ravine

[L’Éko la Ravine] Réseaux sociaux (*) le meilleur et le pire

CHRONIQUE

Comme dans toute évolution technologique le meilleur est à prendre et le pire à laisser. La « science » a toujours voulu aller de l’avant comme si le présent importait peu, souvent par esprit de conquête et soif de connaissance. Mais aujourd’hui, à vouloir défier le temps et les valeurs de nos anciens, négligeant parfois le pré-carré de l’affect, ça peut questionner.

Des inventions révolutionnaires ont changé en bien nos habitudes mais cette évolution qui s’accélère a atteint un seuil critique aujourd’hui et semble nous éloigner de nos besoins les plus élémentaires et naturels pour nous entrainer dans une spirale où le réel et la vérité ne pèsent plus grand-chose !

Les réseaux sociaux sont sans doute un aboutissement logique de la « toile ». Si internet a favorisé la communication et l’accès à la culture dans le monde, facilité nombre d’opérations qui nécessitaient du temps et de l’énergie, il décupla aussi le côté obscur de la société malfaisante. Apparu au début des années 90, le Web a contribué à abolir un peu plus les frontières géographiques entre les pays et nous rendre la vie plus facile et agréable. Mais aujourd’hui les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), des firmes américaines qui dominent le marché du numérique et de l’internet, ont une influence politique, économique et sociale mondiale. On peut citer aussi le NATU (Netflix, AirBnb, Tesla, Uber).

On ne peut nier la performance et le bien être que ces « outils » procurent aux populations même périphériques. Il faut juste les utiliser à bon escient et éviter les écueils que sont le monde virtuel et l’ingénierie sociale

La plupart des réseaux sociaux populaires cachent des buts mercantiles et autres. Voyons d’abord ce qu’ils pèsent.

Très succinctement, Facebook qui est devenu Meta (réseau Métaverse) et Messenger son réseau de messagerie, dépassent de loin ses autres concurrents avec près de 3 milliards d’utilisateurs. You Tube avec 2,6 milliards d’utilisateurs est la première plateforme de partage et de visionnage vidéo dans le monde. Twitter lui partage de courts messages illustrés (Tweets) avec 436 millions d’abonnés. Linkdnl est un réseau professionnel avec 900 millions de comptes, il permet le partage des expériences et la mise en valeurs des compétences. Instagram permet le partage de photos et vidéos avec possibilité de retouches ainsi que de nombreuses fonctionnalités. Idem pour snapchat où par contre les messages sont éphémères et s’effacent au bout d’un certain temps… Et il en existe des dizaines d’autres moins connus. Tik Tok, est un réseau chinois crée en 2016 en très forte croissance (actuellement 1,7 milliard d’utilisateurs), c’est presque viral chez les jeunes qui en sont très friands. Les contenus très courts et distrayants sont créés par et pour la communauté, ils peuvent choquer parfois. Il collecte les données des utilisateurs tout comme les autres réseaux mais les gouvernements occidentaux s’en méfient et soupçonnent une tentative d’espionnage de la part des Chinois.

Whatsapp comme Télégram et Signal sont parmi les réseaux les mieux sécurisés, ils sont davantage dédiés aux conversations de groupes dont la communication est chiffrée. 

A noter quelques concurrents alternatifs : Odyssée, une plateforme de partage de vidéos libre, similaire à YouTube qui a été créée en 2020. Si on y retrouve de nombreux contenus classiques, ce réseau social est régulièrement traité de complotiste parce que gênant pour certains.

Daily Motion et Viméo, concurrents de You Tube aussi sont des plateformes permettant de partager des vidéos privées ou publiques auprès de leurs utilisateurs. Wechat le concurrent chinois de Watsapp, permet aujourd’hui de commander un taxi, de faire des achats en ligne, de réserver une table dans un restaurant… Tout en effectuant le paiement via l’application. En France, Yubo (20 millions d’utilisateurs dans le monde entier), est une application de rencontres amicales : si deux personnes se sont likées / aimées) elles deviennent amies et ensuite, on peut échanger avec la personne dans un chat privé. Yubo fonctionne par tranches d’âge, on y retrouve les 13-17 ans et les 18-21 ans environ.

Si tous ces réseaux communautaires apportent une plus-value dans la vie de nombreux utilisateurs, ils ne sont pas sans danger et peuvent nous enfermer dans l’illusion d’un confort intellectuel ou d’un bien être quelconque au point de devenir une addiction à part entière.

Et bien entendu cela dépend de l’utilisation qu’on en fait. Pouvoir partager les mêmes centres d’intérêts, s’informer outre les médias classiques, visionner, voyager ou s’évader à peu de frais, organiser, faire de la Pub ou promouvoir son entreprise… Beaucoup d’avantages s’offrent à l’usager en temps réel et sans gros investissement. Ce sont les effets pervers et la neutralité de ces réseaux qui posent problème.

