Le cacao renaît à Saint-Philippe

FRANCKY ET LA CHOCOLATERIE

Vous pensez qu’il n’existe plus de chocolat produit et transformé à La Réunion? Détrompez-vous, car à Saint-Philippe, la famille Morel produit ses cabosses et les transforme en divers produits. Un savoir-faire appris en autodidacte qui permet de travailler ce cacao « sans limite » et qui pourrait ouvrir la voie à un développement de la filière dans le sud de l’île.

Retrouvez dans cette vidéo le processus de fabrication de Franck Morel.

Franck Morel est agriculteur à Saint-Philippe et sa famille s’est lancée dans le cacao il y a une quinzaine d’années. Fils d’agriculteurs, il a d’abord travaillé dans le génie civil dans la région bordelaise avant de revenir pour cultiver sur le terrain familial.

Il existe trois variétés de cacao , le cacao Forastero , le Trinitario et le Criollo. C’est cette dernière variété qui a été introduite à La Réunion dans les années 1770, et qui représente aujourd’hui moins de 5 % de la production mondiale.

Un cacao rare, avec un goût particulier mais dont l’arbre est le plus fragile des trois grandes variétés. Il est vulnérable à la scolyte et à la mouche des fruits rendant sa production moins prisée par les agriculteurs au niveau mondial.

Pourtant, c’est avec cette variété que les Morel ont fait leurs armes avant de diversifier leurs plantations. Mais ils ont été contraints de passer de 50 % Criollo 50 % d’autres variétés à une focalisation sur les autres variétés notamment à cause des mouches de fruits.

Les cacaoyers de la plantation n’ont pas été épargnés par le cyclone Belal.

« A La Réunion, c’est pas la variété qui fait le cacao, c’est le terroir »

Pour développer sa culture de cacao, Franck Morel a pris contact avec une organisation spécialisée dans le cacao, ce qui lui a permis de sélectionner lui-même ses variétés avec une préférence pour les fins. Mais au-delà de la variété, c’est la jeune terre volcanique qui procure son goût au chocolat.

« On mise surtout sur notre terroir et notre savoir-faire » nous explique-t-il . Et ce savoir-faire de la fermentation et de la chocolaterie , Franck Morel l’a découvert en autodidacte.

C’est la fermentation qui était le plus difficile à apprendre d’autant qu’il faut une certaine quantité pour faire fermenter.

Il y a plusieurs étapes pour la transformation du cacao : d’abord la récolte et l’écabossage pour ouvrir les cabosses et récupérer les fèves.

Ensuite, pour la fermentation qui dure 3 à 6 jours , les fèves sont enfermées dans des bacs en bois. Pendant la fermentation il y une phase anaérobique (sans air) où le sucre se transforme en alcool puis une phase aérobique (avec de l’air) où l’alcool se transforme en acide acétique qui participera à l’élaboration de l’arôme pour donner un cacao d’exception.

Et enfin, la phase de séchage pour évacuer l’acide acétique.

« Sans un cacao bien fermenté, même le meilleur chocolatier ne pourra produire un bon chocolat », assure-t-il .

La famille Morel pratique la transformation tous les matins afin de préparer les fêtes de fin d’année.

Quand on lui demande pourquoi la filière cacao ne se développe pas plus à La Réunion (il y a une dizaine ou une vingtaine d’agriculteurs) , Franck Morel répond que c’est une culture qui demande beaucoup de technique d’agroforesterie, d’association des cultures afin de la préserver du vent et du soleil direct. Les associations travaillent avec les agriculteurs sur ce sujet et Franck Morel a proposé au sein d’un groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE) une diversification par le cacao. « C’est un projet qui intéresse tout le monde à Saint- Philippe, les agriculteurs commencent à ouvrir les yeux sur les difficultés des filières existantes et à innover. Il est prévu de planter six hectares dans les prochaines années. »

« En 1900 il existait une chocolaterie à Saint-Denis « Chocolat Le Meilleur » et le savoir-faire a disparu avec en 1946. Nous on essaye de faire renaître cette filière là .»

La fève issue de la cabosse consommée en fruit a un goût sucré et acidulé.

« Le cacao c’est un produit sans limite »

La culture du cacao en elle-même, c’est-à-dire produire la cabosse, est très rentable. Produire la fève marchande (fermentée et séchée) permet d’obtenir un prix supérieur aussi. Mais la transformation du produit n’est pas chose aisée, selon Franck Morel , il faut de la volonté et aimer ce processus.

« Il faut construire un circuit commercial qui permette une bonne rémunération, un prix juste pour encourager les agriculteurs à s’engager dans cette filière. »
Pour l’instant, la famille Morel est la seule à produire du cacao et à le transformer en chocolat.

Au début, le chocolat était produit uniquement sous forme de tablettes avec pour seuls ingrédients la fève de cacao à 75 % et du sucre. Maintenant, ils fabriquent des tablettes de chocolat au lait et blanc et aussi des pâtes à tartiner. Ils prévoient aussi de faire des tablettes avec un pourcentage plus important et d’ajouter des fruits séchés, des épices et même de faire des bonbons.

Le torréfacteur est dans la boutique, afin que les visiteurs puissent assister au processus de fabrication.

Franck Morel utilise pour l’instant toute sa production pour sa propre transformation et achète des cabosses. Ses produits, tablettes , pâte à tartiner , crème glacée , sont principalement vendus dans sa boutique implantée à Saint-Philippe, sur son terrain, même s’il espère atteindre un niveau de production permettant d’approvisionner des partenaires.

En 2023, environ 50 kg de chocolat ont été fabriqués .

Le carreau de cacao est maintenant grand d’un hectare et demi . D’ici quatre à cinq ans, Franck Morel souhaiterait récolter une tonne de cacao qu’il pourra transformer en une tonne de chocolat.

Découvrez tous les autres secrets de la fabrication du chocolat réunionnais dans notre reportage vidéo.

Prise d’images : Sarah Cortier

Texte et montage : Léa Morineau

A propos de l'auteur

Léa Morineau | Etudiante en journalisme

Cocktail de douceur angevine et d'intensité réunionnaise, Léa Morineau a rejoint l'équipe de Parallèle Sud pour l'éducation aux médias et à l'information, elle s'est rapidement prise au jeu du journalisme. A travers ses articles, elle souhaite apporter le regard de sa génération et défendre un journalisme qui rayonne au-delà des apparences.

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