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[Livres à domicile] Le livre ou internet : qui ment le moins ?

LITTÉRATURE

Depuis que les médias traditionnels sont supplantés par les infos du Net, ils ont tendance à réagir négativement, en accusant les nouveaux moyens d’information de diffuser des fausses nouvelles. Mais le problème se pose aussi pour l’édition littéraire !

Les genres de livres et leur qualité sont très variables, et ceux qui sont mis en avant pour des raisons commerciales ne sont pas forcément les plus aptes à enrichir les connaissances du public de manière relativement objective et nuancée.

Enfermés dans…l’évasion !

On reproche aux réseaux sociaux d’utiliser des algorithmes qui orientent les gens selon leurs goûts, leurs convictions, leurs croyances ou leurs affinités politiques. Mais le même réflexe moutonnier pourra se retrouver dans les choix effectués en librairie. La publicité autour d’un livre primé, ou écrit par une star de cinéma ou un prince anglais, multipliera les ventes, et la loi de l’offre et de la demande poussera le libraire à mettre en avant ces best-sellers. Quant aux animateurs de télé et journalistes, ils inviteront leurs auteurs afin de faire de l’audimat. Cet effet boule de neige de la notoriété vire parfois à l’absurde, transformant en vedettes des stars de la télé-réalité à peine sorties de l’adolescence qui racontent leurs mémoires, ou encore, l’épouse d’un supposé assassin expliquant sur des centaines de pages que son mari n’est pas mort et qu’il travaille pour la CIA.

Un ami écrivain m’a raconté cette anecdote vécue un jour au salon du Livre de Paris. Alors que c’était assez calme devant le stand de la Réunion, un grand mouvement de foule se produisit soudain. Attentat ? Incendie ? Non, c’était juste Nabilla qui venait d’arriver, pour dédicacer quelques mètres plus loin.

Alors, bon pour le cerveau le livre ? Comme pour Internet, vous croyez faire le choix, mais vous êtes parfois orientés, à votre insu, vers la facilité et la distraction. Et en ces périodes anxiogènes -mais au fait, qui les rend si anxiogènes?- le public préfère le feel good, le développement personnel et la new romance.

Le lecteur éprouve donc le besoin de s’évader d’une réalité rendue effrayante par la multiplication d’informations pessimistes.

Fast-food littéraire

Mais ceux qui veulent réfléchir aux problèmes du monde sont-ils mieux lotis ? Eux ne seront pas endormis par des romans à l’eau de rose, mais par de nouveaux gourous encore plus destructeurs, dont les ouvrages ont un but politique plus ou moins inavoué, ou tout simplement écrit parce que le scandale fait vendre, et que le but de leurs auteurs est de gagner un maximum d’argent. Nous avons évoqué dans une précédente chronique tous ces tutoriels d’écriture que l’on trouve sur You Tube, et qui rapportent surtout à leurs créateurs. Ils encouragent souvent au nivellement par le bas, en encourageant les jeunes auteurs à produire du fast-food littéraire.

Donc, si on accuse Internet de diffuser tout et n’importe quoi, on peut dire la même chose des livres, surtout à présent que n’importe qui peut éditer et diffuser gratuitement ce qu’il veut. C’est un grand pas pour la liberté d’expression, soit, mais aussi un petit pas en arrière pour la qualité littéraire et informative.

Dites-moi ce que je veux entendre

Le public étant caressé dans le sens du poil, il réfléchit moins et son analyse des faits est biaisée par une masse d’infos dont il ne conserve que ce qui l’arrange. L’auteur d’un livre est tout aussi influencé par ses propres convictions de base. Il ne va pas chercher en priorité les éléments qui pourraient le contredire. D’où les excès de paranoïa depuis quelques années, en particulier depuis le 11 septembre 2001 jusqu’à la crise sanitaire, en passant par les attentats, les gilets jaunes et autres événements qui ont été exacerbés par une masse énorme d’informations, vérifiées ou non. Lanceurs d’alerte ou complotistes ? Le langage lui-même a changé. D’où ce rapprochement qu’on a pu faire avec les grands romans de science-fiction. Car les livres d’Asimov, d’Orwell ou de Philip K. Dick semblent à présent plus proches de la réalité que les prédictions de certains de nos philosophes médiatiques.

Des livres pour réfléchir

Pour illustrer cet article, j’ai pris une photo de quelques livres qui ont suscité la polémique, ou la provoquent encore. Les sujets en sont forts différents, mais je trouve qu’on est moins idiot après les avoir lus. Attention : ça ne veut pas dire qu’on doit être d’accord avec toutes les affirmations de leurs auteurs, mais chaque ouvrage suscite la reflexion.

D’abord, avant de vous bagarrer dans les repas de famille ou avec vos « amis » Facebook, quelques livres sur la géopolitique mondiale pourront vous éviter des conflits personnels. Puis vous reprendrez quelques classiques, d’ici et d’ailleurs. J’ai ajouté Anne Cheynet car à l’époque, il n’était pas bien vu de critiquer l’aspect colonial des départements d’outremer. Les temps changent.

Michel Onfray fait polémique, les uns adorent, les autres détestent, il est considéré comme un traître à la gauche depuis qu’il est souverainiste, mais que reste-t-il de la gauche, répondront ses partisans. On retrouve côte à côte Jean-Michel Jacquemin-Raffestin, classé complotiste par la plupart des médias, donc censuré, et un ouvrage sur les fake news qui analyse de nombreuses théories plus ou moins fumeuses. Mais ce qui est amusant, c’est que l’un comme l’autre prétendent détenir les sources de tout ce qu’ils affirment !

Je me garderai bien de trancher, d’autant qu’il va être de plus en plus compliqué de distinguer le vrai du faux, avec les progrès des trucages photo, de l’intelligence artificielle, et des millions d’informations, de sites, et de livres dont on abreuve un public qui a soif de connaissances, mais surtout de divertissement. Alors lisez, lisez plus que jamais, mais pas forcément ce qui colle avec vos idées ou vos croyances.

Il faut sortir de sa zone de confort pour ne pas s’endormir.

Alain Bled

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Internet ou le livre

Texte autour de la question de l’Internet et du livre à l’heure où Internet prend une place toujours importante dans nos vie.

A propos de l'auteur

Alain Bled | Reporter citoyen

Homme de culture, homme de presse, homme de radio... et écrivain. Amoureux du récit et du commentaire, Alain Bled anime la rubrique « Livres à domicile ».