Lorraine Nativel interviewé par Sarah Cortier et Franck Cellier

Lorraine Nativel veut remettre l’humain au centre pour contrer les zigzags de gauche à droite

2e vice-présidente de la Région, Lorraine Nativel a annoncé ce 14 septembre 2025 sa candidature à l’élection municipale de Petite-Ile sous la bannière du PLR (Pour La Réunion) avec le soutien du Progrès de Patrick Lebreton et Emeline K/Bidi ainsi que d’Elie Hoarau du Parti communiste réunionnais.

Vidéo : Etienne Satre
Vidéo : Etienne Satre

Lorraine Nativel sort d’une certaine discrétion en se présentant pour la première fois en tête de liste à l’élection municipale de Petite-Ile. Elle y affrontera, entre autres candidats, le maire sortant Serge Hoareau, passé du centre-gauche au centre-droit lors de ses deux mandats depuis 2014.

2014, c’est d’ailleurs l’année qui voit Lorraine Nativel faire ses premiers pas politiques, également aux municipales, mais dans une autre ville, Saint-Louis, sur la liste de Jean Piot, issu du PCR. Communiste, Lorraine Nativel ? « Je me reconnais totalement en femme de gauche, je porte totalement ces valeurs de gauche », répond-elle.

Elle portera évidemment les couleurs du PLR (Pour La Réunion) d’Huguette Bello, dont elle se dit « une amie fidèle ». Elle pourra compter sur le soutien du Progrès de Patrick Lebreton et Emeline K/Bidi ainsi que d’Élie Hoarau du Parti communiste réunionnais.

Lorraine Nativel interviewé par Sarah Cortier et Franck Cellier

En amour devant Petite-Ile

Mais revenons aux origines de son engagement. Il remonte à l’enfance, dans son village de Bellevue (Hauts de Saint-Louis). Très tôt, elle s’est investie auprès des autres enfants et au catéchisme, suivant l’exemple de sa mère qui savait lire et écrivait pour les familles du village.

« Il n’y avait pas d’électricité, mais une entraide formidable. Se tourner vers les autres, s’occuper des autres, c’était naturel. »

Pourquoi avoir choisi Petite-Ile ? C’est le fruit d’un déménagement : « On est tombé en amour devant Petite-Île, le territoire, la population, la gentillesse de la population… » Elle y vit depuis six ans et cherchait « une petite commune » qui lui ressemble.

Lors de la campagne des régionales de 2021, elle a sillonné les rues et chemins de sa commune d’adoption et n’a jamais cessé son engagement. « Un engagement ne peut pas se réduire à un mandat. Les municipales se profilant, les Petite-Iloises et Petite-Ilois que j’ai accompagnés dans leurs difficultés m’ont demandé de conduire la liste et j’ai accepté. »

L’humain au centre

Il y aura vraisemblablement plusieurs listes « de gauche » au premier tour, histoire de ratisser large. « Aujourd’hui, nous avons deux plateformes mais je ne pense pas que ce soit définitif… la gauche va devoir se rapprocher. » La candidate déclarée compte sur un rassemblement au second tour (s’il y en a un). Avec comme priorité : « remettre l’humain au centre de notre action politique ».

Lorraine Nativel interviewé par Sarah Cortier et Franck Cellier
« La commune s’essouffle. La commune s’endort. »
Lorraine Nativel interviewé par Sarah Cortier et Franck Cellier
« Peut-on encore faire confiance aux politiques. « 

Sévère sur le bilan du maire sortant, elle lance : « La commune s’essouffle. La commune s’endort. Où sont les projets structurants pour les jeunes, les familles, les entreprises artisanales, les entreprises agricoles… ? » Elle critique l’indigence du réseau de transports : « Pour les familles de Manapany-les-Bas, c’est plus simple d’aller à Saint-Joseph que de venir à Petite-Île. »

À propos du projet d’aménagement du bassin de Grand-Anse, elle estime : « Le bassin de Grand-Anse fait intégralement partie de notre patrimoine. Il doit être préservé. Je suis pour la construction d’une piscine… mais elle ne doit pas être construite à Grand-Anse parce qu’on sait pertinemment qu’on va détruire notre biodiversité. »

Pollution et dialogue

Terre agricole, Petite-Ile est aussi un territoire pollué, non seulement sur le terrain de l’ancienne distillerie de la Caheb, mais aussi dans les eaux de surface où une étude du Cirad a relevé une« pollution chronique aux pesticides ». Fille d’agriculteur, Lorraine Nativel assume une approche de dialogue avec le monde agricole : « Je ne suis pas pour l’interdiction totale. Je suis pour le dialogue… comment est-ce qu’on change nos habitudes pour préserver notre terre. Et posons-nous la question de savoir comment sont produits les fruits et légumes qu’on importe à La Réunion. »

