LE REGARD DE CHAKILA
Autrefois, l’accueil des ministres à Mayotte était une cérémonie haute en couleurs. Colliers de fleurs, danses traditionnelles, rythmes envoûtants du mbiwi, les associations locales se mobilisaient pour offrir une réception chaleureuse et folklorique. Chaque visite officielle était un événement, un moment de fierté pour les habitants qui se rassemblaient nombreux pour accueillir les représentants de l’État. Mais aujourd’hui, trois mois et demi après le passage du cyclone Chido, la réalité est bien différente. L’accueil des ministres à Mayotte, c’est maintenant une tout autre image.
Nous voyons le ministre d’État chargé des Outre-mer, Manuel Valls, arriver à Mayotte en ce mardi 8 avril 2025. Son débarquement ne se fait pas au quai officiel, mais au quai où débarquent les pêcheurs de Mayotte, en plein cœur du chef-lieu, Mamoudzou. Une scène répétée inlassablement : Manuel Valls pose le pied sur le sol mahorais, descend du bateau de la gendarmerie, entouré de ses officiels, mais personne ne l’attend.
Aucun accueil. Aucun Mahorais présent. Pas de journalistes. Seuls le silence et la désolation.
Le ministre monte dans sa voiture, esquisse un geste de la main en guise de salut, mais sur la place de la République, pas un seul résident pour le recevoir. Une image forte qui tranche avec le passé. Mayotte est toujours dévastée, les épaves de bateaux jonchent encore le quai de Mamoudzou, témoignage cruel d’une reconstruction qui tarde.
Le visage de Manuel Valls ne cache pas sa désillusion. Lui qui connaissait l’accueil chaleureux des Mahorais, il fait aujourd’hui face à un silence pesant, un vide qui en dit long sur l’état d’esprit des habitants. Trois mois et demi après Chido, Mayotte semble laissée pour compte.
Pendant ce temps, le collectif des Intérêts de Mayotte 2018 bloque la préfecture. Aucun rendez-vous demandé. Pour eux, le message est clair : « C’est au ministre de venir nous voir, nous sommes là. Nous n’avons plus besoin de demander à le rencontrer. »
Cette action symbolique illustre un profond malaise : une perte de confiance totale envers les promesses des ministres français. Une fracture qui, aujourd’hui, semble irréversible.
Cette image inédite de l’arrivée du ministre Manuel Valls — il arrive au ponton des pêcheurs, au lieu du quai officiel ravagé par Chido — est un symbole fort de l’état actuel de l’île : infrastructures détruites, promesses non tenues, et une population qui attend toujours des solutions concrètes.
Son quatrième retour à Mayotte laisse planer une question légitime : au-delà des visites et des discours, quelles actions réelles seront mises en œuvre pour accélérer la reconstruction et répondre aux urgences locales ? Trois mois et demi après Chido, le paysage est encore marqué par des débris, des épaves de bateaux et des stigmates d’un désastre que l’on semble avoir laissé s’installer dans la durée.
Que peut-on attendre de cette visite ? Des annonces politiques ? Une prise de conscience tardive ? Ou de véritables engagements avec des moyens à la hauteur des défis ? La population mahoraise, confrontée à cette réalité, jugera sur les actes bien plus que sur les paroles.
Chakila Yssouf
(Contribution bénévole)
Photo : Mayotte Hebdo
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