Mardi 13 mai, la conférence des présidents de l’Assemblée nationale a refusé d’inscrire à l’ordre du jour la proposition de loi portée par la députée réunionnaise Karine Lebon, visant à réparer les préjudices subis par les ex-mineurs déplacés de La Réunion, communément appelés les enfants de la Creuse. Ce rejet, bien que technique, provoque un profond désarroi chez les personnes concernées.
Une décision « incompréhensible »
La proposition de loi, déposée le 26 mars dernier, devait être soumise à la conférence des présidents afin de décider de son inscription à l’agenda parlementaire. Mais en concurrence avec d’autres textes, elle a été écartée. Parmi les propositions retenues ce jour-là : la création de l’infraction d’homicide routier, la reconnaissance envers les rapatriés d’Indochine, ou encore l’élargissement du droit de vote des détenus.
Pour Marie-Germaine Périgogne, présidente de la Fédération des Enfants Déplacés des DROM (FEDD) et elle-même ex-enfant de la Creuse, c’est une véritable désillusion : « C’est une grosse déception pour moi, pour tout le monde. Il y a de la colère, de l’incompréhension. »
Traumatisés, fatigués… mais toujours debout
Depuis plusieurs années, les ex-mineurs réclament une reconnaissance pleine et entière des violences institutionnelles qu’ils ont subies entre 1962 et 1984 : déracinement, ruptures familiales, discriminations. Le rejet de ce mardi est vécu comme un nouveau traumatisme.
« Certains me disent vouloir arrêter de se battre, confie Marie-Germaine Périgogne. Ce rejet, c’est encore un coup dur. »
Mais elle appelle à ne pas baisser les bras : « La proposition existe toujours et sera rediscutée lors de la prochaine discussion de groupe. On doit rester debout et continuer. »
Karine Lebon : « Je ne les laisserai pas tomber »
La députée de la 2e circonscription de La Réunion, Karine Lebon, à l’initiative du texte, fait elle aussi part de sa profonde déception. « Il y a une détresse psychologique très très grande chez certains ex-mineurs. Il ne faut rien lâcher. » Elle regrette que le texte n’ait pas été vu comme une priorité et que certains textes aient été retenus alors même que l’urgence est moins palpable.
« Les ex-mineurs ont envie qu’on aille jusqu’au bout de cette épisode traumatique et pour l’instant je ne peux pas leur apporter cela. Mais je ne laisserai pas tomber. »
Engagée, la députée assure poursuivre les démarches politiques pour obtenir une inscription avant juillet : « J’ai rendez-vous avec le conseiller du ministre des Outre-Mer. Le sentiment d’urgence est réel. »
L’espoir d’un débat national
La proposition de loi vise à reconnaître formellement les préjudices subis et à mettre en place un dispositif de réparation. À défaut d’avoir été retenue cette semaine, elle pourrait revenir lors d’une prochaine conférence ou être intégrée à une semaine thématique dédiée à l’enfance ou aux Outre-mer, une piste évoquée par Karine Lebon.
« On n’en est pas arrivés là pour subir les échecs. On va continuer », conclut Marie-Germaine Périgogne.
Olivier Ceccaldi
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