IL Y A AUJOURD’HUI UN CRI DES PEUPLES
L’actualité internationale et nationale a été dominée par les événements de la bande de Gaza et par l’assassinat d’un professeur de collège à l’intérieur de l’établissement, à Arras, avec comme fond de décor de ces événements, l’Islamisme. L’Islamisme est une forme d’extrémisme politico-religieux selon lequel là où se trouve un musulman doit s’imposer la Charia, la loi coranique, à la lettre. Il n’y a pas de cohabitation possible. Au nom d’Allah, l’élimination physique de l’opposant est un devoir. Le tueur devient un martyr, une sorte de héros.
L’Islamisme, à travers des organisations et des réseaux divers, sévit dans plusieurs pays, l’Iran, le Liban, Israël, la Palestine, l’Egypte, etc. et il s’infiltre dans des pays africains. Dans le monde musulman lui-même, il rencontre de vives oppositions. Il est l’objet d’une répression sévère dans des pays comme l’Egypte. En effet, l’Islam traditionnel ne souffre pas de son extrémisme radical encore moins du terrorisme qu’il répand dans le monde entier de façon spectaculaire, comme le 11 septembre 2001 à New York. Même si le monde musulman condamne le terrorisme, il défend, avec les Islamistes, des revendications communes : l’indépendance et la place de l’Islam dans le Monde (la décolonisation) , la Palestine, etc. Parfois les Islamistes sont arrivés à porter davantage que les autres les espérances populaires. Cela sème une confusion qui est instrumentalisée.
Nos compatriotes musulmans Réunionnais, pourtant ouverts et antiterroristes, déplorent que dans les événements qui bouleversent le Monde en ce moment, les Occidentaux ne condamnent pas avec la même vigueur qu’il condamne les attaques de Hamas, les représailles israéliennes à Gaza, disproportionnées et contraires aux lois internationales, qui frappent, elles aussi, des populations civiles innocentes. Ils déplorent par ailleurs, le soutien appuyé des Occidentaux aux Israéliens et leur incapacité à imposer la décision 181 de l’ONU, du 29 novembre 1947 pour la création d’un Etat palestinien et d’un Etat Israélien. En Israël et en Palestine en 1989, j’entrevoyais la perspective d’une solution. Les accords d’Oslo en 1993 confirmaient mon optimisme quand tout fut à nouveau compromis par la suite.
La condamnation du terrorisme du Hamas doit être ferme, claire et sans appel ; les représailles israéliennes disproportionnées doivent l’être également. Le terrorisme hors la loi ou le terrorisme d’Etat doivent être condamnés. La violence qui tue des innocents par milliers, par villages ou par quartiers de villes entiers doit être condamnée. Les auteurs des « crimes contre l’humanité », aujourd’hui qualifiés, sont à juste titre, interpelés par des Cours de justice internationales. Ils sont susceptibles d’être arrêtés, incarcérés, jugés et condamnés. Ils ne le seront probablement pas pour la plupart, compte tenu de la puissance des Etats. Mais au niveau des principes, l’Humanité avance.
Compte tenu du sort fait aux Juifs par la barbarie nazie, il était juste qu’ils aient une terre qui leur appartienne et que cette terre soit Israël. Mais compte tenu de l’Histoire également, il était juste que les Palestiniens aient en partage une terre à eux. C’est ce souci de justice qui a inspiré la décision 181 de l’ONU. D’autant plus que Juifs et Arabes, depuis des années, sous le mandat anglais, avaient vécu ensemble. Ce qu’ils avaient vécu sous domination étrangère ne pouvaient-ils pas le vivre ensemble sur une terre partagée sous leurs souverainetés respectives ?
Entre l’extrémisme juif pour « le grand Israël » sans la Palestine et l’extrémisme musulman pour un Etat palestinien sans Israël, la décision 181 de l’ONU paraît impossible. En tout état de cause, la violence, d’où qu’elle vienne n’est pas une solution. Ses auteurs, après les dégâts causés aux populations innocentes, finiront par être disqualifiés. Peut-être, alors, la justice et la paix qui va avec, l’emporteront si en même temps, des hommes qui ont jalonné l’histoire, de conférence en conférence, pour aboutir à une solution, persévèrent. Ce qui me paraît sûr, c’est ce que nous disaient des journalistes juifs et palestiniens en 1989 : une solution définitive ne pourra venir que d’un accord entre Arabes et Juifs de Palestine et d’Israël.
Mais qui sommes nous pour juger, quand nous-mêmes, ici, nous n’arrivons pas à faire notre unité, sachant que cette impossibilité fait de nous une population prise en charge et irresponsable au lieu d’être un Peuple acteur de son développement ? Tous les jours des compatriotes me disent qu’il est trop tard pour les Réunionnais de faire Peuple parce que le communautarisme les divise : les Africains disant que l’île est Africaine, les Chinois, qu’elle est Chinoise, les Européens qu’elle est Européenne, les Indiens qu’elle est Indienne, etc. Elle est Réunionnaise. Réunionnais, notre Peuple peut s’intégrer dans des ensembles nationaux, régionaux, internationaux sans problème, pourvu qu’il soit reconnu, présent et responsable. Le Peuple Réunionnais, reconnu et responsable, est Français.
Cette compatibilité d’être soi et d’appartenir à un ensemble, nous la vivons. Lorsque l’Église à La Réunion ordonne son évêque, c’est dans le cadre de l’Eglise universelle, la France est présente, l’Indianocéanie également. Mais il est clair que c’est le Peuple de La Réunion qui se manifeste. Lorsque La Réunion reçoit des athlètes de 41 nations au Grand Raid, elle s’inscrit dans un contexte universel, mais est identifiée. C’est cette réalité là qu’il nous faut afficher. Il n’y a pas de racisme là-dedans. Où est le racisme ou l’antiracisme : quand le Réunionnais défend son beefsteak ou quand le non Réunionnais lui pique son beefsteak ? Un ami me rapportait ces jours-ci comment les Rodriguais ont pris des mesures radicales pour ne pas perdre la main dans le processus de leur développement : racistes, les Rodriguais ?
Récemment nous avons eu la visite de responsables chagossiens qui nous ont montré comment la détermination « du reste » d’un petit Peuple qu’on a voulu abattre aura probablement raison de la puissance conjuguée de l’Amérique et de la Grande-Bretagne : racistes les Chagossiens ? Il y a aujourd’hui un cri des Peuples pour réclamer JUSTICE dans un Monde qui a voulu imposer l’uniformité du plus fort sous le prétexte de l’égalité. La guerre, la violence, le terrorisme ravagent les Peuples. Ils sont condamnables. Mais ils ravagent le Monde parce que les Peuples souffrent de l’injustice de ne pas être reconnus par « les maîtres du Monde ». La Paix ne pourra pas venir tant que sévira cette injustice : Justice et Paix s’embrassent.
Paul Hoarau