[LIBRE EXPRESSION]
Luc-Laurent Salvador, psychologue, a publié dans « Parallèle Sud », une excellente contribution à la préparation du « Projet » Conférence des Mille – États généraux de La Réunion – Référendum. Vous pourrez prendre connaissance de cette contribution en cliquant sur ce lien : https://parallelesud.com/pourquoi-je-dis-adieu-a-la-conference-des-mille-depaul-hoarau/
« La libre expression » de Luc-Laurent Salvador publiée dans Parallèle Sud, est, objectivement, « une contribution » à la préparation du « Projet ». Elle en montre la démarche de recherche. Dans cette démarche, chacun arrive avec ses principes, ses préjugés, ses expériences, ses connaissances. Le but n’est pas de vouloir imposer son apport personnel, mais de trouver l’essentiel de ce qui doit faire notre identité, notre unité, notre responsabilité collective, notre cadre, notre cap, notre éthique : de trouver ce qui nous fait « Peuple ». Dans une telle démarche, on échange, on approfondit, on cherche tous, ensemble jusqu’au moment où l’on trouve, toujours ensemble. « Le Projet » veut être la recherche d’un Peuple.
La démarche commence avec les cent faiseurs de tables qui pourront rassembler mille personnes. Mille personnes ne peuvent pas prétendre être le Peuple. Mais mille personnes, c’est un symbole et un minimum. S’il n’y a pas mille personnes, il n’y a pas de Conférence des Mille. La voix du Peuple sera celle du Référendum. C’est le Référendum qui validera ou non La Conférence des Mille et les États généraux, et qui donnera mandat à La Conférence territoriale élargie.
La Conférence des Mille n’est pas La Conférence de Paul Hoarau.
Si Paul Hoarau a un certain mérite, c’est peut-être d’avoir lancé « Le Projet », peut-être aussi de rapprocher ce qui est éloigné, d’essayer de mettre ensemble ce qui est séparé ou opposé. C’est tout. Depuis quatre ans que « Le Projet » se prépare, les choses ont considérablement évolué à la suite de rencontres, d’entretiens, de réunions, etc. Il y a quatre ans, il était question d’un repas de « mille couverts ». « Les mille couverts » sont devenus « La Conférence des mille » (kisa noulé). À « La Conférence des mille » se sont ajoutés «Les Etats généraux de La Réunion » (kosa noufé). L’idée d’un Référendum (le Peuple institution) est beaucoup plus récente. En tout état de cause, Paul Hoarau n’arrive pas, à la manière de Moïse, pour reprendre la comparaison de Luc-Laurent Salvador, avec les tables de la Loi.
« Le développement local est bridé »
Le jour de la Conférence des Mille, il n’y aura pas de débat. Ce jour-là, les participants de La Conférence diront et signeront Les Fondamentaux. La Conférence ne sera pas un débat de deux, trois ou quatre heures au cours duquel les points de vue s’exposeront, s’opposeront, essaieront de s’imposer, à l’issue duquel un vote sera ouvert, dont le verdict de la majorité fera la loi. La déclaration et la signature le jour de La Conférence des Mille seront la conclusion de quatre années (au moins je l’espère) de rencontres, d’entretiens, de réunions pour dégager une majorité de consensus largement élaborée dans la durée. Le Référendum sera la validation institutionnelle du Peuple.
« Les discussions, c’est ultérieurement, aux Etats généraux, alors que mille sujets brûlants préoccupent les citoyens réunionnais », rappelle Laurent-Luc Salvador au sujet de La Conférence des Mille. Il est vrai que, comme citoyens français, et comme d’autres citoyens du monde, « mille sujets brûlants préoccupent les citoyens réunionnais ». Comme tels, sur ces sujets, ils participent aux actions de leurs frères d’ailleurs et bénéficieront des résultats de ces actions. Mais « mille autres sujets » spécifiques aux citoyens réunionnais les brûlent tout autant. Sur ces sujets, ils sont seuls au combat.
« Les sujets brûlants » à ce niveau portent sur le déni de l’existence, de la présence, de la responsabilité collectives des Réunionnais comme Peuple. Dans ce déni du Peuple réunionnais, il faut distinguer ceux qui bénéficient des apparences du faux-semblant et ceux qui sont carrément à la marge.
