LIBRE EXPRESSION
Retour sur trois années d’études dans le cadre du programme FEDER Connaissances et Conservation de la Roussette noire – Pteropus niger – à La Réunion (CoCoPniger)
(Photo de couverture : © Timaoul)
Mercredi 30 mai 2023, le Groupe Chiroptères Océan Indien (GCOI) a donné rendez-vous à l’ensemble de ses partenaires techniques et financiers à la médiathèque Aimé-Césaire de Sainte-Suzanne, mise à disposition gracieusement pour parler de la Roussette noire. La matinée était donc dédiée à cette grande espèce de chauve-souris qui a tant fait parler d’elle les dernières semaines ! Rappelons-le, cette espèce vulnérable et protégée avait disparu de l’île de La Réunion pendant près de 200 ans. Son retour est un très bon cas d’école pour mener à bien des travaux d’études et de conservation.
Il est utile de rappeler que les chauves-souris sont les seuls mammifères indigènes de La Réunion et que l’espèce qui nous intéresse ici est endémique des Mascareignes. Par son mètre d’envergure et un poids moyen de 540 g, elle ne passe plus inaperçue. Son régime alimentaire frugivore (consommation de fruits, feuilles, fleurs et nectar) lui confère un rôle extrêmement important dans la régénération des forêts, puisqu’elle fait partie des derniers animaux capables de disperser les graines de certaines espèces d’arbres endémiques et rares.
Disparue de l’île entre 1772 et 1801 du fait de la perte de ses habitats (déforestation) et de la chasse intensive, elle a fait son grand retour par les airs depuis Maurice au début des années 2000. C’est donc pour accompagner son retour auprès de la profession agricole et du grand public et dans un objectif de faire avancer la connaissance sur l’espèce que le GCOI conduit des travaux de connaissances et de conservation depuis 2016. Ainsi, le GCOI a souhaité réunir naturalistes, universitaires, Département, Région, services déconcentrés de l’État, profession agricole, monde de la chasse, professionnels de l’énergie et passionnés de nature dans le but de leur présenter les résultats des travaux conduits dans le cadre du programme FEDER Connaissances et Conservation de la Roussette noire – Pteropus niger – à La Réunion (CoCoPniger).
Le programme d’études et de recherches soutenu par l’Union Européenne et la Région Réunion (https://gcoi.org/nos-actions/feder-cocopniger/) touchant à sa fin (2020-2023), le temps était venu pour le GCOI de présenter le résultat de ses travaux.
La matinée a permis au GCOI de partager les résultats de ses travaux d’études avec plusieurs nouveautés à la clef, de quoi maintenir en haleine les participants ! Trois projets ont été présentés à la quarantaine de participants, à savoir une étude comportementale sur l’utilisation du territoire, une étude de faisabilité de marquage individuel pour mieux comprendre les interactions au sein de la population et enfin un document stratégique d’urgence en cas de déclin de l’espèce.
L’étude comportementale a consisté en la capture d’individus de roussettes et à la pose de balises GPS munies d’accéléromètre sur des individus adultes. Au total 8 individus (4 mâles et 4 femelles) ont été équipés et sont suivis à distance actuellement. Les données recueillies permettent d’une part d’en savoir plus sur les déplacements des individus, et d’autre part de connaître leurs comportements grâce aux accéléromètres. Ce capteur embarqué dans la balise permet de mesurer l’accélération de la balise fixée au cou de chaque individu selon 3 axes orthogonaux (x, y et z) et donc de caractériser le comportement des individus équipés (vol, repos, activité de faible à forte). Les données GPS obtenues sont très intéressantes, apportant de nouvelles informations concernant les dortoirs, mais aussi les déplacements avec des individus se rendant jusqu’à la Possession depuis Bras-Panon, voire pour d’autres jusqu’à Saint-Philippe.
Les résultats obtenus sont très positifs et permettent aujourd’hui de mieux comprendre l’espèce pour mieux la préserver !
En parallèle, la littérature scientifique et les experts à travers le monde ont été consultés pour identifier la possibilité de marquer les roussettes noires individuellement. L’objectif est de reconnaître les individus à distance (longue vue) sans que le marquage (capture + pose + méthode) ne leur porte atteinte. Sont recherchés ici les informations sur l’utilisation des dortoirs, les déplacements, les habitudes individuelles, les échanges entre les dortoirs, la fidélité aux dortoirs et la phénologie. Au total, 26 méthodes ont été présélectionnées. Il a fallu ensuite trier et hiérarchiser chaque méthode pour échanger avec les auteurs/scientifiques afin d’échanger sur les objectifs, leurs expériences, les avantages, contraintes et limites de chaque méthode. En effet, il était nécessaire d’évaluer les impacts induits par chaque méthode et ainsi voir si cela est reproductible sur la roussette noire ici à La Réunion.
33 personnes de 14 nationalités différentes ont été contactées pour mener cet état des lieux. Sur les 26 méthodes expérimentées, seule la pose de collier GPS, c’est à dire la méthode appliquée depuis 2018 par le GCOI, permet de répondre aux questions en matière de conservation.
Enfin, un document opérationnel permettant de prévenir tout déclin potentiel et/ou d’intervenir en cas de constat de déclin de l’espèce a été rédigé sur la base d’un travail collaboratif. Les menaces potentielles qui pèsent sur l’espèce ont été listées sur la base du contexte réunionnais et des connaissances acquises au sein de l’aire de répartition du genre Pteropus (Océans Indien et Pacifique). 8 menaces potentielles ont été identifiées comme la perte d’habitats ou de la ressource alimentaire, les dérangements volontaires ou non, les collisions (aériennes, routières, éoliennes…) ou encore la faible variabilité génétique de la population. À la suite, 14 structures réunionnaises ont travaillé de concert pour accompagner le GCOI dans la rédaction du document stratégique. Il en ressort tout un ensemble de mesures à décliner dans les mois et années à venir pour la bonne conservation de la Roussette noire à La Réunion. Cela va passer en premier lieu par un travail de réflexion concernant l’information et la formation du public et des professionnels, la réalisation d’outils cartographiques d’aide à la décision ou encore par un travail de réflexion autour des missions de police afin de faire respecter le statut d’espèce protégée.
La matinée ayant été très appréciée par les participants et le sujet passionnant les Réunionnais, le GCOI réfléchit d’ores et déjà à conduire de nouvelles restitutions à l’avenir. En attendant, vous pouvez retrouver l’association lors des Nuits de la chauve-souris en juillet-août (https://www.facebook.com/Groupechiropteresoceanindien) ou contacter l’équipe au 06.92.67.65.72 pour en savoir plus, voire prendre part à nos actions.
Pauline Malandain, animatrice et médiatrice faune sauvage
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