La victoire d’étape d’une ancienne colonie départementalisée et dans une situation postcoloniale

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Le « Koléktif Laproptaz Nout Péi » a impulsé en août 2020, un vaste programme de réflexion en réclamant une réelle réhabilitation sur la signalétique urbaine et le marquage historique du territoire avec pour objectif de se réapproprier notre histoire, nos espaces et la mémoire des lieux. 

Pour cela, nous sommes intervenus auprès de l’ensemble des 24 communes de l’île, ainsi qu’au Département, à la Région Réunion et au rectorat pour leur demander la mise en place de commissions publiques d’études et de concertations. Des commissions composées d’experts et de la société civile, qui porteraient la réflexion sur les noms des rues, des places publiques, des écoles, des lycées, des collèges, des universités, sur les édifices publics ainsi que sur la place et les lieux des statues honorifiques dans toutes les instances qui nous gouvernent, afin de parvenir à un équilibre vis à vis de la représentation de l’histoire et de la mémoire de ce pays.

Notre développement culturel nécessite la mise en valeur par le réunionnais de son patrimoine commun reflétant l’histoire globale et non parcellaire. 

L’épisode de la statue de Mahé de Labourdonnais, n’était pour notre Koléktif qu’une étape, mais une étape majeure, nous pouvons bien le reconnaitre.

Cette statue représente un symbole voulu et entretenu par une classe dominante et bourgeoise qui détient les pouvoirs et se les accapare depuis l’ère coloniale voulant ainsi faire de notre île, « la petite France de l’outremer ».

Malgré le siècle des lumières, la grande majorité de la population réunionnaise a été maintenue dans l’obscurantisme par ce même groupe dominant.

Cette caste bourgeoise nostalgique des temps passés, habituée aux privilèges et à la domination avait érigé cette statue sur cette même place où bon nombre de réunionnais esclavisés s’étaient regroupés en 1848 pour « fêter » l’abolition. Les faits qui se sont déroulés par la suite nous ont montré qu’il ne s‘agissait en réalité que d’un simulacre d’abolition, laissant place quelques temps après à la période sombre de l’engagisme, puis aux dérives dues à la départementalisation. 

Souvenons-nous que le président Macron rappelait « qu’aucune statue de la république ne sera déboulonnée en France » lorsque des statues du même type tombaient partout dans le monde, notamment aux Amériques, aux Antilles et en Europe. Mais nul besoin d’être un historien émérite comme certains ici aiment le rappeler, pour savoir qu’il s’agit là d’une statue représentant le 1er Empire et non la République. Pour rappel, Mahé de Labourdonnais a vécu de 1699 à 1753 alors que la première république a été instaurée en 1792.

Nous sommes au fait des interventions des lobbies auprès des ministères pour empêcher que le peuple se libère des carcans et symboles de l’ère coloniale et savons d’ores et déjà que leur recours lancé à l’encontre de ce fait historique par le biais de l’association « Fort Réunion » ayant pour objet « la défense des intérêts de la Réunion, terre française dans l’Océan Indien », ne trouvera pas à notre sens un écho favorable et encore moins populaire.

Notre volonté première était qu’elle quitte l’espace public. Mais nous ne pouvons-nous satisfaire ni de la manière dont cette statue a quitté cet espace ni de la destination choisie. C’est pourquoi nous continuerons à militer pour la création de commissions publiques d’études et de concertations  dans toutes les instances pour que nous puissions ensemble évoquer ces questions et prendre les décisions honorables dans la mise en oeuvre de “Laproptaz Nout Péi“.  

Le déboulonnage et le retranchement dans ces quartiers militaires de cette statue d’un autre temps, qui ne faisait que rappeler la période sordide et funeste de l’esclavage du temps des colonies n’est dans ce cadre et sur ce sujet, que la première étape.

L’art, l’architecture, les édifices sont un langage symbolique. Chaque statue est un hommage, une sacralisation. Nos ancêtres venus « fêter » l’abolition sur cette même place ne pouvaient plus accepter d’être offensés de la sorte. « Les statues ne servant pas à historiser mais à célébrer » Bruno Maillard. (Docteur en histoire / Chercheur associé au CRESOI/ Université de la Réunion, chargé d’enseignement à l’université de Paris-Est Créteil)

L’historien réunionnais nous rappelle « qu’il ne faut donc pas confondre l’Histoire avec le Patrimoine statuaire ou toponymique des espaces publics. Les statues et les noms de rue inaugurés par une autorité publique visent à célébrer des personnages ou des périodes et surtout pas à les raconter et les expliquer.

Les valeurs que portent symboliquement cette statue sont bien évidement incompatibles avec les droits fondamentaux partagés aujourd’hui par la République.

Cette démarche n’ouvre pas une réécriture du passé mais s’inscrit justement dans une volonté de mieux connaitre l’Histoire. Elle vise à balayer l’inique « récit national » fondé sur des mythes contradictoires, par ailleurs entretenu par des hagiographes réactionnaires, afin de jeter la lumière sur des faits réels de notre passé analysé par une historiographie critique. »

C’est une démarche de notre temps qui s’appuie sur une loi française, la loi Taubira de 2001, qui, dans son article 1er, reconnaît la traite négrière transatlantique, la traite dans l’Océan Indien, et l’esclavage, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques, aux Caraïbes, dans l’océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l’humanité.

La falsification de l’histoire a permis de renforcer le pouvoir de l’état et de ses corolaires, les plus riches, la classe dominante, dans une société réunionnaise que nous savons inégale et segmentée économiquement, culturellement et socialement.

« L’histoire est une suite de mensonges sur lesquels on est d’accord » disait Napoléon Bonaparte celui-là même qui a rétabli l’esclavage en 1802.

« Celui qui contrôle le présent, contrôle le passé. Celui qui contrôle le passé contrôle l’avenir. » Georges Orwell

C’est l’état profond qui gouverne, qui détruit, qui contrôle la presse et fait régner la loi du silence, avec pour but de nous éloigner de notre passé, de notre véritable histoire. Car notre passé est beaucoup plus riche que ce que l’on croit et eux le savent.

Mais ne vous y méprenez pas, il s’agit là de rendre justice. Il s’agit là de vérité historique à laquelle nous invitons l’ensemble des réunionnais à prendre part pour que nous puissions être fiers de notre véritable histoire et de ces femmes et ces hommes qui ont choisi de vivre leur liberté mais qui dans leurs périples ont été pourchassés… et assassinés.

Ainsi, le problème n’est pas celui de la cohabitation des cultures contrairement aux  allusions de certains de nos détracteurs, nous accusant d’être racistes, wokistes, identitaires, décoloniaux, anti système, antisémites ou tout autres qualificatifs répétés sans cesse dans l’espoir que cela devienne vérité.

La posture et la décision de la maire de Saint-Denis préconisent un changement d’attitude des élus locaux et ouvrent la voie des Réparations pour une possible Réconciliation.

Nous disons donc aux autres maires et responsables politiques que ces lacunes institutionnelles face à la démocratie et à la vérité historique doivent cesser, et que le peuple doit pouvoir retrouver sa fierté à travers les symboles et les représentations qui honorent sa détermination à vouloir rester libre, humain et vainqueur face à l’adversité.

L’histoire se répétant sans cesse, jusqu’à ce que les acteurs du présent, une fois conscients, brisent le déshonneur et les schémas nocifs d’asservissement.

Il n’y a pas de colonie sans conséquences. Il est donc temps que lumière soit faite, dans le respect et la dignité du peuple réunionnais.

«  Gom pa nout mémwar. Barbouy pa nout listwar. »

Lo kolektif Laproptaz nout péi

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