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Mobilité à La Réunion : « l’Ademe accompagne les collectivités dans la construction de leur politique cyclable »

Acteur au centre de la réflexion sur la transition écologique au niveau national et local, l’Ademe aide également au financement de nombreux projets en donnant la priorité à l’innovation. Sur la question du vélo à La Réunion, l’Ademe Réunion a notamment encouragé le développement de l’application Géovélo et du travail intercommunale sur les politiques cyclables. Sophie Pouthier, responsable du volet mobilité pour l’antenne régionale répond à nos questions.

Pour commencer, pouvez-vous présenter votre rôle et l’action de l’ADEME sur la question du vélo à La Réunion ?

L’Ademe accompagne depuis plusieurs années la montée en compétence des collectivités sur le sujet du vélo. Nous sommes notamment porteurs de programmes financés grâce aux Certificats d’Économie d’Énergie (CEE) et aux fonds verts, ce qui nous permet de mettre en place des actions très concrètes : études, diagnostics, expérimentations, financements de postes.
Le programme Avélo, décliné en Avélo 1, 2 et 3, a été l’un de nos principaux leviers. Grâce à lui, nous accompagnons depuis 7 ou 8 ans les collectivités dans la construction de leur politique cyclable : schémas directeurs, jalonnage, stratégies d’aménagement, etc.

Concrètement, quelles actions avez-vous financées ou accompagnées ?

Nous avons soutenu l’embauche de nombreux chargés de mission mobilité douce dans les intercommunalités — une dizaine en tout. Ce sont des postes essentiels : une personne dédiée à temps plein, formée, capable de mener les études, diagnostiquer les voiries, suivre les projets, animer les services vélo internes, organiser des événements…

Nous avons également cofinancé des études de planification, la suppression de points noirs ou encore des expérimentations.
Exemple : nous avons aidé certaines communes à acquérir des vélos électriques ou cargo — mais dans une logique de test, toujours limitée (max 20 vélos). L’objectif est d’évaluer l’usage réel, les retours, ce qui fonctionne ou pas.

Vous évoquez un important travail autour de Géovélo. Pouvez-vous préciser ?

Oui. La Région et l’Ademe ont financé le déploiement de Géovélo, une application collaborative qui recense les pistes cyclables. Pour son lancement, un travail de cartographie très participatif a eu lieu : des personnes se sont déplacées dans de nombreuses villes pour signaler l’existence ou l’absence d’infrastructures.

Aujourd’hui, l’outil est vivant. Les usagers peuvent signaler les problèmes, les dangers, les besoins en jalonnement. L’IDRM le met constamment à jour et anime des communautés, crée des challenges, fait évoluer les données. Cela a transformé la connaissance du réseau cyclable à La Réunion.

2/3 à 3/4 de la consommation d’énergie se situe à la fabrication, et seulement 1/3 à l’usage. Autrement dit, réduire le nombre total de véhicules est plus impactant que de remplacer un parc thermique par un parc électrique équivalent.

Sophie Pouthier

Où en sont les schémas directeurs cyclables sur le territoire ?

Trois sont réalisés : TO, Cirest, Civis. Deux autres — Casud et Cinor — sont en cours. Le département élabore aussi son propre schéma directeur, centré sur les routes départementales, pour mieux traiter les questions d’interconnexions entre voiries communales, régionales et départementales — un sujet souvent sensible car il implique plusieurs acteurs, des calendriers différents, des visions pas toujours alignées.
Une fois l’ensemble finalisé, nous disposerons d’une connaissance complète et planifiée du potentiel cyclable de l’île. Cela facilitera aussi les investissements.

Au-delà des infrastructures, vous travaillez aussi sur l’accompagnement des entreprises. Pouvez-vous en parler ?

Nous avons réalisé deux années d’expérimentations autour du service de mobilité douce en entreprise. L’idée : prêter des vélos électriques aux salariés, sur une période d’un an, dans un modèle de partage. Ce n’était pas un vélo par salarié, mais une flotte mise à disposition par l’employeur, permettant d’effectuer les trajets domicile-travail ou les déplacements professionnels.
Le but était de tester, faire découvrir, faciliter la transition. Nous croyons fortement au pouvoir du test : une fois que les gens expérimentent le vélo électrique dans leur quotidien, beaucoup adoptent — ou au moins repensent leurs trajets.

Quels retours avez-vous observés ?

Un engouement très positif. Certaines entreprises ont même obtenu le label “Employeur Pro-Vélo”. Ce label valorise les employeurs qui créent un environnement favorable : douches, vestiaires, stationnements sécurisés, flotte de vélos, actions de promotion… À La Réunion, les douches sont indispensables : l’humidité et la chaleur rendent les trajets exigeants. Ces actions ont permis de dynamiser les communautés de cyclistes et de rendre le vélo plus concret dans les entreprises.

L’Ademe travaille aussi sur la capitalisation et le retour d’expérience. Quel est l’objectif ?

Nous produisons des fiches « Ils l’ont fait » pour mettre en valeur des projets exemplaires : collectivités, entreprises ou associations. C’est essentiel pour inspirer d’autres acteurs, leur montrer que c’est possible.
Nous avons récemment publié une fiche liée à un projet mené avec Dioneo Réunion. Nous avons aussi cofinancé l’étude de retour d’expérience sur le Papang (téléphérique urbain de Saint-Denis), avec le Cerema. L’objectif est que ces enseignements servent ailleurs, y compris en métropole ou à l’international.

Un mot sur les enjeux énergétiques liés au véhicule électrique ?

Un chercheur en mobilité, Aurélien Bigot, que nous avons accueilli dans nos Rencontres à vélo, a présenté un point essentiel : pour un véhicule électrique, 2/3 à 3/4 de la consommation d’énergie se situe à la fabrication, et seulement 1/3 à l’usage. Autrement dit, réduire le nombre total de véhicules est plus impactant que de remplacer un parc thermique par un parc électrique équivalent. L’idée du “un seul véhicule par foyer” devient très pertinente.

Vous évoquez des contraintes budgétaires importantes. Quelle est la situation en 2025 ?

Le budget de l’Ademe pour la mobilité a baissé de 35 % entre 2023 et 2024. Et il baissera encore en 2025 — nous n’avons même pas eu de budget mobilité pour cette année. C’est frustrant, car la dynamique est bonne, mais sans financement, les actions structurantes deviennent difficiles. Malgré cela, les collectivités montrent de l’intérêt : sur 23 communes, nous avions 18 ou 19 représentées aux Rencontres à Vélo. Le sujet est désormais identifié comme prioritaire — même si les moyens ne suivent pas toujours.

Entretien réalisé par Olivier Ceccaldi

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A propos de l'auteur

Olivier Ceccaldi

Reporter citoyen, Olivier a tout d'abord privilégié la photographie comme support pour informer notamment sur les réalités des personnes exilées face à la politique migratoire de l'Union européenne. Installé sur l'île de La Réunion depuis 2024, il travaille principalement sur les questions de société.

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