« LES JUPES » DE SORAYA THOMAS
Du 8 au 11 mai, Leu Tempo revient. Le fameux festival d’art de rue saint-leusien présente cette année, entre beaucoup d’autres choses, deux nouveautés réunionnaises, deux spectacles en création, l’un de Soraya Thomas et la compagnie Morphose, l’autre de Sergio Grondin. Nous avons rencontré Soraya Thomas qui nous parle de sa pièce Les Jupes.
« La joie et l’insoumission. » Soraya Thomas, danseuse et chorégraphe, aime travailler les « thèmes a priori opposés ». « C’est ma marque de fabrique, dans les corps aussi, j’oppose, je tords », nous dit-elle à une semaine de la première de sa création Les Jupes. Les jupes des hommes, puisque cette fois on va parler de vêtements masculins, de costumes et d’uniformes.
– Soraya Thomas, de quoi parle votre nouvelle pièce ?
– J’ai beaucoup travaillé sur la révolte et l’intime. Là, il s’agit de joie et d’insoumission, que m’a inspirée l’oeuvre du philosophe Clément Rosset. A sa lecture, j’ai entrepris deux projets : Exulte, un documentaire chorégraphique, et Les Jupes, une pièce chorégraphique. J’y évoque les injonctions sociétales posées sur les hommes, de façon légère et paradoxalement intense avec une pointe d’humour. J’ai observé des défilés de mode et des parades militaires, je me suis demandé ce qui peut bien se passer dans les corps et les têtes de ces hommes représentés par leur seul vêtement. Ce n’est plus l’individu qui est mis au centre mais, par l’uniforme, le groupe, c’est la fabrique du modèle.
– Quatre interprètes seront sur scène. Vous les avez choisis en fonction de leur physique ?
– Ce sont quatre interprètes masculins de l’Hexagone choisis en effet pour leur physicalité. Il y a Gwendal Raymond, petit et fin, mi-ange mi-enfant, la douceur incarnée. Adrien Martin’s est au contraire très massif et musculeux qui pourrait être l’archétype de ce que veut la société. Et puis Pierrot Dubosc, très grand et très fin, on dirait un phasme, et enfin Jules Martin qui est dans la polyvalence et qui prend beaucoup d’espace.
– Pourquoi les jupes ?
– Dans d’autres sociétés, et même dans nos sociétés anciennes, les jupes sont un attribut masculin. C’est un pied de nez à ce masculin que l’on veut nous imposer binaire. Personne n’est binaire. Je suis inquiète de voir le masculinisme autant présent en réaction au féminisme comme un retour en arrière. Je suis inquiète qu’aussi peu d’hommes ne prennent en compte le Metoo dans le monde du cinéma. Ce sont des luttes communes aux hommes et aux femmes, ce n’est pas parce qu’on a un corps d’Hercule que l’on n’est pas doux.
– Votre sujet est-il inspiré par l’obligation du port de l’uniforme à l’école, par le bruit de bottes qui se rapproche ?
– Je n’ai pas du tout pensé à ça. C’est un hasard. Mais ce qu’il se passe dans la société, je ne peux y échapper, c’est mon travail. Dans Les Jupes je parle du rapport à l’autorité, de la volonté de contrôle des corps exercée par la société. Est-ce que cette loi va provoquer de l’insoumission ? C’est le sujet, la joie et l’insoumission. La danse est insoumise par définition.
Propos recueillis
par Philippe Nanpon