La parole des résistants pacifiques

[OBLIGATION VACCINALE]

Qui sont les résistants à l’obligation vaccinale contre la Covid-19 ? Des non-vaccinés, bien sûr. Mais aussi des vaccinés… Au-delà des clichés et des intuitions, nous allons dresser le portrait de cinq d’entre eux.

Selon une étude Sagis de mai 2021 à La Réunion, plus d’un jeune sur deux ne voulait pas se faire vacciner et 32,5% le refusaient catégoriquement.

Ce dimanche 16 janvier, le texte de loi concernant le pass vaccinal a été définitivement adopté à l’Assemblée nationale, avec 215 voix pour et 58 voix contre. S’il peut entrer en vigueur dès ce week-end, le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire, qui vise à transformer le pass sanitaire en pass vaccinal, doit d’abord être vérifié par le Conseil constitutionnel ce vendredi 21 janvier. En effet, il a été saisi par les parlementaires du Parti socialiste et de La France Insoumise, qui dénoncent principalement une atteinte « aux libertés individuelles » des Français. 

Outre la soixantaine de députés de gauche qui ne sont pas enthousiastes à l’application de cette nouvelle loi, nous avons décidé de prendre la température du côté des Réunionnaises et Réunionnais partageant cette position.

C’est pourquoi, aujourd’hui, nous avons choisi d’entendre les résistants. Attention, si le terme paraît fort et revendicateur, il cache un mécanisme plus complexe. En effet, il faut entendre par résistants, ceux qui ne sont pas vaccinés, ceux qui, à cet instant «t», ne souhaitent pas débuter ou continuer leur schéma vaccinal pour des raisons qui leur sont légitimes, des choix qui leur appartiennent.

Il est cependant important de souligner que parmi les vaccinés, nombreux sont des opposants à la vaccination qui continuent de résister à leur façon. Ainsi, nous vous proposons de découvrir, à partir d’aujourd’hui, cinq personnes : Anaïs, Elisabeth Louis, une étudiante ayant préféré garder son anonymat, la députée Karine Lebon et Benjamin Clément.

À travers leurs témoignages, elles nous dévoilent leurs sentiments en profondeur face à l’obligation vaccinale. Craintes, angoisses et mal-être pour certains, ras-le-bol et colère pour d’autres.

Bataille des chiffres

En mai dernier, un sondage (1) avait été réalisé par la SAGIS auprès d’un échantillon de 500 personnes représentatives des habitants de La Réunion âgées de 18 ans et plus, afin de connaître leur intention vis-à-vis de la vaccination contre le virus du covid-19.

Le sondage proposait en éléments de réponses négatives :

  • « Vous hésitez, vous n’êtes pas certain de vous faire vacciner » (l’hésitation sans rejet fort)
  • « Vous n’avez pas trop envie de vous faire vacciner » (l’hésitation avec davantage de freins)
  • « Vous ne voulez pas vous faire vacciner et vous n’allez pas le faire, c’est sûr » (le refus catégorique)
En mai 2021, plus de 20% des Réunionnais se déclaraient farouchement opposés au vaccin contre le covid-19.

À travers ce sondage, les résultats globaux nous montrent que l’on fait face à 21% des 18 ans et plus, se disant certains de ne pas se faire vacciner.

Par ailleurs, lorsque l’on croise les résultats avec l’âge, on observe que les 18-29 ans représentent la catégorie la plus réfractaire au vaccin. 32,5% affichent un refus catégorique et 22,7% une forte hésitation.

Ces données confirment que l’âge est une variable qui explique significativement l’hostilité à la vaccination.

Au mois de décembre, le pourcentage de non-vaccinés stagnait à près de 23,2% sur la population éligible, qui commençait dès lors à partir de douze ans. Aujourd’hui, la population éligible comprend toutes les personnes ayant plus de cinq ans.

Ainsi, le communiqué de presse de la préfecture et de l’ARS en date du 18 janvier 2022, précise les chiffres concernant la vaccination : près de 67,8% de la population éligible présente un schéma vaccinal complet, soit les 3 doses demandées pour avoir le pass valable ; 70,1% de la population éligible est quant à elle déjà engagée dans un parcours vaccinal. Une fois ce tableau statistique dressé, plongeons au coeur du malaise.

Pression et suspension

Isaline Tronc, secrétaire générale adjointe de la FAFPHR, Fédération Autonome de la Fonction Publique Hospitalière de La Réunion (FAFPHR) nous confiait, dans un entretien téléphonique, la pression bien présente et toujours d’actualité sur les personnels du milieu médical quant à l’obligation vaccinale instaurée depuis le 15 septembre dernier. Nombreux d’entre eux saisissent, avec l’aide du syndicat, le tribunal administratif pour y lancer un référé, afin de contester la suspension de leur fonction. Le référé consiste en une procédure transitoire, face à l’urgence, permettant au juge de prendre des mesures provisoires. Elle ne permet donc pas de régler définitivement le litige. 

Elle nous rappelle que la décision ultime prévue par la loi est la suspension de salaire. La représentante du syndicat nous affirme qu’elle est fortement sollicitée par les personnels soignants et pompiers. Incollable sur le sujet, elle apporte son soutien pour ficeler parfaitement les dossiers à présenter aux juges. Elle avoue être touchée par certains cas qu’elle décide de prendre en charge sans avoir eu de demande particulière. Des batailles qui valent la peine d’être menées, puisqu’elle nous précise qu’une vingtaine de dossiers de pompiers et huit concernant les personnels hospitaliers ont déjà pu être traités en référé. Ces derniers ont été examinés et ont subi une contre-expertise avant d’être jugés plausibles et justifiés. 

Mal-être

La crise Covid a miné le moral de la population.

Parmi les témoignages, il est possible d’observer qu’au moins deux femmes sur quatre interrogées ont fait face à un mal-être en cette période sensible.

Il est important de mettre en lien cette réalité avec des chiffres. Une étude récente de Santé Publique France rapporte que les gestes suicidaires et tentatives de suicides sont en nette augmentation. En effet, sur l’année 2021 par rapport à 2018, 2019 et 2020, on observe une croissance de 22% chez les adolescentes et jeunes femmes, de 15 à 29 ans. Si la raison exacte n’est pas connue pour expliquer ce phénomène, les professionnels en psychologie évoquent un lien possible avec l’impact de la crise sanitaire. 

Hawa Locate

(1) Ce sondage a été réalisé par SAGIS pour Réunion la 1ère, sur un échantillon de 500 personnes représentatives de la population de La Réunion âgée de 18 ans et plus. L’enquête a été menée sur la période du 19 au 29 mai 2021. La marge d’erreur est estimée à environ 4,5%.

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