Le faux-semblant se caractérise par des commandes de rapports qui finissent dans la poussière des archives, par des missions qui sont sans lendemain après les comptes rendus, par des organisations de colloques qui n’ont pas de suite après l’édition des leurs actes. Les assemblées locales et les assemblées consulaires, conformément à la loi, sont consultées sur les projets de décrets et de lois dont l’île est concernée, mais le pouvoir central — exécutif ou législatif — ne tient aucun compte de leurs avis.
Ce faux-semblant, jusqu’ici ne gênait pas trop ceux qui en bénéficiaient et qui les excusaient sous mille prétextes. J’ai, chez moi, plus de deux mètres de dossiers, de rapports, d’ouvrages qui ont tout dit et le contraire de tout sur La Réunion, ses raisons d’espérer et ses raisons de craindre. Mais aujourd’hui, les bénéficiaires du faux-semblant commencent à ne plus supporter cette situation.
Et il y a le sort de ceux qui ne peuvent pas bénéficier du faux-semblant de la considération et de la responsabilité, le sort de ceux qui sont à la marge. S’ils arrivent à produire grâce aux aides ou sans elles, ils sont à la merci d’un prédateur qui n’acceptera pas que leur entreprise puisse crever un certain plafond. Sous couvert de coopération, ils sont les otages de monopoles déguisés. Le développement local est bridé sous le prétexte que l’île n’a pas la surface suffisante. Sénou kifé est un « vœu pieux »
« Trop divisés »
Bénéficiaires du faux-semblant ou exclus du système poussés vers l’assistance, les Réunionnais ne veulent plus être des supplétifs dans « les terribles combats nationaux et mondiaux qu’il va falloir mener bientôt ». Ils veulent être acteurs dans ces combats et dans ceux qui leur sont particuliers. C’est pour cela que l’objet de La Conférence des Mille est aussi brûlant que les sujets des Etats généraux. Les vraies discussions ne sont pas ultérieures à La Conférence des Mille, aux États généraux, mais commencent avec elle.
Nous ne maîtrisons pas le coma circulatoire, le transport en commun, les ressources énergétiques, la production locale, l’export-import, la politique foncière, la formation des hommes et d’autres. Tout cela se fait dans une logique qui n’est pas réunionnaise.
Un à un, les outils de développement que nous possédons nous sont retirés dans le secteur public comme dans le privé. La situation qui n’est pas ressentie par d’autres, est brûlante pour nous.
L’heure est à la réalisation du « Projet ». Le principal obstacle est la conviction que nous avons fini par avoir que nous n’en sommes pas capables parce que, pour toutes sortes de raisons, nous sommes trop divisés (Nou aime pa nou). C’est la Métropole (plus exactement un lobby politico-économique parisien, « la goyave de France ») qui peut nous imposer une discipline en contrepartie de ce qu’elle jugera bon de réaliser pour nous. Nous devons nous sortir de cet enfermement qui n’est d’ailleurs pas conforme aux valeurs annoncées de la République et de la Déclaration des droits de l’Homme de la Constitution. Encore faut-il que notre Peuple dise cela massivement, pacifiquement et légalement : l’objectif du « Projet ».
Pour réaliser « Le Projet », il faudra finaliser les textes (français et créole) des « Fondamentaux » au cours des prochaines réunions locales, des prochaines rencontres, des prochains entretiens prévus. Il faudra produire « les contributions aux Etats généraux » (la parole au Peuple), il faudra constituer « les tables » (neuf personnes autour des faiseurs de tables), il faudra être présent à la prochaine « réunion préparatoire » pour fixer la date et le lieu de La Conférence des Mille ».
C’est clair et précis. En février, une brochure concernant « Le Projet » sera éditée pour faciliter cette préparation.
Paul HOARAU
Chaque contribution publiée sur le média nous semble répondre aux critères élémentaires de respect des personnes et des communautés. Elle reflète l’opinion de son ou ses signataires, pas forcément celle du comité de lecture de Parallèle Sud.