La troisième retenue collinaire du Tampon est inaugurée, au pied du Piton Sahales, à la Plaine des Cafres. Un événement célébré le jour des cent ans de la commune du Tampon, en présence des officiels, de certains agriculteurs et des partenaires du projet. Les opposants à l’infrastructure, eux, n’ont pas fait le déplacement, mais n’en pensent pas moins.
La retenue collinaire de Piton Sahales a été inaugurée ce vendredi 21 mars 2025, en présence du maire du Tampon, Patrice Thien-Ah-Koon, et du président du Département, Cyrille Melchior, ayant fait le déplacement. Largement remplie par les précipitations du cyclone Garance, l’imposante infrastructure, d’une capacité de 350 000 m³ d’eau, a vocation à irriguer à terme 250 hectares pour une centaine d’exploitations agricoles sur la commune du Tampon.
Sous les habituels nuages de la Plaine des Cafres, M. Thien-Ah-Koon commence son discours en rappelant que le 21 mars 1925, il y a cent ans jour pour jour, le président de la République Gaston Doumergue promulguait la loi érigeant le Tampon au rang de commune. Une inauguration qui rime aussi avec anniversaire, et qui se place sous le signe de trois éléments : « l’eau, la départementalisation et le dérèglement climatique. »
Plus d’eau pour l’agriculture tamponnaise
Soutenir l’agriculture sur son territoire, c’est l’argument phare du maire de la ville du Tampon pour justifier la construction de cette nouvelle retenue, qui s’ajoute aux deux déjà présentes sur le territoire : la retenue de Piton Marcelin et celle des Herbes-Blanches. Il explique : « Si vous comptez les trois retenues collinaires du territoire, elles irriguent 300 exploitations pour 600 hectares de terres. » Cette eau servira au maraîchage surtout, dans un contexte où le Tampon fournit pratiquement 60 % de la production agricole de l’île.
Un argument que soutient également Cyrille Melchior, venu défendre l’investissement du Département dans le projet en assurant que « le Tampon est le grenier agricole de La Réunion ».
Mais alors, à la suite des mois de sécheresse subis par les agriculteurs tamponnais, comment espérer que cette retenue se remplisse naturellement et sur le long terme ? « L’objectif est de remplir la retenue avec les eaux cycloniques. Il est important que les dispositifs soient prêts avant cyclone », explique Patrice Thien-Ah-Koon.
La pertinence écologique du projet, contestée par des riverains
Un argument que conteste Gilbert Laporte, président de l’association « Domoun la Plaine », qui dénonce un projet venant alourdir la perturbation du cycle de l’eau et impacter ainsi le fonctionnement naturel des écosystèmes. « Avec les retenues collinaires, on modifie le cycle de l’eau, alors que le meilleur endroit pour stocker l’eau, c’est le sol. L’eau nourrit la terre, la végétation, la biodiversité. D’autre part, l’argument de faire des réserves d’eau est un prétexte, car on l’expose en réalité à une évaporation rapide. Je vois des gens persuadés qu’il n’y aura pas de sécheresse au Tampon dans les prochaines années grâce aux retenues collinaires : c’est une erreur. »
Des agriculteurs espèrent réduire leurs couts grâce à une eau moins chère
Pourtant, face aux derniers mois de sécheresse puis au passage de Garance, les agriculteurs et éleveurs voient en cette retenue collinaire une bonne nouvelle. Antoine Paul Lebian est agriculteur, éleveur et apiculteur à la Plaine des Cafres. Il possède 2 hectares de pommes de terre, 5 hectares d’élevage de vaches et 10 ruches. Avec le cyclone, il estime avoir perdu 80 % de sa production. Alors, pour lui, cette nouvelle retenue collinaire est un soutien financier.
« Il faut de l’eau pour faire pousser les pommes de terre, donc cette retenue aura un impact là-dessus. En ce moment, on utilise de l’eau potable, sauf que l’eau potable est plus chère. Moins cher je paie l’eau, plus je pourrai produire, et moins cher ça sera pour la population, c’est aussi ça qu’il faut comprendre. Et puis là, il pleut, mais on a eu des mois de sécheresse aussi, entre mai et décembre. »
S’adapter à une raréfaction de la ressource en eau, c’est aussi un sujet dont a pris conscience le maire tamponnais : « Nous devons mettre en place des modes d’irrigation qui soient de nature à préserver la ressource, et travailler sur le développement de l’irrigation au goutte-à-goutte plutôt que l’aspersion, par exemple. Avec l’agriculture sous serre, on n’a quasiment pas de pertes d’eau », raconte Patrice Thien-Ah-Koon.
Au moment de dévoiler la plaque d’inauguration, la pluie se met à tomber. De quoi remplir la retenue collinaire, mais pas de supprimer de façon définitive les doutes sur la pertinence du projet, à l’heure de l’urgence écologique pour transformer le modèle agricole et adopter une réelle sobriété en eau.
Sarah Cortier
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