Monde virtuel

Et plus la technologie évolue plus on se détache du réel. On a toujours eu le besoin d’exister, de se montrer, de paraître, d’appartenir à une communauté. Là où avant il fallait aller au contact, se préparer à une réunion et parfois faire des kilomètres pour rencontrer la famille, les amis, aujourd’hui on peut presque tout faire sans bouger de son fauteuil. On ne va pas cracher dans la soupe, les réseaux sociaux nous arrangent bien et nous font économiser du temps. Mais ce confort là si on n’y fait pas gaffe nous enferme dans une bulle. Nos relations et interactions avec les autres se faisant à travers un écran, nous perdons au fur et à mesure le sens des réalités. Demain on aura peut-être un doigté hyper rapide mais des jambes fragiles, un cerveau plus petit, le dos courbé et le ventre rond parce qu’on aura confié notre intelligence et notre agilité au progrès.

Ingénierie sociale, bulles de filtre et biais cognitifs

Où qu’on aille, il y aura toujours des brigands pour nous piller ! vols de données, virus, chantage, harcèlement, agressions… Sur les réseaux on peut y remédier en étant un peu vigilant, ne pas trop diffuser de données confidentielles et surveiller les enfants qui deviennent addicts dès le plus jeune âge. On devra aussi faire attention aux « fake news » et autres supercheries qui pullulent sur ces réseaux. Mais le pire est ailleurs, il faut savoir que nous sommes dans l’ère de la manipulation intellectuelle.

L’ingénierie sociale c’est l’art et la manière d’escroquer les gens sur internet. Les méthodes des malfaiteurs sont diverses et variées et parfois surprenantes. Ça peut être de l’extorsion de données, (d’argent au final), du harcèlement et aussi de la vente frauduleuse, du conditionnement à l’achat impulsif et ça va même jusqu’à influencer des élections. En ce sens ces réseaux permettent d’exercer un certaine influence sur les masses populaires.

Les bulles de filtre confortent l’utilisateur dans son microcosme. Ça consiste à présélectionner ou présenter des évènements d’actualité, des produits… pour lesquels on a manifesté un intérêt. Ça marche avec des algorithmes personnalisés, on n’a pas à trier l’information ni à faire de longues recherches pour trouver ce qui nous plaît, la machine (qui nous connait mieux que nous même) le fait pour nous sauf qu’au bout d’un moment on perd notre sens critique et notre réactivité. Notre rapport aux faits et à la vérité est mis à mal par l’essor de la subjectivité au détriment de l’objectivité. Qui d’entre nous ne préfère pas au terme d’une journée harassante (et même au bureau) passer du temps et blablater sur ces réseaux au lieu de marcher, de rencontrer des gens ou écouter de la musique ?

Un biais cognitif (il y en a plus d’une centaine) est une déformation ou une déviation de la pensée rationnelle dans le traitement d’une information. Les bons vendeurs et les champions du marketing le savent, la plupart des gens pensent qu’ils sont rationnels mais la vérité est toute autre. Le comportement humain s’appuie sur des émotions et des interactions sociales qui conditionnent nos jugements et décisions. Ce qui fait que lors de situations identiques nos réactions peuvent être différentes selon le contexte et les personnes en présence (famille, amis, inconnus). C’est aussi tout l’art et la manière de vous faire passer des vessies pour des lanternes, et ça marche !

On voit bien que les communautés virtuelles sont de puissants leviers de marketing. C’est du pain béni pour certaines entreprises. On dépense plus facilement et sans réfléchir si le produit ou le service arrive à connecter tout le monde et pour peu qu’il y ait des influenceurs dans le groupe… Quoi de mieux pour un annonceur de faire du chiffre en quelques clics parmi des milliers de supporters de foot ou des fans de rap par exemple.

En conclusion, l’envers du décor c’est la stratégie invisible de ces réseaux. Le plaisir et la facilité ont un coût. Sous le slogan « avoir une vie beaucoup plus intéressante qu’elle ne l’est » (Instagram), la plupart des réseaux sociaux favorisent la création de millions communautés qui ne se parlent pas entre elles.  Il fut un temps on critiquait le communautarisme.

Et comme l’a dit Kemi Seba (*), les réseaux sociaux peuvent être très utiles mais il faut savoir s’en servir.

Georges Ah-Tiane P/ l’Eko la Ravine

(*) Un réseau social, ou média social, est tout simplement un site internet (ou une application mobile) qui consiste et permet aux utilisateurs d’échanger entre eux, de partager des contenus, de découvrir des photos, vidéos, sons, ou de s’informer sur des sujets.

(*) Kemi Seba est un activiste militant franco-béninois

A propos de l'auteur

Georges Ah Tiane | Reporter citoyen

Georges Ah-Tiane est impliqué dans la vie associative depuis 1990. En France où il a vécu de nombreuses années, il s’est investi dans la promotion de la culture réunionnaise au travers de nombreux biais : en créant des associations, en enseignant le créole, en mettant en avant le patrimoine culinaire péi ou encore la musique. Il a créé des ponts entre La Réunion et la diaspora installée en France. Il a participé à une radio associative pendant douze ans avant de créer des fanzines ou petits journaux, « carry créole », « la lettre d’art’s ». De retour à La Réunion, il s’est impliqué dans la langue créole et « la conscientisation », avec l’objectif d’analyser la société réunionnaise, comprendre son fonctionnement. Dans le but de « voir quels sont les freins et comment les contourner pour aller de l’avant ». Cette chronique hebdomadaire fait suite à la gazette “kreo-lutionnaire” imprimée, l’Eko la Ravine, qu’il a tenue entre 2019 et 2020.