« Les sentiers de tous, les déchets de chacun » : un appel à la responsabilité

LIBRE EXPRESSION

Le Piton des Neiges attire chaque année des milliers de randonneurs venus admirer ses panoramas exceptionnels. Pourtant, derrière cette carte postale idyllique se cache une réalité bien moins reluisante : les déchets de tout genre défigurent nos sentiers les plus remarquables et accessibles. Face à ce constat alarmant, Sébastien Bilocq a décidé d’allier exploit sportif et conscience écologique.

Ce passionné d’ultra trail, connu pour ses participations au Grand Raid, s’est posé un challenge : gravir 60 fois le Piton des Neiges en 2025, cumulant ainsi 100 000 mètres de dénivelé positif tout en ramassant les déchets qu’il trouve sur son chemin.

L’idée de ce projet lui est venue après avoir observé une importante quantité de détritus lors de ses ascensions, notamment au sommet du Piton des Neiges. Ces déchets attirent des souris, qui nourrissent les chats errants, mettant en danger les oiseaux endémiques de l’île. Sébastien insiste sur l’importance de ramener tous les déchets, y compris les épluchures, pour éviter les impacts écologiques.

Cette initiative individuelle soulève une question fondamentale : comment des amoureux de la nature peuvent-ils souiller les paysages mêmes qu’ils viennent admirer ?

Paradis naturel ou dépotoir à ciel ouvert ?

En effet, la magie de cette ascension est pourtant ternie par une réalité désolante : bouteilles de soda abandonnées, emballages plastiques, boîtes de conserve rouillées jalonnent les sentiers les plus fréquentés de l’île. 

L’absence flagrante d’infrastructures adaptées aggrave la situation. Aucune poubelle n’est installée sur le site du Piton des Neiges malgré ses milliers de visiteurs annuels. Sur d’autres sites emblématiques de l’île, les rares poubelles existantes débordent souvent, témoignant d’une gestion défaillante. Cette double responsabilité – celle du randonneur négligent et celle des pouvoirs publics inopérant – conduit à une dégradation progressive de nos espaces naturels les plus précieux, du littoral aux forêts primaires en passant par les remparts vertigineux qui font la fierté de l’île.

Sous les déchets, un patrimoine mondial en sursis

« Les pitons, cirques et remparts de La Réunion » ont été inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO en 2010 sous l’impulsion du géographe réunionnais visionnaire René Robert, une reconnaissance exceptionnelle fondée sur deux critères : la beauté extraordinaire des paysages naturels et l’importance de ces habitats pour la conservation de la biodiversité. Cette distinction attire plus de 500 000 visiteurs chaque année et constitue un moteur économique essentiel pour l’île. Pourtant, cette inscription n’est pas éternelle : l’UNESCO peut retirer ce statut si les conditions de préservation ne sont plus remplies.

Les conséquences d’un tel déclassement seraient catastrophiques pour La Réunion : effondrement de l’attractivité touristique, perte d’emplois directs et indirects, atteinte irréversible à l’image internationale de l’île et surtout, accélération de la dégradation environnementale. Le Parc National des Hauts, qui s’étend sur plus de 105 000 hectares, soit 42% de la superficie de l’île, ne pourrait à lui seul endiguer cette spirale négative sans une véritable prise de conscience collective.

En associant un exploit sportif à une cause environnementale, Sébastien et ses dalons du TRAIL BIKE SUD espèrent mobiliser davantage de personnes autour de la préservation des sentiers. Ils partagent leurs efforts sur les réseaux sociaux et invitent d’autres randonneurs et traileurs à se joindre à eux pour protéger la nature réunionnaise.

Adepte du plogging, cette pratique venue de Suède combinant jogging et ramassage de déchets, Sébastien espère mobiliser davantage de personnes autour de la préservation des sentiers. 

Ainsi si chaque randonneur redescendait avec un sachet rempli de ses propres détritus, nos sentiers retrouveraient rapidement leur splendeur naturelle. Des emplois dédiés à l’entretien des sentiers pourraient également être créés, alliant préservation environnementale et développement économique local.

Imaginez notre île transformée en décharge à ciel ouvert avec forêts endémiques parsemées d’ordures, sentiers défigurés par nos propres négligences, faunes et flores en voie de disparition. Cette vision cauchemardesque deviendra réalité pour nos enfants si nous n’agissons pas maintenant. Comme le rappelle Sébastien avec sagesse : « Les sentiers de tous et les déchets de chacun » appellent à une responsabilité partagée.

