Le degré de trop ?

LIBRE EXPRESSION

Comment comprendre, à La Réunion, la nouvelle Trajectoire de Référence d’Adaptation au Changement Climatique de la France (TRACC)

A l’heure d’aujourd’hui, où les effets du changement climatique deviennent de plus en plus flagrants partout dans le monde, les objectifs de l’accord de Paris de limitation de l’augmentation de la température globale moyenne fondent malheureusement comme neige au soleil.

L’évolution de la température observée ces derniers mois (+1.1°C déjà par rapport à l’ère préindustrielle) laisse présager qu’au lieu du +2°C en 2100, convenu comme supportable par la plupart d’entre nous, la population mondiale devra s’adapter en fait à +3°C. 

Les Etats signataires de cet accord, la France en première ligne, se voient dans l’obligation de reconnaître leur échec cuisant. C’est le cas de le dire… L’Etat français l’a admis donc, bien discrètement et non sans hypocrisie en février 2023, via la TRACC.

« Mais, 1°C de plus seulement, c’est pas si mal. Non ? », me direz-vous peut-être.

La difficulté est de comprendre pourquoi ce degré de température extérieure aura tant d’importance à l’avenir.  Essayons de le ramener à une perception qui nous parlera davantage : la fièvre. La différence entre une grippe à 40°C et une autre à 41°C est considérable. Toute personne ayant eu cette température intérieure se rappelle à quel point elle en a été atteinte. A 40°C, on continue à se lever, manger, parler relativement normalement. A 41°C commencent pour certains la perte de repères, de la faculté de se lever, de boire, de manger ou de communiquer.

Si les symptômes du changement climatique ne sont pas les mêmes, et aggravés selon l’endroit et la catégorie sociale où l’on se trouve, le malaise général de la population devrait malheureusement être comparable à celui d’une fièvre carabinée. Les sécheresses augmenteront, les récoltes diminueront d’autant, les inondations ponctuelles et dévastatrices de l’habitat et des cultures vivrières en seront accentuées. 

Pour preuve, la récente invitation du ministère de la transition écologique à tous les corps de métier du bâtiment, à engager dès 2024 une réforme générale des normes de construction selon cette estimation de la TRACC.

« Oui, mais tout ça c’est loin ! En 2100 et sur les vieux continents ! »

Pour continuer sur l’analogie médicale, les symptômes réunionnais seront les mêmes à ceci près que du fait de sa position géographique, La Réunion ne ressentira pas autant l’augmentation de température. Par contre, les effets secondaires seront eux bien perceptibles a priori dès 2040 et d’autant plus rapidement et sévèrement que la température moyenne dépassera le seuil de l’accord de Paris.  La diminution des pluies, l’augmentation des périodes de grandes chaleurs et surtout l’augmentation du risque de cyclones « monstre » comme Freddy en 2023 qui traverseraient notre île en seront les principaux. Et, si dans certaines régions d’Europe ce degré supplémentaire pourra être compensé illusoirement par l’installation massive de climatiseurs, il est de plus en plus probable que la population réunionnaise connaisse rapidement quelques convulsions sévères qu’aucune clim ne saura apaiser.

Non, la TRACC n’est pas qu’un nouveau sigle barbare

Cette mesure du réchauffement actuel et la projection de ce qu’il pourra entraîner dans 15 ans sur le sol réunionnais ne doivent pas être passés sous silence. La gravité des événements qu’ils pourraient induire sur le plan environnemental et surtout humain doit être communiquée à l’ensemble de la population car, si l’Administration a donné récemment quelques signes de considérations du phénomène, sa réponse tardive et timorée ne saurait satisfaire l’urgence. Et, s’il est question d’adaptation aux événements climatiques extrêmes et qu’il est reconnu l’efficacité des traditions locales en la matière, il est du devoir de l’Administration de lui laisser aussi choisir la manière de s’y préparer solidairement et en conscience, en dehors des objectifs de rentabilité qui prévalent sur le territoire métropolitain. 

La résilience du territoire et la probité des responsables en dépendent. 

Permettre à la TRACC de devenir la Trajectoire Réunionnaise d’Accomplissement de la Culture Créole pour ce qu’elle est : une stratégie d’adaptation pragmatique, égalitaire et solidaire à toute épreuve selon le principe : « une main lav’ l’aut’ ».

Christophe Barbarini

Liens utiles : 

https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/trajectoire-rechauffement-reference-ladaptation-changement-climatique-tracc#:~:text=Pour%20avancer%20de%20mani%C3%A8re%20coordonn%C3%A9e,au%20changement%20climatique%20(TRACC)

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