L’affaire Moussajee


[ Journal de Paul Hoarau N°204 ]

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Nous accueillons ici un article du journaliste, homme de presse, acteur politique et homme de foi, Paul Hoarau
C’est mon troisième Journal consacré à cette affaire. Depuis quinze ans qu’elle dure en justice, de  cour en cour, elle est devenue symbole. Le symbole d’une impasse par les moyens ordinaires de  recours pour les Moussajee et pour d’autres. Nous reverrons ensemble les faits, les motivations du  Tribunal arbitral, des tribunaux en général, et finirons par envisager les issues possibles. Le  caractère spécial de ce Journal explique la longueur inhabituelle mais inévitable de l’article. 

1. LES FAITS ET LES DATES 

En 2006, les frères Moussajee conduisent cinq entreprises de pneus et d’accessoires pour  automobiles. Le carnet de commandes est plein et les perspectives sont porteuses pour le secteur  d’activités. Bémol : l’absence de financement bancaire en dehors de facilités de caisse et  d’autorisation de découvert, contraignent les entreprises à l’autofinancement et à vivre en trésorerie  tendue. Pour six millions d‘euros de chiffre d’affaires, les Moussajee n’ont qu’un découvert de  10 000 € euros officialisés. 

La situation en est là quand intervient une décision brutale de leur banque. 

Le 3 juillet 2006 – En effet, le 3 juillet 2006 leur banque notifie aux Moussajee la cessation des  concours bancaires et l’expulsion s’ils ne remboursent pas leurs découverts le 3 septembre 2006 au  plus tard. En plus, la banque annule un prêt de 130 000 €, couvert par une garantie de la SOFARIS  (banque de développement des PME), qu’elle avait validé. 

Les frères Moussajee sont dans l’impasse : plus d’autorisation de découvert, plus de facilité de  caisse, ils sont interdits bancaires, leurs chèques et leurs traites sont presque tous rejetés. 

Mi-août – C’est alors qu’une grosse société de la place que nous appellerons « la Société », contacte les Moussajee : « Nous avons appris que vos sociétés sont à vendre, quel est votre prix ? – 4,5 / 5 millions répondent les Moussajee ; – cela nous intéresse » conclut « la Société ». 

20 août 2006 – Cet intérêt n’enchante pas tout à fait les Moussajee. Malgré leurs difficultés, ils tentent une démarche auprès du banquier pour éviter l’expulsion. Le banquier leur dit : « apportez  200 000 euros, on arrête tout » – Les Moussajee répondent : « Nous n’avons pas 200 000 euros,  nous avons un terrain qui vaut 300 000 euros, nous vous proposons de l’hypothéquer. » Le banquier  rejette la proposition et leur pose la question ; « Avez-vous du stock payé ? – Oui, répondent les  Moussajee. – A la bonne heure ! dit le banquier, voilà la solution ; nous immobilisons votre stock en  garantie, à hauteur de 300 000 euros, vous nous signez une caution personnelle de 1,3 million euros  et trouvez un partenaire structurant. » 

29 août 2006 – A cinq jours de l’échéance du 3 septembre, à la demande du banquier, avec la  garantie de la société AUXIGA les frères Moussajee immobilisent 300 000 euros de leur stock au profit de la banque et signent une caution personnelle de 1,3 million euros. En contrepartie, la  banque déclare arrêter les mesures d’expulsion et injecter 200 000 euros aux entreprises des  Moussajee. Ceux-ci se disent que leur cauchemar est terminé. 

Fin août 2006 – A la fin du mois d’août, à la demande de «la Société », les Moussajee organisent une visite de leurs entreprises. Cette visite se termine par un déjeuner au restaurant de Gillot. Des  propos échangés au cours de ce déjeuner se dégagent trois projets : « la Société » entre dans les  entreprises des Moussajee à hauteur de 70% des parts ; les frères Moussajee ont des postes de  direction commerciale comme cadres ; la valeur des entreprises est évaluée à 4,50/5,00 millions  d’euros.  

3 septembre 2006 – Nouveau coup de tonnerre pour les Moussajee, le banquier, oubliant ses  déclarations du 29 août, se rembourse les découverts, confirme l’expulsion et maintient  l’immobilisation des 300 000€ de stock. 

