[Livres à domicile] Des milliers de livres gratuits

CHRONIQUE

Dans une petite rue de la Ravine des Cabris, une amie artiste a fabriqué une boîte à livres devant sa case. Les boites à livres sont des petites cabines vitrées, ressemblant aux anciennes cabines téléphoniques. On peut aussi les concevoir à partir d’un vieux frigo.

Economique et écologique

A l’intérieur, des étagères où l’on peut mettre les livres qu’on ne veut pas garder, ou au contraire en prendre. C’est gratuit, c’est écologique et l’important pour un auteur étant d’être lu, ça n’embêtera que ceux qui ont fait de la littérature un commerce. 

Mais les marchands ont encore de beaux jours devant eux : ils le savent, ce qui est gratuit est souvent méprisé. On connait la blague du type qui met un vieux lave-linge dehors avant le passage du camion de ramassage des « encombrants ». Peu de gens s’y intéresseront. Mais s’il place le même lave-linge devant chez lui, avec une pancarte « à vendre, 50 euros », la machine sera volée dans la nuit !

Echanges et dons

Le principe de la boîte à livres est basé sur le troc. On pouvait craindre cependant que des gens en profitent pour faire provision de bouquins, sans forcément respecter ce principe. Or c’est souvent le contraire : il est surprenant de constater que les boites à livres ont tendance à se remplir, au lieu de se vider ou de demeurer stables par des échanges. Et ce n’est pas la qualité des auteurs ou l’état des ouvrages qui est en cause : les plus grands écrivains, dans tous les genres littéraires, offerts au public sans contrainte d’achat ni même de prêt, restent parfois sur les étagères sans trouver d’amateurs. 

Les locaux d’Emmaüs, pour ne citer qu’eux, sont ainsi envahis par des milliers de livres apportés par les donateurs !

Pourtant, les boîtes à livres progressent. Encore faut-il les installer dans un environnement adapté ; Leur conception est simple, ne nécessite quasiment pas de financement, et n’importe quel amoureux des livres peut en créer une, à condition d’en informer la mairie. D’ailleurs les parcs publics peuvent constituer d’excellents emplacements, de même que les allées piétonnes, Il faut choisir des lieux de passage relativement sûrs, car si les voleurs de livres sont rares, le vandalisme peut hélas poser problème. 

Evitez aussi d’installer une boite à livres à côté d’une librairie, ou d’une médiathèque, même si ces dernières ont parfois une étagère dans le hall consacrée aux trocs d’ouvrages.

Enfin, se débarrasser de ses vieux bouquins ne signifie pas transformer la boîte en poubelle avec des revues moisies et des dictionnaires bouffés par les termites. 

Harcèlement publicitaire du Net

Si le cadre s’y prête, On peut aussi organiser des rencontres pour petits et grands, autour de la boîte à livres : débats, récital de contes, discussion entre lecteurs. Peut-être faudrait-il rendre ces lieux plus vivants, pour contrer les écrans.

Sommes-nous à ce point bouffés par le scrolling et le harcèlement moral de Discover et autres attrape-gogos de Google ? Ou les pubs imposées par les réseaux sociaux qui nous font perdre du temps pour retrouver les posts de nos vrais amis ?.  Des titres racoleurs du style « vous allez être choqués ! » – suivis d’une dizaine de paragraphes entrecoupés de publicités pour nous annoncer à la toute fin de l’article, que Beyonce a eu un furoncle sur la fesse gauche ou que deux stars minables de télé-réalité se sont fâchées pour une raison futile ?

Surfer dans l’océan peut être dangereux à cause des requins. Les requins du Net ne dévorent que les cerveaux . Et pendant ce temps là, les boîtes à livres voient passer devant elles des centaines de gens, portable à la main, en train de vérifier pourquoi Céline Dion a maigri, ou si Gérard Depardieu a encore grossi. 

 Tous ces échos people bidon  nous éloignent par ailleurs des vrais problèmes du monde. Divertir le peuple, et faire diversion,  tout en l’encourageant à consommer : Deux atouts pour les décideurs de notre société ultra-libérale.

Le papier de Papy fait de la résistance

Il peut donc sembler miraculeux que des milliers de gens continuent à vouloir éditer des livres, raconter leur histoire sur papier, payer même des centaines d’euros pour avoir leur nom sur la couverture d’un bouquin qui ne se vendra le plus souvent qu’à quelques dizaines d’exemplaires. Etonnant aussi que les quotidiens d’ information et les magazines soient encore imprimés, alors que la concurrence du Net est de plus en plus forte. Il est vrai que l’on parle de la disparition des publications sur papier depuis des années, mais qu ‘elles sont toujours là. On ne peut que constater les difficultés du Quotidien, dont certains pensent qu’il n’a pas su prendre le virage numérique. C’est d’ailleurs ce qu’a laissé entendre le repreneur du journal. L’info sur le Net, pourquoi pas ? Sauf exception, le lecteur conserve rarement ses vieux journaux. Et il pourra toujour télécharger, ou même imprimer, les articles qu’il souhaite conserver.

Mais le livre, le roman, l’essai, ne sont pas des articles séparés, le livre forme un tout indissociable.  il devrait donc rester un objet qu’on peut garder toute sa vie…

ou  placer dans une boite à livres, si on ne l’a pas aimé suffisamment. Il pourra toujours être apprécié par d’autres lecteurs… enfin, tant qu’il en reste.

                                                                                 Alain Bled

A propos de l'auteur

Alain Bled | Reporter citoyen

Homme de culture, homme de presse, homme de radio... et écrivain. Amoureux du récit et du commentaire, Alain Bled anime la rubrique « Livres à domicile ».