JOURNAL DE PAUL HOARAU
Le 30 juin et le 7 juillet « le peuple souverain » désignera, par son vote, ses représentants à l’Assemblée Nationale. A entendre les commentaires de la campagne électorale, ni la classe politique, ni les politologues, ni les médias, ni le peuple lui-même ne font entendre la voix du « Souverain ». Tout se passe comme si les maîtres du jeu étaient les hommes et les femmes du monde politique : leaders de partis, élus, dirigeants institutionnels. Tout le monde ignore ce que « le peuple souverain » a dit par ses votes successifs depuis les élections présidentielles, qui sont à l’origine de la situation actuelle.
Je reprendrai ses messages parce l’on ne les redira jamais assez, tellement tout le monde les ignore.
A la dernière élection présidentielle, « le peuple souverain » à limogé les deux partis traditionnels de gouvernement : ni Madame Pécresse qui représentait « Les Républicains », ni Madame Hidalgo qui représentait « Le Parti Socialiste » n’ont obtenu les 5 % de voix qui donnent droit au remboursement des frais électoraux. Aux élections législatives qui ont suivi, le président Macron n’a pas eu de majorité absolue à l’Assemblée Nationale. Ces deux verdicts sont le résultat direct et indiscutable de la volonté du peuple exerçant sa souveraineté par l’élection de ses représentants (art. 3 de la Constitution).
Le Président Macron, son Gouvernement ont cru pouvoir passer outre la volonté du « peuple souverain » en utilisant le 49-3 pour faire passer ses réformes. Les oppositions qui en avaient la possibilité n’ont pas voté la mention de censure qui aurait renversé le Gouvernement. Cette motion de censure mettait en jeu leurs postes de députés en raison de la dissolution qui aurait suivi. Les uns et les autres n’ont pas suivi la volonté du peuple. Aux élections européennes « le Rassemblement National » a affiché un score qui fait craindre à tout le monde aujourd’hui, qu’il est à la porte du pouvoir. Dernier épisode : le Président est dans l’obligation de démissionner ou de jouer le poker de la peur du « Rassemblement » pour gagner par défaut. Les députés qui n’ont pas voulu renverser le Gouvernement ont été « renversés » par le Président. Ce n’est ni Monsieur Bardella, ni Monsieur Macron, ni Monsieur Mélenchon qui ont créé cette situation et qui l’ont voulue, mais le Peuple.
Pour les élections européennes, la classe politique, les politologues et les médias accusent les votes blancs (0,70%) et les abstentionnistes (48,51%). C’est, encore une fois, vouloir retirer au peuple l’expression de sa volonté. Les votes blancs, c’est clair : les électeurs sont allés voter pour exprimer leur refus de choisir qui que ce soit, aucun candidat ne leur inspirant confiance (mais on ne comptabilise toujours pas les votes blancs comme suffrages exprimés). Quant aux 48,51 % d’abstentionnistes, personne ne peut prétendre les compter pour soi : au mieux ils partagent le point de vue des votes blancs mais estiment qu’il n’est pas nécessaire de se déplacer, au pire ils ne voient pas d’intérêt à exercer leur pouvoir politique électoral, pourquoi ? D’une certaine façon, même leur indifférence exprime quelque chose.
Au niveau mondial, les peuples ont distingué deux partis : « le parti de l’uniformité mondialiste du profit d’abord » et « le parti des peuples avec l’Homme au centre » : le parti du développement des pays et le parti du développement des peuples. Le Peuple Français qui a discerné ce clivage fondamental, a révoqué « le parti du profit d’abord » parce qu’il nie le droit des peuples et il a révoqué « le parti de l’Homme au centre » parce qu’il n’a pas su défendre les acquis du 19-ème siècle, du Front Populaire, du Conseil National de la Résistance. Le peuple qui vote s’est tourné vers « Le Rassemblement » parce que ce parti n’a pas encore eu de responsabilité gouvernementale et parce qu’il a mis beaucoup d’eau dans son vin, encore que les 49,21 % de votes blancs et d’abstentionnistes constituent le premier parti en nombre de suffrages (M. Bardella, le premier élu, ne compte que 31,37 % de voix).
La classe politique, les politologues et les médias n’ont pas compris cela. Dans la multitude des partis répartis dans les trois « blocs » qu’ils ont répertoriés – les extrémistes de droite, les extrémistes de gauche et ceux du centre – nous trouvons, aujourd’hui, des représentants des deux camps qui se disputent l’avenir de l’Humanité : ce qui explique les dissensions internes de la campagne électorale mais aussi la grande confusion politique que nous connaissons. A part les électeurs qui votent pour ses hommes traditionnellement de droite (qui ne le sont plus) ou pour ses hommes traditionnellement de gauche (qui ne le sont plus), personne ne sait où se trouve la droite, où se trouve la gauche. Tout le monde politique, pour ramasser des voix, est écolo, pour la sécurité, le pouvoir d’achat et (comme l’avait prédit M. Malraux) tout le monde est gaulliste. Le partage politique, fondamental (le profit ou l’Homme) personne n’en parle. Le camp « du profit d’abord » aurait-il réussi à vaincre ou à se payer les politiques « de l’Homme au centre » ?
Concrètement, que faire le 30 juin et le 7 juillet ? Ma réponse est nette : le peuple doit exercer le pouvoir qu’il détient de désigner ou de révoquer ses représentants, il doit voter. Si personne ne lui convient, il vote blanc (préparer un bulletin blanc) ou nul (couler une enveloppe vide dans l’urne). Même si la loi ne reconnaît pas encore ces votes comme des « suffrages exprimés », objectivement, ils le sont. La classe politique, les politologues et les médias doivent enfin comprendre, que le souverain ce ne sont pas les représentants élus du peuple, mais celui qui les choisit ou les révoque, le peuple lui-même.
Je ne sais pas ce qui sortira de cette reconquête positive de son pouvoir par le peuple si elle se concrétise, pas plus que ce qui sortira de son vote quelle que soit sa participation. Ce qui sortira sera l’expression de sa volonté. La période qui séparera les prochaines législatives des élections présidentielles de 2027 sera agitée. Prudent, M. Bardella a déjà fait savoir qu’éventuellement élu, il ne sera pas premier ministre s’il ne dispose pas d’une majorité absolue à l’Assemblée Nationale. Dans ce cas, qui gouvernera la République ? Si M. Bardella dispose d’une majorité absolue, pourra-t-il gouverner selon ce que l’on prête à son parti ou selon ce qu’aura dit le peuple, ou pourra-t-il seulement gouverner ? La situation, aujourd’hui, est une situation de crise qui est l’aboutissement de plus de cinquante ans d’une politique nationale hors sol, d’éloignement progressif des aspirations des peuples, d’un éloignement continu de la démocratie par le « microcosme » d’un monde beaucoup, plus technocrate que politique. Le redressement ne pourra venir que du sursaut du peuple. Le prochain vote pourrait en être le premier acte. Les choses étant ce qu’elles sont, cela est peu probable.
Paul Hoarau
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