Bertrand Fruteau raconte le 21 juin 2023 les éléments de doute qu'il a découvert dans l'enquête sur la mort de son fils Stéphane Fruteau survenue le 24 janvier 2018. (photo JSG)

[Justice] Course poursuite avec les policiers : des éléments de l’enquête dissimulés ?

DECES DE STEPHANE FRUTEAU SUR LE PONT VINH-SAN

Le 24 janvier 2018, Stéphane Fruteau, 19 ans, meurt dans un accident de moto. Mais les circonstances restent flou. Son père, Bertrand Fruteau, ne croit pas à la version des faits qu’on lui a racontée. Il dénonce des incohérences dans la procédure judiciaire. Selon lui, des éléments concrets permettent de douter de la sincérité des policiers qui poursuivaient ce jour-là son garçon.

Difficile pour Monsieur Fruteau de maintenir un volume sonore normal pour une conversation. L’émotion est trop vive et les éléments de doute qu’il soulève ravivent sans cesse la blessure béante causée par la perte de son fils, tué à moto. « Je n’ai rien contre les policiers, on a besoin de la police. J’ai d’ailleurs moi-même des policiers dans ma famille. On est des citoyens responsables, mais on ne peut pas nous mentir. » 5 ans qu’il se bat pour connaître la vérité, savoir ce qu’il s’est réellement passé ce 24 janvier 2018.

  • Décès de Stéphane Fruteau le 24 janvier 2018 à la suite d'un accident de moto sur le pont Vinh San à Saint-Denis.
  • Décès de Stéphane Fruteau le 24 janvier 2018 à la suite d'un accident de moto sur le pont Vinh San à Saint-Denis.
  • Décès de Stéphane Fruteau le 24 janvier 2018 à la suite d'un accident de moto sur le pont Vinh San à Saint-Denis.
  • Stéphane Fruteau

« Je pense qu’on a percuté les enfants »

Ce jour-là, les policiers font signe à une Yamaha transportant deux passagers au niveau du Barachois de s’arrêter. Le véhicule se range sur le côté, alors que le policier s’approche, il redémarre. Il s’avère en réalité que la moto est volée. Les policiers montent sur leur propre deux-roues et se mettent en chasse du véhicule qui a refusé d’obtempérer. Les policiers indiqueront à la famille que l’accident est survenu lorsque la moto a percuté le muret central de la circulation au niveau du pont Vinh-San sur la voie en direction du Port. Les deux jeunes sont retrouvés au sol sur la route en sens inverse. Stéphane Fruteau est en arrêt cardio-respiratoire, son camarade mineur et encastré sous un véhicule, gravement blessé mais toujours conscient.

Les éléments minutieusement récoltés par Bertrand Fruteau l’orientent vers une autre hypothèse. « Je pense qu’on a percuté les enfants », lâche-t-il. Selon lui, le jeune survivant aurait indiqué plus tard avoir vu un véhicule de police tout près d’eux. Mais depuis, il ne parle plus.

L’enquête piétine

L’enquête préliminaire a été classée sans suites par le procureur Éric Tuffery en 2021. Depuis, le père de famille à porté plainte auprès du doyen des juges d’instruction mais l’enquête piétine…
Bertrand Fruteau n’entend pas en rester là. Son énorme dossier dans les bras, il raconte un à un, documents à l’appui, ses éléments de doute. Il les détaille dans l’interview réalisée conjointement avec des membres du QG Zazalé au Tampon.

Il se questionne sur le fait que la famille n’ait jamais pu visionner les images de la vidéo-surveillance au moment exact de l’accident alors même que ces vidéos existent. L’incohérence entre l’affirmation d’une part que la police n’était pas sur place au moment de l’accident et le message radio passé par la brigade motorisée à l’heure précise de l’accident, à 18h18, d’autre part. Le fait que les éléments de l’accident – moto, casques… – ont été déplacés avant l’arrivée des enquêteurs. Bertrand Fruteau s’interroge douloureusement : Pourquoi personne, pas même un policier, n’a prodigué de massage cardiaque à son fils pendant les dix minutes où le samu n’était pas encore sur place ? Il y a aussi ces témoignages divergeants transmis par des personnes différentes : qui croire ? Pourquoi la moto accidentée n’a pas été conservée sous scellé mais a été rendue à son propriétaire quelques jours à peine après l’accident, empêchant la famille de demander une expertise ?

Appel à témoins

Au moment du décès, la famille n’a pas été prévenue. Les proches du défunt ont pu retrouver sa dépouille le soir, à la morgue. Une marche blanche avait été organisée des mois plus tard. Aujourd’hui, le père de famille lance un appel à témoins pour savoir ce qu’il s’est réellement passé. Contacté par Parallèle Sud, le Parquet de Saint-Denis n’a pas répondu pour l’instant à nos questions. Nous les publierons dès réception, aux côtés des retours du syndicat de police nationale Unité SGP Police Force-ouvrière qui, actuellement hors département, a promis d’apporter des éléments la semaine prochaine.

Jéromine Santo-Gammaire

A propos de l'auteur

Jéromine Santo Gammaire | Journaliste

En quête d’un journalisme plus humain et plus inspirant, Jéromine Santo-Gammaire décide en 2020 de créer un média indépendant, Parallèle Sud. Auparavant, elle a travaillé comme journaliste dans différentes publications en ligne puis pendant près de quatre ans au Quotidien de La Réunion. Elle entend désormais mettre en avant les actions de Réunionnais pour un monde résilient, respectueux de tous les écosystèmes. Elle voit le journalisme comme un outil collectif pour aider à construire la société de demain et à trouver des solutions durables.

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