LIBRE EXPRESSION / JOURNAL DE PAUL HOARAU n° 274
Comment finissons-nous par banaliser les horreurs de la guerre ? Même l’horreur fugitive devant ce que nous voyons à la télévision, entre la publicité de la dernière voiture et le passage à la chronique sportive, finit par céder la place à l’idée des affaires en perspectives pour la reconstruction des villes bombardées, à l’idée des affaires pour les marchands d’armes, qu’occasionne le recours à la guerre. L’arme ultime de la diplomatie qu’est la guerre est devenue un moyen normal de régler les différends entre nations. La folie de la guerre est devenue la sagesse obligée pour les partisans des camps opposés. Cette philosophie des violences de la guerre transpire dans nos sociétés, aux niveaux des peuples, des collectivités et des quartiers.
Les discours et les initiatives pour la paix, dans ce contexte, paraissent vaines. La dynamique de la paix n’est certainement pas dans les manifestations qui nourrissent les haines, au nom de la paix. La dynamique de la paix devra résider dans le rejet absolu de la guerre, dans la recherche du dialogue et de la négociation pour des solutions communes justes. Comme nous l’avons déjà dit ici même, la première condition de la paix, en effet, c’est la recherche de la justice, pas la violence et la haine.
La dénonciation de la paille dans les yeux de l’Amérique, de la Chine, de l’Iran, d’Israël etc. ne doit pas nous faire oublier la paille, sinon la poutre, de notre œil. Les fractures qui traversent notre société réunionnaise, conséquences de notre Histoire, nous plongent dans une situation de faiblesse qui nous dresse, nous autres Réunionnais, les uns contre les autres et nous maintient dans l’incapacité d’être maîtres de notre développement collectif. Nous connaissons les auteurs de cette situation et nous avons conscience d’en être les victimes. Nous devons nous en sortir.
Dénoncer les auteurs est une action positive, mais n’est pas la solution pour deux raisons. Premièrement, ce ne sont pas les personnes aujourd’hui au pouvoir qui sont la cause de la situation, mais le système politique national qui régit les rapports institutionnels entre « la métropole » et « les outre-mer ». Deuxièmement, que nous qualifions le système comme on veut – colonialiste, impérialiste, capitaliste, jacobin, etc. – l’important est de changer le système. C’est « la refondation ». La question n’est pas de déclarer la guerre aux dirigeants nationaux d’aujourd’hui ou à ceux qui les remplaceront, mais d’ouvrir avec eux, le dialogue national de « la refondation ».
Conscient d’être victime du système, notre peuple doit sortir de cette posture. Parce qu’il doit être à la hauteur du dialogue qui doit s’ouvrir non pas entre victime et maître, mais entre partenaires égaux.
Alors, dira-t-on, ce projet est une énorme utopie. Jamais le pouvoir central français n’acceptera le dialogue de « la refondation » (la paille dans l’œil du pouvoir central français). La question qui se pose est la suivante : existe-t-il, aujourd’hui, un interlocuteur Réunionnais pour le dialogue de « la refondation » ? (la poutre dans l’œil réunionnais). Tout en annonçant la couleur, notre devoir est de préparer l’émergence de cet interlocuteur Réunionnais. C’est « Le projet d’un Peuple ».
De retour de France, l’équipe de handballeuses de « La Cressonnière » a été accueillie en championne. L’interview d’une jeune joueuse de l’équipe a retenu notre attention. Pour la finale contre Metz, nous dit-elle, « la Cressonnière », n’était pas gagnante. Le moral et le collectif ont déjoué les pronostics : « La Cressionnière » a gagné. N’aurait-elle pas gagné ce match, que sa présence à la finale, aurait déjà été une victoire, la victoire du moral et du collectif.
Ce qui a valu pour l’équipe de « La Cressionnière », doit être transposé à l’équipe du « Peuple Réunionnais » tout entier. Les Réunionnaises et les Réunionnais, tous ensemble, doivent penser et agir collectif. Chacun jouera sa partie pour que l’équipe gagne. Les Réunionnaises et les Réunionnais, tous ensemble, doivent d’autre part posséder un moral de gagnant : nou lé kapab.
Ce besoin de jouer collectif se ressent partout. Parmi les trois grands axes de son action, la nouvelle présidente du MEDEF a fixé la nécessité d’une action collective de toutes les organisations patronales pour donner plus de force à ce qui est un autre de ses axes : le développement d’une production réunionnaise par les Réunionnais.
Nous voyons se multiplier les états généraux, se multiplier les manifestations de collectifs. Il faut maintenant que ces initiaitves particulières s’étendent à l’ensemble du Peuple. Cela serait comme la clé de voûte qui permettra à notre Peuple de s’affirmer et de tenir.
À l’image de nos athlètes, de nos handballeuses de « La Cressonnière » et des autres, à connaître les règles, à les observer, à acquérir les techniques, doit s’ajouter la pratique de ces règles et de ces techniques et un entraînement intensif. À l’échelle de notre Peuple, les règles, ce sont Les fondamentaux ; la technique, ce sont les rencontres, les réunions-café, les réunions locales ; l’entraînement, c’est de multiplier, multiplier, multiplier les rencontres, les réunions, jusqu’au référendum.
Ce qui est enthousiasmant pour les sportifs, pour les professionnels, pour les associatifs, pour les individus, doit l’être tout autant pour le Peuple. Nous devons nous y mettre.
Paul Hoarau
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