Le 24 avril dernier, l’Autorité environnementale émettait un avis sur le permis exclusif de recherches (PER) déposé par Engie en 2021, complété en 2024. Celui-ci consiste à mener des recherches pour implanter une nouvelle forme d’énergie à La Réunion : la géothermie profonde.
Alors que la transition énergétique s’accélère, la géothermie revient comme une solution propre, constante et locale. Tirée de la chaleur naturellement sous nos pieds, cette source d’énergie renouvelable produit à la fois de l’électricité et de la chaleur, avec un impact carbone très faible. Contrairement à l’énergie solaire ou à l’éolien, la géothermie n’est pas intermittente. Elle fonctionne jour et nuit, quelles que soient les conditions climatiques.
La Réunion explore aujourd’hui ses propres possibilités de recours à cette énergie à travers deux projets. Le premier, déjà en cours, concerne les cirques de Salazie et de Cilaos. Le second, quant à lui, n’a pas encore été approuvé par les instances locales. Il est situé entre le piton des Neiges et le piton de la Fournaise.
Un terrain aux nombreux aléas
L’avis de l’Autorité environnementale souligne notamment la complexité géologique du site. Présence de nappes phréatiques stratégiques (plaine des Cafres et plaine des Palmistes), forte sensibilité aux imprévus climatiques (fortes pluies, glissements de terrain) ou encore proximité d’écosystèmes protégés.
Les explorations de forage, même exploratoires, comportent de nombreux risques de pollution des eaux et des sols, en particulier lors de la traversée de formations instables. Pour y remédier, l’Autorité environnementale préconise plusieurs moyens. Une surveillance continue des forages, l’exclusion des zones de captage en eau potable ou encore l’utilisation des meilleures techniques de colmatage pour éviter les fuites de fluides géothermiques ou de boues de forage.
En 2015 déjà, un projet de géothermie profonde a été abandonné sur le site de la plaine des Sables. Les mêmes arguments ont été mis sur la table. Pourtant, Engie souhaite retenter le pari.
Un pari sur l’avenir
Ce pari, encore théorique, repose sur un équilibre instable entre ambition technique et prudence environnementale. Le risque de fragiliser les nappes phréatiques, la biodiversité ou encore mettre en péril certaines espèces protégées est bel et bien présent.
Cependant, dans une île où 60 % de l’électricité est produite à partir de sources fossiles (principalement du charbon et du fioul lourd), le temps presse. Le PER lancé par Engie en 2021, puis complété en 2024, n’est que la première brique d’un édifice complexe qui devra s’adapter aux nouvelles normes, aux évolutions du climat et à l’acceptabilité sociale.
La Réunion a donc le choix. Rester en surface, ou plonger prudemment dans ses profondeurs pour en tirer une énergie plus souveraine. Mais comme tout pari sur l’avenir, celui-ci devra être aussi réfléchi qu’ambitieux.
Loïc Vidon
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