Septembre 2006 – Aussitôt réapparaît « la Société » : « Vous ne nous avez pas dit, dit-elle aux  Moussajee, qu’il y a le feu chez vous, votre banque vous expulse. Il faut faire vite quelque chose.  Demandez un nouveau délai à la banque. Nous pouvons accélérer la réalisation de nos projets. » Les Moussajee obtiendront une nouvelle prolongation, du 3 septembre au 10 octobre, puis, plus  tard, au 25. 

Les Moussajee communiquent leurs comptes à « la Société » avant le 10 octobre. « Demandez un  délai supplémentaire à la banque pour nous permettre d’étudier vos comptes. Cela vous sera  accordé car nous avons déjà fait le nécessaire. » Ce sera le délai du 25octobre. 

17 octobre 2006 – Dans un dernier sursaut, pour éviter ce qu’ils pressentent et pour retrouver la banque avant le nouveau délai du 25 octobre, les Moussajee décident de vendre leur terrain. De  nombreux acheteurs se présentent. Evoquant l’esprit des projets du 29 août, « la Société » convainc  les Moussajee de leur vendre le terrain pour 70% de sa valeur. Comme cela, dans son calcul, le  terrain reste dans le patrimoine de la société dont elle sera propriétaire à 70%. Mais le montant des  70% de la valeur du terrain – 210 000 € – ne sera pas versé aux Moussajee qui en sont les  propriétaires vendeurs, mais à la MDOI (Moussajee Distribution Océan Indien ). La MDOI étant  encore aux Moussajee, c’est un demi-million d’euros – avec les 300 000 euros de stocks – qu’ils  apportent à la banque.  

Avant le 23 octobre –, Au cours d’une ultime rencontre avec un dirigeant de la banque et, après lui  avoir rappelé leurs efforts, rappelé qu’ils ont répondu plus largement que demandé aux exigences, à  quelques jours de l’échéance du 25 octobre, les Moussajee essaient d’obtenir la possibilité de  renouer des relations normales avec leur banque et d’obtenir la levée de la décision d’expulsion. En  vain. Leur interlocuteur leur oppose un refus catégorique, leur déclare que la banque ne veut plus les  voir et qu’ils doivent se trouver un repreneur, un partenaire structurant le plus tôt possible s’ils ne  veulent pas que leurs entreprises soient vendues « à la bougie. » 

La menace de l’expulsion de la banque est confirmée, la pression de « la Société », de plus en plus  pesante. Les Moussajee sont dans le couloir de la mort, dans la conduite forcée de l’abandon. Dans l’avant 23 octobre. 

23 octobre 2006 – A deux jours de l’échéance de la banque, le nœud du processus allait être coulé le  23 octobre 2006 dans l’étude de l’avocat, qui se présentera comme l’avocat des deux parties. Dans  ce cabinet d’exécution, les Moussajee entendront le verdict. Quand ils demanderont que le texte de  l’acte de vente des 70% de leurs entreprises leur soit communiqué pour qu’ils en prennent  connaissance avant de signer, l’avocat refusera sous le prétexte qu’il n’en a pas le droit. Le  représentant de « la Société » haussera le ton en disant que l’on avait assez perdu de temps, que les  Moussajee devront signer sur l’heure les actes de cession et le pacte d’actionnaires tels qu’ils ont été  rédigés, ou leurs sociétés seront vendues aux enchères dans les jours qui suivent. Sous la menace et  les paroles rassurantes de l’avocat qui jouit encore d’une certaine confiance et d’une certaine  autorité, les Moussajee signent.  

Qu’ont-ils signé ? Ils ont signé : 1. la cession de 70% des parts sociales de leurs sociétés – pour un  prix provisoire de 772 812 euros – à « la Société » qui devient propriétaire majoritaire ; 2. le  paiement des 70% de ce prix provisoire, de la façon suivante : 50% pendant les trois mois à  compter de la signature du contrat, soit jusqu’au 31 janvier 2007 – 50% pendant quatre ans à  compter de la signature du contrat ; 3. La détermination du prix définitif au vu d’une situation  comptable des entreprises au 30.11.2006 (mission qui sera confiée à un expert dûment désigné) et d’un audit juridique, comptable, fiscal et social, au plus tard, le 31 décembre 2006, par un autre  expert également désigné ; 4. une clause de non-concurrence sur toute la zone du sud de l’Océan  Indien ; 5. une clause de confidentialité ; 6. la compétence exclusive d’un tribunal arbitral en cas de  litige. 

