir une politique départementale claire en matière de gestion du personnel » afin d’éviter les ressentiments d’injustice et d’asseoir l’autorité des chefs de centre.
L’officier irascible (mars 2021)
Suite à une altercation entre deux chefs d’agrés, une enquête administrative approfondie, a mis en lumière des comportements violents répétitif d’un adjudant. Celui-ci venait de refuser de remplacer son collègue fatigué suite à l’injection du vaccin contre le Covid. Il apparaît alors que ce sous-officier est connu pour ses réactions violentes.
Une plainte avait même été déposée contre lui et lui avait valu un rapport à l’ordre en 2016 mais il n’y a jamais eu de suite donnée par le service : pas de compte rendu d’audition, pas de sanction. Les agents interrogés à son sujet disent craindre « la possibilité d’un drame avec usage d’arme à feu ». L’intéressé a précisé aux enquêteurs qu’il faut « que l’on arrête de [le] chercher parce qu’à un moment donné, on n’aura plus affaire à lui, mais on aura affaire à [ses] ancêtres, et ça fera bizarre ».
Face à son comportement, un pompier a demandé sa mutation et il apparaît statistiquement que les pompiers volontaires s’organisent pour éviter d’être de garde sous sa responsabilité. Le rapport proposait la mutation de l’officier irascible et une mesure disciplinaire. Il est resté lettre morte.
Les difficultés psychologiques ignorées (janvier et octobre 2019)
A l’occasion d’une enquête administrative sur une altercation entre deux pompiers, il a été repéré les sérieux problèmes relationnels de l’un.e d’entre eux. Cette personne a été au coeur de plusieurs contentieux. Elle a été reconnue au pénal comme victime de harcèlement moral.
Son dossier comporte aussi une agression et divers contentieux quant à ses mutations ou frais. Souvent elle est présentée comme la victime mais parfois comme l’agresseur.
L’enquête a relevé que lors de sa précédente affectation, elle était notée en 2014 comme un agent qui n’a pas répondu aux attentes de sa hiérarchie. Le rapport évoque ses difficultés relationnelles, un discours perçu comme de la séduction déplacée et une absence d’éthique.
Il propose à son encontre un blâme, une mutation, un soutien médical et/ou psychologique et de ne pas lui accorder le grade supérieur. Autant de propositions qui sont restées lettres mortes pendant plus de deux ans. C’est suite à de nouvelles difficultés qu’elles ont finalement été appliquées.
Désobéissance et interférence municipale (mai 2021)
L’enquête administrative est déclenchée à l’occasion d’une série de contestations de la part d’un adjudant-chef à la caserne de Saint-Pierre : agressions verbales, provocation physique, refus de l’autorité qui ont empêché la distribution des piquets de gardes et l’équipement d’un véhicule de secours. Ce pompier est alors le plus ancien du centre, le rapport le décrit comme un « guerrier » persuadé d’être exemplaire dans sa mission mais « jusqu’au boutiste ».
En fait, sa carrière est émaillée de contestations de sa hiérarchie : « élément perturbateur refusant toute forme de hiérarchie, instable à caractère impulsif » lit-on dès 1992. Pour faire valoir ses positions, il n’hésitait pas à faire intervenir le maire de Saint-Pierre qui avait demandé, en 1993, des comptes à la direction des pompiers qui avait dû s’expliquer sur les allégations.
Il avait été exclu trois jours en 2015 pour avoir refusé de se rendre sur une intervention et mis en repos la même année pour refus d’obtempérer. Le rapport d’enquête administrative note une « évolution défavorable » du comportement de l’adjudant-chef qui « rend impossible son emploi au sein du service » et met en péril sa sécurité et celle des ses collègues. Il propose sa mise à la retraite anticipée. Ce qui n’a pas été suivi, et le pompier a pu continuer à exercer jusqu’au terme normal de sa carrière.