LIBRE EXPRESSION
Paris-Lille. Belle voiture. Suis seule avec le chauffeur. Il ne fait pas ça pour le fric, même s’il m’a fait payer quand même, mais pour être accompagné. Il est obligé de se rendre à Paris deux fois par semaine en ce moment pour se faire soigner. Au jugé, il a la cinquantaine environ, et un besoin urgent de raconter sa vie, alors autant lui donner la parole tout de suite:
– Je suis patron de PME. Imprimeur. J’ai imprimé des millions de tracts publicitaires du genre de ceux que l’on met dans les boîtes à lettres. Ho j’ai bien gagné ma vie ! J’ai bien pollué la planète aussi… J’étais content de gagner tout cet argent ! J’ai deux maisons, deux voitures… deux filles aussi… enfin deux tout ! Mais maintenant que je pourrais en profiter, pas de bol, je tombe malade…Je paye le mal que j’ai fait à l’environnement, et cher ! Très cher !…Je suis atteint d’une espèce de cancer des os…rare. …Tu sais que nos os se refont constamment ?
– Oui ! C’est grâce à ça qu’un os cassé peut se ressouder.
– Je suis content de ne pas être tombé une fois de plus sur quelqu’un de complètement ignare ! Tu vas comprendre mon histoire, ça me plaît.
– Je vous suis toutes ouïes !
Lui ai-je répondu tout en gardant pour moi le froncement de sourcils que son état des lieux des connaissances d’autrui, assez sommaire pour en être inquiétant, avait suscité.
– Chez moi, la machine à reconstruire les os est tombée en panne. Si je me casse quoi que ce soit, je suis foutu. Et surtout, je n’ai plus le droit d’avoir la moindre carie aux dents. C’est par la mâchoire qu’ils ont commencé, à l’hôpital. Il m’injecte un produit qui solidifie les os de manière définitive. C’est pour ça que je dois faire ce voyage deux fois par semaine à Paris. En fait, tel que tu me vois là, je suis momifié de l’intérieur !
– Ouf ! Euh… pas ouf de soulagement ! Hein ! Mais le ouf d’un coup de poing qu’on se prend dans l’estomac, c’est une expression créole.
Et là, il me parle d’un produit chimique couramment utilisé dans les encres en imprimerie. Il m’en donne le nom technique mais ma mémoire ne l’a pas imprimé.
– Donc je me suis rendu compte que dans ma profession je n’étais pas le seul à présenter les mêmes symptômes, et maintenant en plus de me battre contre ce cancer, je me bas contre l’état pour le faire reconnaître comme maladie professionnelle…
– Vos ouvri…vos collaborateurs aussi ont été atteints ?
– Pas que je sache…ce qui ne veut pas dire qu’ils soient à l’abri !
J’ai oublié de lui demander si lui aussi, il était perché dans un bureau mirador comme c’est de coutume dans les entreprises, car il se peut très bien que des émanations volatiles montent sous le plafond ! Et il se peut très bien aussi qu’elles montent sous le plafond de la planète, participant ainsi au trou dans la couche d’ozone par exemple…tout ça pour bourrer nos boites à lettre de papiers que la plupart d’entre nous foutent à la poubelle en rageant !
Comme dirait le tonton de Boris Vian : » Y a quek chose qui cloche là-d’dans ! » Mais dommage, vraiment dommage pour la forêt amazonienne qui a été coupée pour ça, énormes dommages pour les millions de mètres-cube d’eau qui sont pollués pour ça, qu’il n’y ait eu personne pour retourner immédiatement… y réfléchir !
Gigi
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