« La Société » achètera 70% du prix provisoire d’une des cinq entreprises possédant deux centres  autos, à 2€. 

Début novembre 2006 – Les frères Moussajee étant tenus à j’écart et n’ayant toujours pas eu  communication de l’acte de vente et du pacte d’actionnaires, les dirigeants de « la Société » devenus  les maîtres, procéderont à un inventaire à leur manière : ils transporteront les stocks des magasins  Moussajee dans les magasins de « la Société », remplaceront les logiciels de comptabilité des  Moussajee par d’autres logiciels. Ces trafics aboutiront à une dévaluation des entreprises Moussajee. Le tribunal arbitral notera plus tard, que les opérations d’inventaire n’ont pas été  réalisées sous le contrôle des frères Moussajee, contrairement aux dispositions de l’article 34  des actes de cession. L’expert nommé pour informer de la situation comptable des sociétés au  30.11.2006 remettra sa démission, dans l’impossibilité de remplir sa mission, en raison de ces  trafics. 

Le 31 décembre 2006 – Le 31 décembre 2006 : la situation comptable des entreprises au 30  novembre 2006 n’est pas faite, celui qui devait la présenter a démissionné ; celui qui devait rendre  l’audit juridique, comptable, fiscal et social, ne l’a pas rendu ; le prix défini des cessions n’est pas  fixé. 

Le 8 juin 2007 – Devant cette situation, les frères Moussajee réagissent en saisissant le Tribunal  mixte de commerce de Saint-Denis qui, en février 2008, se déclare incompétent au profit de la  juridiction arbitrale, en raison des clauses insérées dans les actes de cession du 23 octobre 2006. 

Le 30 décembre 2008 – Les frères Moussajee se tournent alors vers le tribunal arbitral qui rend quatre jugements à des moments différents. Nous retiendrons la sentence du 30 décembre 2008  parce qu’elle dit l’essentiel de l’affaire et aurait dû y mettre un terme.  

Que dit ce jugement ? – 1. Il commence par se déclarer incompétent sur un certain nombre de points  – 2. Il dit que « la Société » a manqué à son obligation d’exécuter loyalement et fidèlement ses  engagements – 3. Il constate l’existence de préjudices financiers et moraux pour chacun des frères  Moussajee – 4. Il constate l’existence de lien de causalité entre les fautes de « la Société » et les  préjudices des consorts Moussajee – 5. Il condamne « la Société » à verser à chacun des frères  Moussajee la somme de 85 391 euros au titre de la réparation du préjudice financier et 682 574  euros au titre de la réparation du préjudice moral et ce, sous astreinte de 500 euros par jour, etc. – 6.  Il dit et juge qu’il y a violation de la clause de confidentialité de la part des frères MOUSSAJEE, les condamne à une amende et dit qu’il n’y a pas violation de la clause de non-concurrence. 

« La Société » achètera une des cinq entreprises possédant deux centres autos prix provisoire de 2  €. Cette entreprise sera valorisée à un prix négatif par les experts désignés. 

2. « LES MOTIVATIONS » DU TRIBUNAL ARBITRAL 

Les faits et les dates que nous avons retenus recouvrent un champ très vaste de sujets que nous  retrouvons dans le jugement.  

Le Tribunal arbitral, sur l’ensemble de l’affaire, est sévère à l’égard de « la Société » qui a manqué  à son obligation d’exécuter loyalement et fidèlement ses engagements. » Dans ce document,  toujours, ce comportement déloyal concerne un certain nombre de sujets. Nous ne les retiendrons  pas tous bien qu’ils soient importants. Nous ne retiendrons que le sujet qui concerne le bilan provisoire des entreprises vendues, au 30 novembre 2006, pour permettre de fixer leur prix définitif.  Nous nous arrêterons à ce sujet particulier parce qu’il serait trop long de traiter de tous les autres,  mais surtout parce que, aux dires du Tribunal arbitral, le comportement de « la Société » ne permet  plus de fixer ce prix définitif. 