 Notre patrimoine naturel exceptionnel mérite mieux qu’une inertie coupable – il mérite notre engagement quotidien et déterminé. En devenant un écocitoyen, nous sommes les meilleurs ambassadeurs de l’île et notre voix porte.

L’écocitoyenneté : témoin et acteur de la préservation de notre patrimoine naturel 

Nous sommes placés au cœur d’un choix crucial : rester dans l’inertie qui caractérise trop souvent notre relation à l’environnement, ou embrasser pleinement notre rôle d’écocitoyen, en devenant ainsi un véritable ambassadeur de votre territoire. Votre perspective, vos actions et votre voix peuvent véritablement faire la différence dans cette lutte pour la préservation de nos écosystèmes.

Au-delà de sa dimension purement écologique, le patrimoine naturel que nous observons façonne profondément l’identité culturelle de votre communauté insulaire. Les traditions locales, l’artisanat, la gastronomie et même les expressions artistiques sont imprégnées par cette relation particulière avec l’environnement. 

Nous sommes garants d’une culture qui s’est développée en symbiose avec son milieu naturel, créant un patrimoine immatériel tout aussi précieux que les écosystèmes eux-mêmes « ti pa, ti pa n’ariv somin Kaf ».

L’inertie collective face aux menaces environnementales

Nous sommes aujourd’hui le témoin d’une situation paradoxale : malgré la reconnaissance quasi-universelle de la valeur de notre patrimoine naturel, l’inaction reste la réponse dominante face aux menaces qui pèsent sur elle. 

Cette inertie collective, que nous observons peut-être avec impuissance ou frustration, n’est pas une simple négligence. Elle constitue ce que l’on peut qualifier justement d' »inertie coupable », une forme de responsabilité partagée dans la dégradation progressive de nos écosystèmes.

Sébastien ne souhaite pas être perçu comme un « éboueur » des sentiers, mais plutôt comme un porteur de solutions. Il propose des idées comme l’installation de poubelles fermées aux points stratégiques des sentiers pour limiter la pollution. Il prévoit également de collaborer avec des associations locales et institutions pour amplifier son message.

Ce projet met en lumière l’importance d’une prise de conscience collective face à la pollution des espaces naturels et souligne le rôle que chacun peut jouer dans leur préservation.

L’écocitoyenneté : notre rôle de témoin engagé

Face à ce constat partagé, nous ne sommes pas condamnés à rester des témoins passifs. Au contraire l’écocitoyenneté vous propose un cadre d’action qui transforme votre statut de simple observateur en celui d’acteur du changement. Devenir écocitoyen, c’est précisément refuser cette « inertie coupable », pour embrasser pleinement votre responsabilité envers le patrimoine naturel dont nous sommes à la fois bénéficiaires et gardien.

Ainsi comme le montrent les initiatives comme celles de Sébastien, l’écocitoyenneté n’est pas une posture théorique ou un engagement abstrait, mais une pratique quotidienne qui s’exprime dans chacun de nos choix. 

Nous devenons les meilleurs « ambassadeurs de l’île » avec une double responsabilité : celle d’agir personnellement en cohérence avec les impératifs de préservation du patrimoine naturel, mais aussi celle de témoigner, de sensibiliser et de mobiliser autour de nous. 

De l’inertie à l’engagement : notre transition vers l’action

La dimension collective de l’engagement représente souvent un puissant facteur de motivation et de persévérance.

 De nombreuses associations partagent nos préoccupations environnementales, et nous pouvons en y adhérant, à la fois obtenir un soutien pratique et un sentiment d’efficacité renforcé.

Par ailleurs, en étant aujourd’hui des écocitoyens, nous établissons un lien de responsabilité tant avec les générations passées qui ont préservé jusqu’à présent ce patrimoine naturel, qu’avec les générations futures qui en hériteront. 

Notre voix au service d’un avenir durable et respectueux

Comme le montre Sébastien notre choix n’est donc pas entre agir ou ne rien faire, mais entre participer activement à la préservation ou consentir tacitement à la détérioration de ce patrimoine naturel qui fait la richesse unique de beauté de notre île.

Alors, sur quel bouton souhaitons-nous appuyer ? Le vert, symbole de l’engagement pour l’environnement, ou le rouge, celui de l’inertie et du laisser-faire ?

Texte : Frédérique Welmant

Photos : Jean-Marie Gunet

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