Moringodrome comité réunionnais de moringue avec Ernaud Iafare et Farid Aubras

Le moringue réclame sa part d’histoire et de mémoire

Les découvertes récentes sous formes de crânes, bustes et carnets, collectionnées en France hexagonale interpellent les moringueurs qui réclament le retour de ces « reliques » sur le territoire réunionnais.

« Actuellement, président du comité réunionnais de moringue. » Ernaud Iafare se présente sobrement. Il découvre le moringue en 1994, au musée de Villèle, grâce à une association qui mettait à disposition des instruments : roulèr, congas, pikèr, etc. « Avant, c’était la mode Michael Jackson, la mode hip-hop. Et puis nous la découvre moringue. » Grâce notamment à l’ex-boxeur Jean-René Dreinaza et à l’artiste Nicolas Moucazambo, il entre dans un univers où se croisent art, combat, musique et mémoire.

Par la suite, cette re-découverte se concrétise par la création de deux ronds officiels, à Sainte-Suzanne et à Villèle. « Le rond, c’est un symbole aussi, c’est une reconnaissance. La renaissance du moringue, elle se fait à Villèle. ». En même temps, au niveau international, le maloya est reconnu patrimoine mondial de l’humanité en 2009. 

Moringodrome comité réunionnais de moringue avec Ernaud Iafare et Farid Aubras
Ernaud Iafare, président du comité réunionnais de moringue. © Olivier Ceccaldi
Moringodrome comité réunionnais de moringue avec Ernaud Iafare et Farid Aubras
Le rond moringue de Villèle date de 2008.
Moringodrome comité réunionnais de moringue avec Ernaud Iafare et Farid Aubras
Farid Aubras, référent scientifique du comité de moringue. © Olivier Ceccaldi
Moringodrome comité réunionnais de moringue avec Ernaud Iafare et Farid Aubras
Farid Aubras et Ernaud Iafare dénoncent un retard scientifique et une méconnaissance du passé afro-réunionnais : « Le danger, c’est l’oubli. »

Maloya et moringue participent à une véritable entreprise de réappropriation historique avec des apports bien éloignés des archives officielles organisées par le pouvoir colonial. Cette histoire parallèle s’est propagée par les traditions et l’oralité. Les découvertes récentes (depuis 2018) des carnets et buste de l’anthropologue Eugène Huet de Froberville apparaissent comme le « chainon manquant » entre ces histoires mal connues et les documents officiels.

Des descriptions jamais vues à La Réunion

Farid Aubras, référent scientifique du comité, raconte : « Mon grand-père était un moringueur. Le moringue, ça coule dans notre sang. Mais la science, elle a besoin d’être mobilisée pour documenter tout cela. Ce qu’il y a dans les textes de Froberville, des descriptions de captifs, des croquis, des postures, peut-être même des traces de combats. C’est du jamais vu pour l’instant à La Réunion. »

À de Froberville, s’ajoutent les prélèvements de crânes opérés par Alexandre Dumoutier en 1840. Cette fois-ci, il ne s’agit plus d’anthropologie mais de phrénologie, cette pseudo-science du 19e siècle qui définissait des races et les hiérarchisait. Les crânes retrouvés par l’historienne Klara Boyer-Rossol dans les collections publiques du musée d’histoire naturelle de Paris sont eux aussi des « chainons manquants » de l’histoire réunionnaise. Ils portent en eux les souffrances des opprimés et font l’objet d’une demande de restitution au même titre que les restes humains d’ancêtres Kali’nas pour la Guyane

Comme Madagascar et Maurice

Le comité réunionnais de moringue, revendiqué comme pratique afro-descendante liée à l’histoire douloureuse de l’esclavage,  s’associe aux demandes de restitutions tant des archives de Froberville que des crânes de Dumoutiers. « Nou la besoin de matière, matérielle et immatérielle. Nou la besoin d’accès. C’est notre droit », dit Farid Aubras. 

Les Malgaches, qui vont obtenir ce mois-ci la restitution de crânes sakalaves lors de la visite du président Macron, sont en avance. Tous comme les Mauriciens dont le musée international de l’esclavage de Port-louis accueille déjà les premiers  bustes de Froberville. « Ici, à La Réunion, c’est le silence », déplorent Ernaud Iafare et Farid Aubras. Ils dénoncent un retard scientifique et une méconnaissance du passé afro-réunionnais : « Le danger, c’est l’oubli. »

Franck Cellier

Le moringue réclame sa part d’histoire et de mémoire

Les découvertes récentes sous formes de crânes, bustes et carnets, collectionnées en France hexagonale interpellent les moringueurs qui réclament le retour de ces « reliques » sur le territoire réunionnais.

A propos de l'auteur

Franck Cellier | Journaliste

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.

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