Rappel de la règle fixée – imposée – par « la Société » dans l’acte de cession et le pacte  d’actionnaires du 23 octobre 2006 : « la détermination du prix définitif des 70% des parts sociales  des sociétés Moussajee se fera au vu d’une situation comptable des sociétés au 30.11.2006 (mission  qui sera confiée à un expert dûment désigné) et d’un audit juridique, comptable et fiscal au plus  tard le 31 décembre 2006, par un expert. » En attendant le prix définitif, les Moussajee devront être  payés, selon des modalités prévues dans l’acte de cession, à un prix provisoire de 772 812 euros. Une partie de ce prix provisoire a été payée avec deux ans de retard, par « la Société », sur  condamnation judiciaire, l’autre partie ne l’est toujours pas. 

C’est dans l’application de cette règle pour fixer le prix définitif des 70% des parts sociales des  sociétés Moussajee que s’étale la déloyauté que constate le Tribunal arbitral. Il écrit ceci : « … les  opérations d’inventaire nécessaires afin de valoriser les stocks et d’établir la situation  intermédiaire ont été effectivement réalisées par « la Société », avec l’aide des consorts Moussajee,  mais non sous le contrôle de ces derniers. » Il appuie son constat de plusieurs exemples et  ajoute ; « le Tribunal arbitral relève que les consorts Moussajee n’étaient pas investis de la possibilité de vérifier le contenu, que ce soit en termes de références, quantités, prix, des listes qui  étaient faxées par « la Société » et que ces derniers n’avaient pas accès à la nouvelle base de  données… » 

Le Tribunal arbitral énumérera plus loin, dans son document, les exemples de déloyauté : 

1) « Rapport d’audit effectué par un expert de « la Société ». Le Tribunal notera « qu’il y a là des  éléments propres à faire planer un doute sur la neutralité de l’expert … » 

2) « Opérations d’inventaire effectuées sur chaque site par des personnes inhabituelles » 

3) « Changement de logiciel à l’aube des opérations d’inventaire. » Le Tribunal notera que « le  changement de logiciel a eu des conséquences importantes de nature à émettre des réserves sur la  fiabilité de l’inventaire effectué les 1ers et 2 décembre 2006. » – 

4) « Dévidages des dépôts sans bons de livraison. » Le Tribunal conclut « qu’il y a là des faits  mettant en lumière la volonté de « la Société » de fausser les données de référence aux fins  d’évaluation des stocks et de détermination du prix définitif. » 

Le tribunal arbitral a encore écrit ceci : « Il n’est pas douteux que les comptes clos pour l’exercice  2007… aient un caractère non sincère et ne reflètent pas une image fidèle. Le Tribunal arbitral prend  acte de ce que « l’expert des sociétés Moussajee a mis fin à sa mission en septembre 2007, à la suite  des observations qu’il avait faites et au fait qu’il considère que la volonté de «la Société » est de  fausser les données de références aux fins d’évaluer la situation des stocks et la détermination du  prix définitif. » 

Si la volonté de « la Société » est de fausser les données de références aux fins d’évaluer la  situation des stocks et de la détermination du prix définitif c’est le Tribunal qui le dit ; si « la  Société » a manqué à son obligation d’exécuter loyalement et fidèlement, à ses engagements,  c’est le Tribunal qui le dit ; le comportement de « la Société » ne permet plus de fixer le prix, c’est le Tribunal qui le dit. 

« La Société » a été condamnée pour tentative d’escroquerie au jugement ; le banquier n’est plus  banquier ; l’avocat dont la Cour de cassation a dit qu’il a commis des fautes, a été prié, par son  bâtonnier, de se retirer de cette affaire pour des raisons de déontologie. 

3. LA MESSE EST DITE LE 30 DECEMBRE 2008 

La messe est dite ce 30 décembre 2008. Le comportement de « la Société » a « corrompu » le  dispositif prévu dans l’acte de cession et le pacte d’actionnaires. Ce dispositif, corrompu ne permet  plus de fixer le prix définitif des entreprises en vente. Devenus inopérants, ces documents sont  logiquement nuls et la vente qu’ils prétendaient organiser, logiquement, devient nulle elle aussi. 

Jusqu’à maintenant, ces conséquences n’en ont pas été tirées. 

