25e jour de grève de la faim de Moane Rosello : « Dans tous les cas, c’est un état de mort »

Cela fait 25 jours que Moane Rosello se prive de nourriture. Séparée de sa fille de 13 ans, elle lutte chaque jour pour obtenir l’autorisation de rentrer en Inde pour la retrouver. Au micro de Parallèle Sud, elle raconte son quotidien de privation et l’incompréhension qui la pèse, face au blocage administratif des autorités indiennes.

Depuis le 3 août 2025, Moane Rosello est en grève de la faim. Cette privation est pour elle le seul moyen d’extérioriser et de faire savoir toute la douleur qu’elle porte depuis qu’elle attend, inlassablement, de retrouver sa fille. Cela fait plus de deux ans qu’elle est séparée de l’adolescente de 13 ans, restée en Inde. Moane Rosello était revenue à La Réunion pour trois mois, en 2023, le temps de régulariser sa situation et demander une carte OCI (Overseas Citizen of India). Sans raisons objectives communiquées, sa demande est, depuis novembre de la même année, restée bloquée. Une nouvelle fois, elle a accepté de répondre publiquement à Parallèle Sud et de diffuser un nouveau cri de douleur.

Pour cet entretien, Moane souhaite me prévenir : elle sera plus lente que d’habitude dans ses réponses et s’en excuse. Nous en sommes à son 25e jour de grève de la faim. Depuis le premier jour, le 3 août dernier, certain·e·s lui ont rendu visite à la Kaz Kabar, où elle réside pour cette grève. En ligne, elle reçoit de nombreux messages mais ne peut y prêter attention, dans son état. « Mes amis gèrent mes réseaux sociaux, ils répondent aux messages et ont créé un compte de soutien. Je ne peux plus lire les messages car ça me fatigue trop. » Ce compte Instagram, @soutienpourmoane, diffuse des vidéos de soutien de la part de ses proches et de personnes ayant croisé sa route, toutes indignées de l’injustice administrative dont elle fait l’objet.

Moane Rosello, lors de son 24 ème jour de grève de la faim, à la Kazkabar.

Pendant qu’elle vit au ralenti, ses soutiens s’activent

C’est la fatigue dont elle me parle surtout, et qui s’est accrue depuis ces quatre derniers jours. Pourtant, la détermination reste la même, tellement la peine et la souffrance sont grandes pour Moane Rosello. « De toute façon, je vais vous dire une chose : dans tous les cas, c’est un état de mort. Le fait que je reste bloquée pour des raisons non données, c’est dans tous les cas une violence. Donc l’un dans l’autre. » Elle en est persuadée : derrière l’injustice de ce blocage mystérieux, des personnes lui en veulent. « Ce que je ressens surtout, je vous le dis comme je le pense, c’est que beaucoup attendent ma mort. Beaucoup ont les moyens de débloquer ce problème mais ne le font pas. »

Parmi les personnes qui, à l’inverse, lui ont adressé un soutien public, il y a la chanteuse et comédienne Nicole Dambreville, les associations EPA (Écoute-moi, Protège-moi, Aide-moi) et le Cevif ainsi que Danyèl Waro. Le député Perceval Gaillard a, pour sa part, envoyé un courrier à Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères et de l’Europe, pour tenter d’attirer l’attention politique sur cette situation. Suzelle Boucher, première adjointe à la mairie de Saint-Paul, s’est jointe au mouvement de soutien, tandis qu’Isabelle Kichenin, auteure, a depuis le début soutenu la gréviste. Nicolas Puhulen, de l’association Mon P’tit Loup, et Guillaume Lapta, champion de Siam de La Réunion, soutiennent aussi grandement le cas de Moane Rosello, ce dernier étant notamment à l’origine d’une pétition diffusée sur Internet. La présidente de Région Huguette Bello est venue à son chevet au nom de l’Union des femmes réunionnaises (UFR).

Lien vers la pétition de soutien à Moane Rosello

Lorsque je lui demande à quoi ressemble son quotidien, elle me répond : « Eh bien je dors beaucoup, je m’hydrate, j’ai des prises de constante. » Un quotidien fait d’attente donc, et d’appels avec sa fille, avec qui elle communique depuis des milliers de kilomètres. « Je l’appelle tous les jours, c’est la seule chose que je fais. Je gère l’école, ses équipes médicales, etc. C’est notre amour infaillible mais aussi la force de ma fille de 13 ans qui me donnent la force de continuer. »

L’entretien se conclut par une question : « Qu’est-ce que vous comptez faire, si rien ne change ? » Elle me répond avec certitude : « Ça changera. » Une affirmation qui témoigne de la solidité de ses motivations à se priver de nourriture, jour après jour.

Le député Frédéric Maillot a aussi apporté son soutien à Moane Rosello, en envoyant une lettre au Consul général de l’Inde à La Réunion. Celui-ci lui aurait répondu que le blocage venait en effet de l’Inde et que la justification résiderait dans le fait que Moane Rosello manquait d’un justificatif administratif à sa présence dans le pays depuis trois ans. De fait, elle aurait été considérée comme en présence irrégulière sur le territoire. Pour autant, le député compte continuer d’interpeller ses interlocuteurs indiens. « Moi, je vais pas m’arrêter là. Je suis vice-président du groupe France Amitié France-Inde, donc dès la reprise, je vais essayer de décanter ça. »

Le député Frédéric Maillot
Lettre de Frédéric Maillot au Consul de l’Inde à la Réunion

« On ne sait pas où est le nœud. »

Le député ajoute : « C’est très compliqué comme situation. Il n’y a rien qui justifie qu’on ne laisse pas quelqu’un aller en Inde, il n’y a pas de guerre diplomatique entre la France et l’Inde. On ne comprend pas que ce soit si singulier comme décision. » Le problème, ajoute Frédéric Maillot, est de ne pas savoir où ça coince. « On ne sait pas où est le nœud. Ça n’est sûrement pas chez nous, c’est plutôt du côté des affaires ministérielles indiennes, mais on n’a pas tellement de liens avec l’Inde, contrairement aux Mauriciens, par exemple. »

En attendant, Moane continue son combat. À l’heure de publication de cet article, elle en est à son 25e jour de grève de la faim. Épuisée mais déterminée à trouver des réponses, chaque jour est une nouvelle bataille.

Sarah Cortier

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A propos de l'auteur

Sarah Cortier

Issue d’une formation de sciences politiques appliquées à la transition écologique et persuadée que le journalisme est un moyen de créer de nouveaux récits, Sarah a rejoint l'équipe de Parallèle Sud. Elle souhaite participer à ce travail journalistique engagé, et apporter de nouveaux regards sur le monde.

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