Loi Duplomb, une victoire amère

Le Conseil constitutionnel a rendu son verdict ce jeudi 7 août sur la très controversée loi Duplomb. Résultat, une victoire partielle pour les défenseurs de l’environnement, et un feu vert maintenu pour plusieurs mesures phares de l’agro-industrie alors que la pétition demandant son retrait a dépassé les 2 millions de signataires.

Les néonicotinoïdes, c’est non…

C’est sur l’article 2 que la censure est la plus forte. Il prévoyait de réintroduire, par dérogation, des pesticides de la famille des néonicotinoïdes, dont l’acétamipride, pourtant interdits en France. Aucun encadrement strict, ni sur la durée de la dérogation, ni sur les cultures concernées, ni sur les limites d’usage. Pour le Conseil constitutionnel, cette absence de garde-fous portait directement atteinte au droit constitutionnel à un environnement sain, garanti par la Charte de l’environnement. Alors que le texte ouvrait la porte à un retour en arrière écologique majeur, cette porte vient d’être refermée.

…et des cavaliers législatifs éjectés

Certaines dispositions ajoutées au fil des débats sans lien direct avec l’objet initial du texte, qualifiées de « cavaliers législatifs » ont été supprimés. Parmi elles, des mesures relatives à la répression des infractions environnementales, mais insérées au mauvais endroit. Le Conseil a également censuré d’autres parties du texte de loi pour non-conformité à la Constitution et à la Charte de l’environnement.

Pour Générations Futures, cette censure montre que « le Conseil constitutionnel a aujourd’hui joué un rôle décisif dans la protection de la santé et de l’environnement », rappelant « ce que des milliers de chercheurs, scientifiques et médecins, ainsi que nos associations affirment ». France Nature Environnement parle même d’« excellente nouvelle et grande avancée », car le Conseil « exclut définitivement le retour de l’usage des néonicotinoïdes en France ».

L’agro-industrie préservée

Mais pour les associations écologistes, la satisfaction est limitée. Car d’autres dispositions très critiquées restent dans la loi comme les procédures allégées pour les grands projets agricoles et la construction d’ouvrages de stockage d’eau, les « mégabassines » à usage agricole.
Le Conseil constitutionnel se limite à exiger que les recours juridiques restent possibles. Autrement dit, le champ est libre pour continuer à artificialiser des hectares de terres et privatiser l’eau, à condition que les opposants aient les moyens et le temps d’aller déposer des recours.

Pourtant, dans le camp agricole favorable à la loi, la pilule passe mal. Jérôme Despey (FNSEA) dénonce : « C’est inacceptable que le Conseil constitutionnel continue à permettre des surtranspositions du droit européen ». La Confédération paysanne, opposante à la loi, salue une « victoire d’étape » tout en appelant à « continuer de mettre la pression pour obtenir une réorientation des politiques agricoles […] Les articles restants annoncent la fin d’une agriculture indépendante, familiale et transmissible ».

Les écologistes non plus ne sont pas totalement satisfaits. Marine Tondelier (Secrétaire nationale d’EELV) reconnaît : « On n’a pas le cœur à crier victoire. Il faut continuer à maintenir la pression de toutes les manières possibles. » Pour Olivier Faure (Premier secrétaire du PS), au contraire, c’est « une victoire pour l’écologie. Une victoire pour la santé. Une victoire pour la démocratie » face à « une loi qui niait la réalité scientifique ». De son côté, Manuel Bompard (Coordinateur LFI) insiste : « La mobilisation doit se poursuivre jusqu’au retrait de la loi et à la censure d’un gouvernement plus que jamais dangereux pour l’environnement et la santé. »

En donnant satisfaction sur la prolongation de l’interdiction des néonicotinoïdes tout en laissant des dispositions favorables à l’agro-industrie, le Conseil constitutionnel a peut-être souhaité calmer l’opinion publique tout en préservant le modèle intensif à l’œuvre. Ce numéro d’équilibriste ne peut tromper personne, ni d’un côté, ni de l’autre. Il conviendrait que l’avenir de notre agriculture soit débattue au sein de l’Assemblée nationale et que les élus prennent leur responsabilité.

Jean Fauconnet

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A propos de l'auteur

Jean Fauconnet

Journaliste. Engagé depuis de nombreuses années pour le respect des droits, Jean contribue au média Parallèle Sud de diverses façons.

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