A partir de ce 30 décembre 2008, jusqu’à aujourd’hui – depuis treize ans cette année – un ping-pong  judiciaire oppose les frères Moussajee à « la Société » dans une série de procès (il y en aurait 140) : des tribunaux d’instance en cours d’appels parisiennes ou locales suivant les arrêts de la Cour de  cassation. Ces plaintes allant de la non-observation des dispositions de l’acte de cession et du pacte  d’actionnaires à la diffamation, aboutiront à des condamnations et à des relaxes annulées par le jeu  des appels. Il serait trop long de traiter toutes ces affaires ici. Nous n’en retiendrons que deux, parce  qu’elles concernent l’essentiel de l’affaire : l’amende globale de 1 535 930 euros infligée à « la Société » pour préjudices moral et financier causés aux frères Moussajee et le prix définitif de leurs  entreprises. 

L’amende – Le 30 décembre 2008, on s’en souvient, le Tribunal arbitral condamne « la Société » :  « à verser à chacun des frères Moussajee la somme de 85 391 euros au titre de la réparation du  préjudice financier et 682 574 euros au titre de la réparation du préjudice moral et ce, sous  astreinte de 500 euros par jour, etc. » (1 535 930 euros au total, sans compter l’astreinte). Cette  condamnation est exécutoire. 

Bien entendu, « la Société » fait appel, et elle demande au Premier Président de suspendre  l’exécution de l’amende en attendant l’appel. En réponse, le Premier Président propose  « l’aménagement » suivant : « la Société » règle 170 782 euros aux Frères Moussajee et consigne 1 365 148 euros à la caisse des dépôts, en attendant l’appel. « La Société » qui dit ne pas avoir les  moyens économiques de payer, ne paye rien et, surtout, ne paye pas les 170 000 euros et ne consigne pas le 1,3 million à la caisse des dépôts comme convenu. Ce manquement à ses engagements va lui  coûter la radiation de l’appel, le 2 juillet 2010, donc : le retour au jugement du 30 décembre 2008 du  Tribunal arbitral et à la dette de l’amende. Les frères Moussajee qui remportent cette victoire, ne  sont pas mis au courant de la radiation de l’appel… Cette radiation aurait dû mettre fin à l’affaire,  les Moussajee continuent des procès qui n’ont plus, objectivement, de raison d‘être ! 

Les choses en sont là quand, par un revirement qui étonnera tous les juristes, l’appel est réinscrit au  rôle (je n’ai pas le document qui justifie ce revirement). Cette réinscription de l’appel au rôle remet  en cause la victoire des Moussajee, et permet de relancer l’affaire dans l’intérêt de « la Société ». Les arrêts de la cour d’appel du 25 mars 2013, confirmeront, presque mot pour mot, le jugement du  Tribunal arbitral qui condamne « la Société » à l’amende de 1,3 million.  

Elle se pourvoira en cassation qui cassera ce jugement et délocalisera l’affaire à la cour d’appel de  Paris. Celle-ci, le 2 juillet 2019, traitant à la fois de l’amende et du prix définitif, oubliant tous les  constats, toutes les sanctions du passé contre, globalement, le comportement « déloyal » de « la Société », blanchira celle-ci sur tout, l’amende et le prix définitif, sans qu’il y ait de faits nouveaux,  sans justifications nouvelles. 

Cette décision de la cour d’appel de Paris fait l’objet d’un recours à la Cour de cassation dont la  décision est attendue. 

Le prix définitif – La deuxième affaire qui a retenu notre attention dans cet imbroglio judiciaire,  c’est celle du prix définitif des sociétés dont « la Société » serait théoriquement propriétaire à  hauteur de 70% des parts sociales. 

Le 29 octobre 2009, on s’en souvient, le Tribunal arbitral, après avoir dit, le 30 décembre 2008, que le comportement « déloyal » de ladite société a fini par rendre l’opération impossible, fixe  néanmoins, le prix définitif des sociétés à 456 000 euros (au lieu de 4,5/5 millions), sur la base du  rapport d’un expert dont les références sont celles du comportement « déloyal » de « la Société ».  

Mais, au pénal cette fois, l’action des Moussajee introduite en 2007 ne part pas de la décision du  Tribunal arbitral du 30 décembre 2008, mais de l’application « déloyale » des dispositions de l’acte  de cession et du pacte d’actionnaires du 23 octobre 2006. Cette déloyauté sera détaillée par le  jugement du Tribunal arbitral du 30 décembre 2008. La cour d’appel de Saint-Denis, le 25 mars  2013, reprendra ce jugement presque mot pour mot. 

