EPISODE 42 – HISTOIRE DE MAFATE LES EAUX
« C’est quand même le travail de beaucoup d’années, le travail de… » Le sociologue Arnold Jaccoud sourit sans finir sa phrase. Mais c’est bien « le travail d’une vie » qu’il partage avec les lecteurs de Parallèle Sud. Dans le 42e épisode, il parle de la première expédition à la recherche des eaux perdues .
L’histoire des eaux de Mafate ne s’est pas achevée avec la disparition du village. Jacques Lougnon, in Les eaux de Mafate (Le Journal de l’Ile de la Réunion – 16 septembre 1972) mentionne les travaux entrepris en 1927 par les Travaux Publics qui évaluèrent la source sulfureuse à 6 m au-dessous du nouveau niveau d’écoulement de la rivière… La situation fut jugée irréparable. Deux expéditions ultérieures ont été néanmoins menées en 1944 et 1960, à la recherche des « eaux perdues », à l’initiative du Garde général des Eaux et Forêts. En 1972 même, l’Ingénieur des Mines envisage une galerie souterraine pour atteindre les eaux sulfureuses.
L’expédition de 1944, lancée par le Service des Eaux & Forêts
À défaut de songer à restaurer les anciens thermes, les forestiers sont chargés de repérer plus haut d’éventuelles sources sulfureuses similaires. On va chercher du côté du Bras de Rémy…
Dans ses recherches, le garde forestier Pierre Rivière dit avoir repéré deux sources.
Selon le second extrait rédigé par le chef de poste Gerbith, on peut juger de l’instabilité du terrain. Tout a changé depuis mars 44 et le cyclone d’avril. Après avoir décrit les accès possibles, plutôt périlleux, aux sources indiquées sur les données fournies par le garde Rivière, le chef Gerbith ne retrouve pas vraiment la situation décrite par son subordonné. Il estime notamment que la seconde source, la plus importante, a tout simplement disparu.
On observera au passage la mention du nom de Nolas Brennus, qui apparemment habitait Trois Roches en 1944. Son signalement relatif à des sources proches de chez lui semble tout à fait inexploitable par les forestiers.
La première expédition d’avril 1960
Les recherches de 1944 n’ont produit aucun résultat. 15 ans après une nouvelle reconnaissance des sources thermales est impulsée à l’initiative de la préfecture. Elle est réalisée par la compagnie de gendarmerie de Saint-Denis. Mais accompagnant les gendarmes, on retrouve le guide porteur déjà connu, Marcel Thiburce, le fameux Marcellin de Grand Place, âgé à l’époque d’environ 45 ans, « cantonnier des Ponts et Chaussées et qui deviendra l’aubergiste et l’homme à tout faire de Grand Place ». Le document suivant n’est qu’une copie..
Il n’est guère utile de paraphraser le rapport du capitaine Rousset. L’éloquence administrative suffit à saisir les dimensions des multiples difficultés auxquelles son équipe doit faire face durant ses trois jours d’exploration. Voies d’accès impraticables, équipement et entraînement de montagne à revoir, matériel radio à peine efficace, calcul du temps insuffisant… rien ne semble avoir été épargné à cette équipe courageuse.
On peut se référer au croquis présenté ci-dessous : La source A n’est pas exploitable du fait de la configuration des lieux. Quant à la source B, son débit insignifiant de 5 litres à la minute laisse également un doute quant à sa rentabilité.
La seconde expédition d’octobre 1960
Encouragé, même modérément, par le rapport du capitaine de gendarmerie Rousset, le préfet Jean Perreau-Pradier, engage à fin juin le conservateur des Eaux & Forêts, Lucien Huriaux, à relancer néanmoins l’examen de la possibilité d’un captage, dans l’hypothèse d’une restauration des Thermes mafatais. C’est l’ingénieur des travaux Fontaine qui sera chargé en définitive de la seconde mission d’exploration de 1960. Il est accompagné du subdivisionnaire responsable des Ponts & Chaussées de Saint-Paul.
Son rapport dissuasif signera pour cette année là en tout cas la fin de l’espoir d’une restauration des cures thermales de Mafate…
Les eaux de Mafate se méritaient. Il fallait vraiment en avoir besoin ou envie pour y parvenir.
« On s’y rendait pour y soigner toutes sortes d’affections : les problèmes dermatologiques, l’herpès, l’arthrite psoriasique, l’eczéma, l’asthme, la bronchite et la laryngite chroniques, l’hypertrophie ganglionnaire, même la tuberculose et le paludisme. Et évidemment les rhumatismes… »
On a beau savoir que « la difficulté du trajet rebutait les baigneurs et que les thermes de Mafate n’ont pas connu le succès de ceux des deux autres cirques. » Curieusement l’autorité publique n’a pas vraiment renoncé à leur restauration. Ainsi, Jacques Lougnon dans sa chronique publiée dans le JIR du 16 septembre 1972, déjà mentionnée plus haut, expose que « lors de la dernière session du Conseil Général, cette question a été reprise et que M. l’Ingénieur des Mines envisage une galerie souterraine pour atteindre les eaux sulfureuses. » Une Commission Départementale a même été désignée afin de se rendre sous peu sur les lieux.
Je n’ai pour ma part repéré aucune évocation postérieure à cette ultime éventualité…
Arnold Jaccoud