Karine Lebon : « Le pass vaccinal n’est qu’une excuse pour continuer à contrôler »

[LA PAROLE DES RÉSISTANTS PACIFIQUES : 1]

Sur nos sept députés réunionnais, cinq se sont opposés au texte de loi sur le pass vaccinal. C’est le cas de Karine Lebon, députée de la 2e circonscription de La Réunion.

Karine Lebon constate de la méfiance dans la population : « Plusieurs personnes m’ont déjà dit qu’elles ne se feront pas vacciner, simplement parce que le gouvernement le leur ordonne. »

« On ne met pas fin à une pandémie en contrôlant »

Comme annoncé publiquement, cette figure de la gauche se positionne contre le pass vaccinal. Son choix intervient dans la continuité de son opposition au « pass sanitaire ». Ce n’est un secret pour personne, le sésame restreint l’accès à de multiples structures et loisirs. Ainsi, c’est la question du sport qui lui paraît primordiale, pourtant complètement absente du débat : « L’application du pass sanitaire a poussé une partie de la population qui s’adonnait au sport à l’arrêter, puisqu’elle n’a plus accès aux salles et clubs sportifs. Ces mêmes personnes deviennent sédentaires. » 

Le nouveau texte voté vise, selon elle, à renforcer la logique de contrôle social : « Le pass vaccinal n’est qu’une excuse pour continuer à contrôler. » Elle considère qu’il s’agit là d’une répression au nom de la santé qui, elle, est largement mise de côté. Si la députée de la Gauche Démocrate et Républicaine n’est pas opposée à la vaccination, elle est cependant dérangée par la « façon hypocrite de présenter les choses » qu’elle dénonce précisément. « C’est une pandémie. Elle est présente au niveau mondial, elle n’existe pas qu’en France. Quand on voit qu’en Afrique, le taux de vaccination ne dépasse pas les 10% et la population n’a pas accès au vaccin… On ne met pas fin à une pandémie en contrôlant. On le fait chez nous mais on n’éradiquera pas le virus de cette manière. » 

« Cela accentue les inégalités »

Karine Lebon a reçu ses trois doses Pfizer et possède donc son schéma vaccinal complet dans les temps réglementaires. Au fil de la discussion, elle nous offre son point de vue plus personnel sur la question. Pour elle, la réponse qu’apporte le Gouvernement actuellement n’est pas celle à adopter et propose, en guise d’une solution parmi d’autres, d’engager plus d’actions de proximité : « Je pense que la vaccination fait partie de la réponse mais on ne règle pas le problème par la contrainte. »

Covid Les personnes font la queue à l’extérieur de la pharmacie du Front de mer de Saint-Pierre pour réaliser un test antigénique.

Dans sa critique, la jeune femme défend l’importance des tests qui sont aujourd’hui les seuls indicateurs concrets et fiables et pense par ailleurs qu’ils ne devraient pas être payants. « Les plus éloignés de la vaccination ne sont pas forcément les plus aisés. Cela accentue donc les inégalités. » Sur le point de l’iniquité, elle ajoute que les vaccinés peuvent être porteurs du virus : « La vaccination réduit de manière conséquente la forme grave de la maladie mais n’empêche en rien de contracter le virus, on le sait. C’est pour cela que le test doit continuer à exister et être disponible pour tous parce que cette situation exclut de facto les gens non vaccinés de la société. » 

Un climat de défiance

Sur le terrain, la plus jeune dame députée de l’histoire réunionnaise avoue qu’être favorable à la vaccination ne lui attire pas que des critiques positives : « Mon positionnement sur le sujet n’est pas toujours bien accueilli par les électeurs mais je continue de le véhiculer durant mes nombreux échanges car cela relève d’une responsabilité de santé publique. » A travers ces derniers, elle nous indique constater de la méfiance chez certaines personnes : « Plusieurs d’entre elles m’ont déjà dit qu’elles ne se feront pas vacciner, simplement parce que le gouvernement le leur ordonne. »

Une défiance vis-à-vis du gouvernement qu’elle entend mais qu’elle déplore. L’élue raisonne ainsi sur le besoin d’utiliser, justement, des méthodes différentes pour convaincre. « Il est important de noter le nombre d’épidémies qui a été guéri grâce à un vaccin à La Réunion. Il faut en prendre conscience, cela fait partie de notre patrimoine santé » conclut-elle en partageant une pensée pour le contexte sanitaire passé de l’île. Néanmoins, elle rappelle à tous de respecter l’opinion de chacun, étant donné que contraindre à notre échelle est tout aussi malsain : « Le respect des autres et de leur position passe par le dialogue. »

Hawa Locate

A propos de l'auteur