Cette plainte de 2007 est restée sans suite pendant quatre ans, parce que, selon un magistrat, elle a  été classée par erreur. La plainte étant relancée en 2011, un juge d’instruction sera nommé. Ce juge  d’instruction refusera d’entendre les témoins que proposera l’avocat des Moussajee, sous prétexte  que les deux experts judiciaires qu’il a nommés, ont déclaré que ces témoignages n’apporteront rien.  

C’est dans ce contexte que le juge d’instruction conclura à un non-lieu en faveur de de « la Société ».  

Dans ses arrêts du 2 juillet 2019, qui ont fait l’objet d’un recours à la Cour de cassation, dont on  attend les décisions, la cour d’appel de Paris confirme les prétentions de (la Société) et la blanchit.  

Comme nous l’avons montré plus haut, la messe est dite par le Tribunal arbitral du 30 décembre  2008. Les constats de ce tribunal sont confirmés par plusieurs juridictions dans les années qui  suivent. Malgré tout cela, la vente n’est pas annulée, les Moussajee n’ont pas recouvré leur bien à la  valeur qu’il avait, et « la Société » n’a pas payé son amende. Son comportement « déloyal » a  payé… à ce jour. 

.4. LES ISSUES 

Dans le cas des Moussajee comme dans bien d’autres, l’affaire s’enlise, celles-ci depuis treize  années déjà, et personne n’en voit l’issue. Jusqu’à quand ? Les cours de justice dévoilent, avec force  détails, les raisons, les motifs, les justifications d’une décision qui n’est pas prise, elles ne tranchent  pas. Les justiciables qui ont utilisé les voies de recours de la République avec une confiance et une sincérité dont je peux témoigner, éprouvent le sentiment que des interférences d’influences  extérieures corrompent le bon fonctionnement des instances. L’absence d’une opinion publique  réunionnaise consciente et responsable – l’absence d’un Peuple réunionnais conscient et responsable  – ouvre un boulevard aux « interférences d’influences » qui corrompent. Les hommes et les femmes  les plus scrupuleux pour rendre la justice en disant le droit, au nom du Peuple, sont sous la pression  multiforme des « influences », et en face d’une absence et d’un silence du Peuple.  

L’affaire Moussajee, comme les autres affaires qui connaissent le même sort (ne les oublions pas),  se poursuivra, sur le plan judiciaire, devant d’autres instances. 

L’Etat dont la responsabilité est largement impliquée, pourrait ordonner une enquête administrative.  On peut imaginer le déclanchement d’une enquête parlementaire dans le même ordre d’idée.

Mais pour l’honneur de La Réunion, pour l’honneur de la corporation des parties, pour l’honneur  des parties elles-mêmes, les choses étant rendues au point où elles sont, la solution de sortie par le  haut, serait que les parties se réunissent pour trouver rapidement une solution satisfaisante. Elle  éteindrait toutes les actions judiciaires. 

Le traitement de l’affaire Moussajee, comme le traitement des autres affaires que nous n’oublions  pas, a été possible parce que « les influences » qui corrompent ont considéré qu’à La Réunion tout leur ést permis : parce qu’à leurs yeux, les Réunionnais n’existent pas, il n’y a pas d’opinion  publique réunionnaise, il n’y a pas de Peuple réunionnais en face. La Réunion est, pour eux, en  quelque sorte, « une république bananière. » Citoyens, dirigeants d’entreprises, parties en  présence, nous sommes tous concernés par cette déconsidération, qui est une sorte de mépris quelles  qu’en soient les formes. 

Je ne devrais pas être seul à interpeler les parties. Des pressions citoyennes, des pressions  judiciaires, des pressions politiques, des pressions administratives, des pressions économiques et  d’autres, devraient, elles-aussi, pousser les Réunionnais que sont les parties, à trouver par eux mêmes une sortie de la situation actuelle. « Le pardon et la réconciliation » sont possibles, s’il y a  réparation. Quelles que soient les solutions qui sortiront l’affaire de la situation actuelle,  le minimum de « réparation » serait : l’annulation de la vente et la restitution de leurs biens aux  frères Moussajee, à la valeur qu’elles avaient. Cette solution saute aux yeux, à l’examen du dossier. 

Paul HOARAU

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