L’histoire des crânes oubliés s’écoute en podcast

Sous format podcast, l’équipe de Parallèle Sud a décidé de retracer l’histoire de la découverte de l’historienne Klara Boyer Rossol, révélée en mars dernier dans nos colonnes. L’objet de sa découverte est en fait la présence, dans le Musée de l’Homme à Paris, de crânes et bustes moulés d’esclaves malgaches et mozambicains de La Réunion, collectés à l’hôpital de Saint-Denis en 1840.

EXTRAITS DU PODCAST

À l’été 1840, deux voiliers français, l’Astrolabe et la Zélée, font escale à Saint-Denis de La Réunion. Officiellement, ce sont des navires scientifiques. Mais en repartant, dans leurs cales… se trouve autre chose : des crânes et des moulages de bustes prélevés sur des esclaves réunionnais, sans aucun consentement, à l’hôpital de Saint-Denis. Près de deux siècles plus tard, ces restes sont toujours conservés au Musée de l’Homme, à Paris. Cette découverte, nous la devons à Klara Boyer Rossol, historienne et chercheuse internationale.

Je suis Sarah Cortier, et avec Franck Cellier, journaliste d’investigation, nous allons nous replonger dans cette affaire aussi troublante que taboue, révélée par Parallèle Sud en mars 2025.

« Cette histoire commence pour moi à l’écoute d’un podcast sur France Culture, qui parlait de crânes oubliés. De bustes moulés sur des captifs mozambicains récupérés par les Anglais et ramenés à Maurice. Dans le podcast, on découvre qu’on exhume des restes des années 1830 et 1840, et on arrive à une exposition qui retraçait le lien entre ces ancêtres et leurs descendants, cette famille, les Lili, présents à cette exposition », débute Franck Cellier.

Dans quel contexte historique ont été collectés ces crânes ?

« Quand on a découvert cette partie de l’histoire, Loran Hoarau a clairement parlé de chaînon manquant de l’histoire. Donc on est en 1830 et 1840, il y a des explorateurs qui, mandatés par le roi, partent en expédition. C’est le cas du capitaine Dumonville qui part sur la Zélée et l’Astrolabe. Ils vont passer par la Nouvelle-Calédonie, la Kanaky et la Polynésie, de 1837 à 1840, au nom de la science racialiste de l’époque. Le phrénologue Pierre Alexandre Dumoutier fait partie de l’expédition, et lors de l’escale à Bourbon, se précipite à l’hôpital de Saint-Denis pour y collecter des crânes et des bustes, qu’il ramène à Paris… », ajoute le journaliste.

Klara Boyer Rossol raconte les détails de sa découverte : « J’ai relevé cinq crânes et neuf bustes, donc ce n’est pas rien, et uniquement dans ce contexte. Car je me suis aperçue que ces pratiques ont continué, notamment en 1960, où il y a des restes humains, toujours à l’hôpital colonial de Saint-Denis, qui ont été envoyés et mis en collection à Paris. C’est un nouveau chantier de recherche qui s’ouvre, ce sont des collections très sensibles qui concernent tous les Réunionnais·es, et qui sont étroitement liées à la mémoire de l’esclavage. »

La science racialiste de la période de l’esclavage

En 1840, la collecte de ces crânes et bustes au profit de la science racialiste s’inscrit dans la période de l’esclavage. Loran Hoarau, historien, travaille sur les questions de patrimoine et d’identité à La Réunion. Il raconte comment les idées de l’époque – dans la science, la culture ou la religion – ont rendu possibles ces pratiques criminelles et inhumaines.

« Dans les préparations des mécanismes de colonisation, il y a soit un aspect religieux qui précède la démarche, soit un aspect scientifique. Et à ce moment-là, le corps des zomms et des femmes, des dominés, lé vu aussi comme des outils de recherche médicale, ethnographique, anthropologique. Ce mécanisme lé renforcé dans une hiérarchisation des races, dans la théorisation de l’époque », raconte Loran Hoarau.

Derrière cette question de la restitution, il y a un enjeu majeur : celui de compléter les pièces manquantes du puzzle, et de rendre à La Réunion son histoire. Ghislaine Mithra-Bessière a porté la parole du collectif « Rand à nou nout zanzèt », représentant plus de 50 associations. Elle explique à quel point il est important de mettre la lumière sur cette période.

Pour en savoir plus, écoutez sans plus tarder l’intégralité de l’épisode de podcast.

Réalisation: Sarah Cortier et Franck Cellier

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A propos de l'auteur

Sarah Cortier

Issue d’une formation de sciences politiques appliquées à la transition écologique et persuadée que le journalisme est un moyen de créer de nouveaux récits, Sarah a rejoint l'équipe de Parallèle Sud. Elle souhaite participer à ce travail journalistique engagé, et apporter de nouveaux regards sur le monde.

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