Le cercle vicieux de la conflictualité

LIBRE EXPRESSION

Le monde ploie sous la conflictualité, sous l’oppression, sous les menaces et les injonctions. Il se lève un vent mauvais où les radicalités les plus fortes parviennent à se hisser au pouvoir dans de nombreux pays, du Vieux Monde comme du Nouveau Monde. Il suscite effroi, exaspération et sidération face à la furie des déclarations belliqueuses qui s’enchaînent et face aux armes de plus en plus létales qui ne sont plus destinées à des frappes chirurgicales, mais à des attaques massives, des nettoyages certains.

Les experts en géopolitique en viennent même à perdre leur latin, encore plus, lorsque toutes les manœuvres qui tendent à déstabiliser la paix dans le monde se déroulent sur fond de guerre cognitive basée sur un socle technologique inédit capable de défier les lois mathématiques établies, de longue date, avec des potentialités phénoménales de création comme de destruction.

De même, nos interactions de plus en plus nombreuses dans la sphère virtuelle, sont devenues des distractions qui nous accaparent, qui nous volent notre temps, qui nous privent de l’essentiel de la vie. Mais, qui, aujourd’hui, peut prétendre, être en mesure d’échapper à l’enfermement technologique pour vivre une vie totalement déconnectée ? En effet, même les plus fervents défenseurs, d’une ligne d’auto-régulation des usages, recourent aux réseaux sociaux pour nous vendre leur cure de libération de ces addictions qui nous dépossèdent de notre temps disponible, qui nous déshumanisent quelque part, et qui nous rendent parfois incapables de nous contenter de la vie d’avant, celle qui existait avant l’avènement technologique avec ses promesses d’un bonheur illusoire puisque sans cesse exposé à la péremption par l’émergence de nouveaux totems, de nouveaux leitmotivs, de nouveaux tabous.

Le paradoxe des réseaux sociaux est que la communication, bien qu’omniprésente, laisse la porte grande ouverte à l’exposition à toutes formes d’incompréhension, d’interprétation erronée, de vigie souvent mal intentionnée sur la vie des autres, d’exposition de la vie privée génératrice d’envie malsaine, d’artificialisation de son identité tandis que prospère davantage le poison de la conflictualité.

C’est ainsi que la conflictualité se développe dans toutes les interstices d’incompréhension, d’ignorance, de méconnaissance et d’irrespect de la parole donnée et de la mémoire consacrée. La conflictualité se perpétue, souvent, à nos dépens, et, elle fait les beaux jours des as de la rhétorique dans le cadre des prétoires, terrains de compétitions sans fin et de bouillonnement de l’esprit au gré des mots qui alimentent le chaudron du désamour, doucement mais sûrement.

Par ailleurs, la conflictualité n’est pas l’apanage des grands de ce Monde, de ces dirigeants dits visionnaires mais aussi aveugles que celles et ceux qui ne veulent pas voir les réalités en face. La conflictualité s’installe au cœur de nos vies, en pensant avoir triomphé de l’esprit de concorde au nom de l’égo. Elle a faussement gagné par le fait d’avoir réussi à enflammer les esprits, à envenimer les situations les plus banales, à mettre un terme rapide aux amitiés pourtant forgées dans le marbre, à détériorer la qualité des relations humaines les plus basiques, à altérer durablement et, parfois, tristement et, sans retour, les liens de parenté au sein des fratries. 

La conflictualité, même rampante et titubante a, hélas, réussi à désarçonner les liens les plus solides, à rompre, par le truchement de la rationalité, les liens du cœur et du sang censés être inaltérables. La conflictualité n’a, malheureusement, qu’une seule exigence, celle de la capitulation à tout prix, celle d’un triomphe sans pareil, celle d’une gloire qui nous fait croire en notre invincibilité. Tandis, qu’en réalité, la conflictualité est une prison sans nom, un gouffre sans fin, une soif inextinguible de vengeance, un poison mortel qui arrache par la force ce qui peut être obtenu par la douceur.

Sortir du cercle de la conflictualité est une nécessité aussi essentielle et vitale que de respirer pour vivre, car on ne peut être en guerre tout le temps avec tout le monde, ce n’est pas là que réside le sel de notre existence qui a besoin de sens et qui trouve, certes, dans les épreuves, les ingrédients pour polir les cœurs, tout autant que réside dans la conflictualité le ferment d’un renoncement à ce qui fait notre commune destinée en humanité et à des horizons plus porteurs que des oppositions systématiques et stériles qui, plus est, obèrent notre cheminement vers l’Au-Delà. 

Youssouf Omarjee

Chaque contribution publiée sur le média nous semble répondre aux critères élémentaires de respect des personnes et des communautés. Elle reflète l’opinion de son ou ses signataires, pas forcément celle du comité de lecture de Parallèle Sud.

A propos de l'auteur

Kozé libre

A Parallèle Sud nous nous faisons un devoir de libérer la parole, de la partager, sous quelque forme que ce soit (texte, vidéo, son, BD...). Chaque lecteur peut être acteur et créer l'information. Celle-ci est relue par le comité de lecture de Parallèle Sud avant d'être publiée dans la Libre expression.

Ajouter un commentaire

⚠︎ Cet espace d'échange mis à disposition de nos lectrices et lecteurs ne reflète pas l'avis du média mais ceux des commentateurs. Les commentaires doivent être respectueux des individus et de la loi. Tout commentaire ne respectant pas ceux-ci ne sera pas publié. Consultez nos conditions générales d'utilisation. Vous souhaitez signaler un commentaire abusif, cliquez ici.

Articles suggérés