Le don de soi

LIBRE EXPRESSION

Le « don de Soi » est un concept complexe, personnel en fonction de sa propre histoire, même résilient profondément, car touche à mon sens à l’intimité même de chacun de nous. Certains penseurs et philosophes ont essayé de définir le « Don de soi » dans sa forme la plus pure. Gabriel Marcel, d’abord, a exploré le « don de soi » comme un engagement authentique, soulignant son aspect existentiel et spirituel. Marcel Mauss, dans son « Essai sur le don », a mis en lumière l’importance du don/contre-don pour les relations sociales, bien qu’il ne se concentre pas spécifiquement sur le don de soi.
Kant, avec son éthique de l’intention, pourrait associer le don de soi à un acte moral accompli par devoir, sans attente de récompense. Freud, à travers la psychanalyse, pourrait interpréter le don de soi comme une expression de motivations inconscientes, liées à la quête de reconnaissance. Nietzsche verrait peut-être le don de soi comme une affirmation de la volonté de puissance, où l’individu transcende ses limites pour se transformer.
Chacun de ces penseurs offre une perspective unique, enrichissant notre compréhension du don de soi. Plus proche de nous c’est dans la lecture peut-être de la jeune écrivaine réunionnaise Lætitia Boqui-Queni que je retrouve le mieux la notion de « don de soi » par le prisme du partage. Dans son ouvrage « Fonnkèr La Liberté », paru en 2016, elle nous invite à une exploration poétique qui tisse des liens entre rêve et réalité, et qui aborde des thèmes tels que l’identité et la communauté. Son écriture, qui mêle le créole réunionnais et le français, cherche à exprimer les espoirs et les croyances des femmes et des enfants, et peut être interprétée comme une forme de partage de ces expériences et aspirations avec le lecteur.
En terme musical, c’est chez le groupe engagé Baster que je retrouve davantage cette approche d’interconnexion entre humains, Réunionnais, unis dans une même quête identitaire et d’une souffrance assumée, bien sûr dans « Alon Dansé » mais surtout quand il chante « Servis Kabaré » ou encore « Valé Valé » sur scène avec Firmin Viry en 2003, une pépite qui me fait vibrer.
En Amour, « le don de soi » est un concept d’une profondeur inouïe , une action qui va bien au-delà du simple fait de donner. C’est un engagement à partager une partie de son essence avec autrui, à ouvrir son cœur sans attendre de retour. Dans l’amour, le don de soi est fondamental, car il permet de se connecter véritablement à l’autre, de créer un lien qui transcende les mots. Comme l’a exprimé Jean Anouilh, « l’amour est avant tout le don de soi-même », une offrande de notre être le plus intime.
Ce don n’est pas toujours facile, car il exige de la vulnérabilité et du courage. Il s’agit de se libérer des peurs et des égoïsmes pour embrasser une forme de sacrifice volontaire, un paradoxe où l’on trouve pourtant une grande richesse personnelle. Pour être capable de donner de soi, il faut d’abord se connaître, avoir pris possession de soi dans cette solitude qui nous définit, car c’est seulement en étant en paix avec soi-même que l’on peut offrir aux autres le meilleur de nous.

Antoine de Saint-Exupéry, dans « Le Petit Prince », évoque cette idée en soulignant que « on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. » Cette citation nous rappelle t’elle pas que le don de soi est une question de cœur, un acte qui ne peut être mesuré ou vu, mais qui a un impact profond et durable.

Mais « Le don de soi » suppose aussi, à mon sens et préalable à tout amour, un chemin vers la découverte de soi-même, une voie où l’on apprend à se dépasser, à trouver un sens plus profond à notre existence. C’est dans cet acte généreux que l’on découvre la véritable joie, celle qui naît de l’échange et du partage, et qui illumine notre vie quotidienne de sa lumière bienveillante. Comme l’a écrit Khalil Gibran dans « Le Prophète », « vous donnez peu lorsque vous donnez de vos biens. C’est lorsque vous donnez de vous-même que vous donnez véritablement. »

En donnant de soi, on participe à un cycle de bienveillance et de générosité qui enrichit non seulement ceux qui reçoivent, mais aussi ceux qui donnent. C’est un acte qui nous humanise, qui nous relie à notre essence la plus pure et qui nous permet de toucher du doigt l’universalité de l’expérience humaine. Le don de soi est une invitation à vivre pleinement, à embrasser l’autre dans sa différence, et à construire ensemble, dans une même vision, un monde plus harmonieux et plus juste.
Ainsi pour conclure tout en douceur, je pense profondément que le don de soi devient une mélodie silencieuse qui résonne dans les cœurs, tissant des liens invisibles mais indestructibles entre les âmes. C’est un souffle de vie qui nourrit l’esprit et éclaire le chemin de ceux qui osent s’abandonner à la douceur
et à la bienveillance sans condition. Ainsi, le « don de soi » veut donc dire aussi ici une concession pour les deux, mais c’est pour mieux frôler du doigt, sans violence et sans intrusion mais avec son approbation, l’essence même de l’autre et de l’accepter en tant que tel dans toute sa complexité.
Dans cet échange sincère, nous découvrons la beauté d’un monde où chaque geste de générosité est une étoile qui brille dans l’obscurité.

Frédérique Welmant

Musiques proposées : Pink Martini : « la Soledad »
Madiakanou « Bienvenu »
Johnny Hallyday « Je te promets »
Léonard Cohen « Allelujah »

A propos de l'auteur

Kozé libre

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