[Kiltir] De père en petit-fils, le carrousel fait tourner les têtes

LE CARROUSEL DE MAXIME CHAMBI

Le carrousel de Maxime (Maximilien en fait) Chambi, beaucoup l’ont connu sur les fêtes et kermesses. L’un de ses fils, Edgar, l’avait remis en service dans les années 1980. Aujourd’hui, c’est l’un de ses petits-fils, Mickaël, qui l’a remonté dans son jardin et souhaite le restaurer pour maintenir ce carrousel autour duquel la famille a grandi et évolué. 

Le carrousel de Maxime Chambi, intégralement en bois, est sans doute le seul de l’île encore monté et en état de fonctionner. Mickaël, petit-fils de Maxime, l’a récupéré dans un garage au moment du confinement et l’a remonté dans son jardin en commençant à le restaurer. « Cette année, dit-il, je me suis donné comme ambition de refaire le parquet en lattes de bois. » Il prévoit cette année ou la suivante de poursuivre cette restauration.

Le carrousel fonctionne toujours.

Construit dans les années 1920 par un maréchal-ferrant de Saint-Pierre, François Céleste, Maxime Chambi l’a acquis en 1940. Passionné, il l’a parfaitement entretenu, et, peu à peu, emmené sur toutes les fêtes et kermesses de La Réunion. La famille a vécu pendant des années pour et autour de cette passion et de cette activité qui a marqué enfants et petits-enfants. 

Ce carrousel, qu’on voyait régulièrement sur les fêtes à La Réunion, fonctionne uniquement grâce… à l’énergie humaine ! Ce sont des pousseurs, placés au centre, qui lançaient le carrousel à la force des bras pour le faire tourner. L’inertie faisait alors le reste ! Ce type de carrousel pouvait accueillir jusqu’à une cinquantaine de personnes ! 

Une belle histoire…

Maxime Chambi est d’origine comorienne. Il est arrivé à La Réunion sans rien, ne savait ni lire ni écrire et s’est construit lui-même à force de travail, beaucoup de travail ! Pour nourrir sa grande famille (17 enfants), il est agriculteur, un métier difficile ! Lorsque, par passion, « c’était son rêve de gamin », il acquiert ce carrousel, la vie de la famille s’en trouve transformée. De nombreux week-ends dans l’année, le carrousel est sur les fêtes foraines et les kermesses. Il faut charger, transporter, décharger, monter, assurer le fonctionnement (billetterie, réparations sur place…) sur tout le week-end, puis démonter, charger, revenir à Basse-Terre et décharger dans le hangar. Il fallait aussi penser à graisser, à huiler (« le pignon central baignait dans l’huile »), à réparer, à assurer la sécurité… Les femmes étaient chargées de la décoration « couleur Réunion » (toiles, peintures, drapeaux…). Au début, le transport se faisait à l’aide de deux « sharèt bèf», puis plus tard en camion.

Mickaël, alors enfant, garde un souvenir très vivace de cette vie familiale rythmée par le carrousel. Son grand-père était « infatigable, exigeant, kasèr le kui qui menait son monde à la baguette, une main de fer dans un gant de velours comme on dit, nous confie-t-il, mais il était aussi profondément humain, un homme au grand cœur ». Dans son équipe, des membres de la famille bien sûr (des oncles surtout), mais aussi des jeunes embauchés pour le week-end que Maximilien dirigeait lui-même, car « tu ne fais jamais rien tout seul, tu as besoin de la force, de l’aide des autres », disait grand-père. « Mi rappel Marco ou Kou dsek, i dormè partèr sur gonis », ajoute Mickaël.

Et il poursuit : « Tout était fait dans l’ordre à la fois pour le montage et le démontage, chaque élément était numéroté. » Pour Maximilien, le carrousel c’était « un objet précieux qu’on entretient ». Au retour, après le rangement, on faisait les comptes, et on passait à table déguster le repas préparé par mémé ! Et le lendemain, il fallait retourner dans les champs ! Entre le carrousel et l’agriculture, guère de temps pour les loisirs, et parfois, aussi, bien des sacrifices pour la famille… Et pourtant, grand-père n’avait pas besoin de ce carrousel pour faire vivre les siens, c’est essentiellement la passion qui le guidait.