Lorraine Nativel interviewé par Sarah Cortier et Franck Cellier
« Le chantier de la nouvelle route du littoral a pris du retard… c’est notre plus grand regret. »

Elargissant le regard sur l’ensemble de La Réunion, Lorraine Nativel dresse un bilan forcément positif de la majorité régionale dont elle fait partie : « Aller à Paris et signer les accords de Matignon 3 pour pouvoir poursuivre cette nouvelle route du littoral, je pense que c’est un défi qu’Huguette Bello a réussi. » « La formation professionnelle se porte bien… 13 000 places en formation. » « La cantine à 1 euro… l’ordinateur… l’éducation et la formation sont des priorités régionales. »

Il faut insister pour qu’elle relève un « point négatif » : « Le chantier de la nouvelle route du littoral a pris du retard… c’est notre plus grand regret. »

Ne plus dire « illettré »

Elle est plus critique sur le Département qu’elle dit « en recul sur bien des dossiers de sa compétence. » « C’est fort dommage… le conseil départemental devrait être au rendez-vous de ces familles qui ont de plus en plus de difficultés. » Elle est aussi critique vis-à-vis du désengagement de l’État dans le soutien de l’éducation populaire. « L’État a une part de responsabilité… Mais il ne faut pas tout attendre de l’État, c’est à nous aussi de prendre notre destin en main. »

Dans son domaine de la lutte contre l’illettrisme, qu’elle préfère appeler « maîtrise des savoirs de base » pour éviter toute stigmatisation, elle ne peut que constater que l’armée, à travers le RSMA (Régiment du service militaire adapté), est devenue la première actrice de ce chantier.

« Mon père ne savait ni lire ni écrire. C’est nous qui lui avons appris à signer son nom. »

Lorraine Nativel interviewé par Sarah Cortier et Franck Cellier
« Les personnes ont du mal lorsqu’on leur dit qu’elles sont illettrées… Je préfère parler de maîtrise des savoirs de base. »

« Les personnes ont du mal lorsqu’on leur dit qu’elles sont illettrées… Je préfère parler de maîtrise des savoirs de base. » A la Région, elle a acté la fin du dispositif des « Cases à lire » de l’ancienne majorité. « Les Cases à lire étaient peu fréquentées et il n’y avait pas d’évaluation. » Selon elle, on aurait fait miroiter des solutions aux bénéficiaires sans leur permettre de progresser vraiment. « On a lancé le plan régional pour la maîtrise des compétences clés et on a expérimenté un dispositif plus global qui s’appelle Lespass Clés. »

Retrouver le chemin du dialogue

Quant à s’attaquer aux racines du mal, à la précarité sociale, elle veut « remettre l’humain au centre de son action politique ». À Petite-Ile si elle remporte l’élection mais aussi au niveau national. C’est pour cela qu’elle a manifesté le 10 septembre à Saint-Pierre et dénonce la suppression de jours fériés, l’atteinte à l’ALD et le durcissement de l’assurance-chômage : « On va aboutir à une assurance maladie à deux vitesses. » « C’est s’attaquer aux plus petits, aux familles les plus nécessiteuses. »

Déjà sur le terrain, elle a pu rencontrer ces familles déclassées et entendre pourquoi nombre d’entre elles sont allées vers un vote d’extrême-droite lors des derniers scrutins. « Ces personnes m’ont dit qu’on a des des élus qui font un peu le zigzag. Elles n’ont plus de repères. Donc nous, personnalités politiques, nous avons aussi notre part de responsabilité. Il faut que l’on retrouve le chemin du dialogue avec notre population, avec nos électeurs. »

Entretien : Sarah Cortier et Franck Cellier

Photos et vidéos : Etienne Satre

8 vues

A propos de l'auteur

Franck Cellier

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.

Ajouter un commentaire

⚠︎ Cet espace d'échange mis à disposition de nos lectrices et lecteurs ne reflète pas l'avis du média mais ceux des commentateurs. Les commentaires doivent être respectueux des individus et de la loi. Tout commentaire ne respectant pas ceux-ci ne sera pas publié. Consultez nos conditions générales d'utilisation. Vous souhaitez signaler un commentaire abusif, cliquez ici.

Articles suggérés

Parallèle Sud Bêta 1

GRATUIT
VOIR