Le carrousel, roi de la fête ! 

Le carrousel, était le roi des fêtes foraines et des kermesses. Et Maxime, qui voulait que la fête soit complète, embauchait pour le week-end un lorkès kuiv. « Gran-père disait la misik i kout a moin chèr », mais il considérait que l’orchestre était indispensable et indissociable du carrousel. Alors la fête était complète ! « Maximilien avec souliers vernis, pantalon bien ajusté, chapeau vissé… et sifflet, menait son carrousel de main de maître ! » Jusqu’à 50, parfois 60 personnes sur le carrousel. Des gens d’un certain niveau social, mais pas toujours, car « grand-père qui avait l’œil et bon cœur, décidait toujours, à un moment, de faire monter gratuitement les enfants qui n’avaient pas le moyen de payer » … 

Une nouvelle vie pour le carrousel

En 1986, Edgar, l’un des fils de Maxime, récupère le carrousel qui sortait moins et avait vieilli. Il l’emmène sur Basse-Terre-les-Bas et entreprend une grosse restauration. Son épouse, Brigitte, se charge de coudre une nouvelle bâche (chapiteau), son fils Philippe l’aide à remettre en état de grosses pièces de bois et pour la peinture. Jusque vers les années 2000, le carrousel vit ainsi une sorte de 2e vie avec le même succès ou presque qu’autrefois. 

Thierry Gauliris évoque d’ailleurs ce carrousel dans une interview parue dans ImazPress le 14/01/2014 : « Nous jouions au Salon Gamon, seul bar de Basse-Terre, siège de l’association. Un établissement tenu par Edmond Chambi dont le frère avait un carrousel de bois avec un orchestre en cuivre. »

Les normes changent, les contrôles sont plus drastiques et coûteux, le carrousel finit donc dans un garage jusqu’en 2020, ayant miraculeusement échappé à l’incendie de la maison. Mickaël va voir dans quel état se trouve ce carrousel. « L’idée vient alors du ventre, je décide de faire le nécessaire pour le récupérer et le remonter ».

Dominique Blumberger

Mickaël, petit-fils de Maxime Chambi parle du carrousel qu’il restaure…

Mickaël devant le carrousel de son grand-père.

« Le carrousel, c’est un peu une histoire d’enfant émerveillé finalement par quelque chose de simple. C’est un gros bonheur de l’avoir récupéré, juste pour faire revivre ce carrousel qui était cher à mon grand-père, à la famille, et aux valeurs qui allaient avec.  Je l’ai récupéré au moment du confinement. J’ai commencé à le remonter dans mon jardin, sans aucun plan, uniquement à partir des nombreux souvenirs que j’avais gardés de mon enfance. Je me suis fait aider par Philippe, le fils de mon oncle Edgar, et petit à petit, ce carrousel a retrouvé une partie de sa vie d’autrefois ».

J’ai retrouvé ces odeurs de vieux bois, de graisse, de suif, qui datent de mon enfance. Ce suif (graisse de bœuf) avait une importance capitale, car si le carrousel fonctionnait bien, c’est qu’il était bien graissé. Et je me rappelle que le pignon central baignait dans l’huile. J’allais quand j’étais petit aider à peindre chevaux de bois et canottes. Ces souvenirs sont toujours là. Remonter ce carrousel, c’est aussi l’occasion de raconter son histoire, de transmettre les valeurs données par mon grand-père dont j’étais proche – j’en ai profité jusqu’à ses 99 ans-, et de se rappeler toutes ces années. Quand je raconte l’histoire de notre carrousel, je fais un peu entrer les absents dans la mémoire des vivants, et grand-père n’est jamais bien loin ». 

Propos recueillis par D.B.

Une petite contribution auprès de nos lecteurs… 

Mickaël Agathe souhaite retrouver des photos de cette époque, et du carrousel de son grand-père, peut-être en vue d’une exposition. Les lecteurs qui en possèdent, ou qui connaissent des anciens qui en ont, peuvent les scanner et nous les faire parvenir.

Merci pour lui.

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