TRESTA STAR
Alors que le maire de Saint-Philippe veut voir disparaître l’épave du Tresta Star avant la fin de l’année, l’assureur de l’armateur est muet et l’État, qui s’est substitué à lui, attend les rapports d’expertise qu’il a commandés. Deux options sont envisagées officiellement : la déconstruction ou le démantèlement du bateau. De l’Hexagone, un entrepreneur en travaux maritimes, Marc Gendre, propose un troisième choix : le renflouement.
Il a inondé les boîtes email de la direction de la mer sud océan Indien, puis celles des députés Jean-Hugues Ratenon, Perceval Gaillard et Karine Lebon pour faire remonter à la surface une histoire qui a tendance à s’enliser : celle de l’échouage du Tresta Star survenu le 3 février dernier pendant le cyclone Batsirai.
Marc Gendre, entrepreneur en travaux maritimes et fluviaux, habite Narbonne et a donc suivi l’histoire de loin. Comme il avait suivi deux ans plus tôt le naufrage du Wakashio dans le lagon de l’île Maurice. Il avait alors été exaspéré par l’échec du sauvetage de ce pétrolier et la marée noire qui s’en était suivie.
Se faisant fort d’avoir à son actif plus de deux cents renflouements de navires plus ou moins grands —dont le sauvetage médiatisé de la péniche Louise-Catherine, dessinée par Le Corbusier, quai d’Austerlitz à Paris —, il a interpellé la DMSOI dès la fin du mois de février pour lui proposer ses services « bénévolement ». Cette étonnante générosité s’explique à la fois par son goût du défi et sa colère de citoyen devant ce qu’il considère comme du « gaspillage d’argent public » : « Les sauvage teams font du business et n’ont que faire de la protection de l’environnement, ce qui les intéresse c’est d’arriver à la proposition la plus chère », dénonce-t-il.
Selon Marc Gendre, un renflouement du Tresta Star coûterait dix à trente fois moins cher qu’un démantèlement de l’épave. « J’ai renfloué deux péniches Freycinet dont l’état était bien pire que celui du Tresta Star », écrivait-il le 5 mars à la DMSOI après avoir vu la brèche ouverte dans la coque du souteur mauricien.
Colmater la brèche avec des palplanches
Malgré les remarques de ses interlocuteurs lui signalant la houle quasi permanente et l’aspect rocheux et tranchant du rivage dans lequel s’est encastré le bâtiment, l’entrepreneur narbonnais a persisté à défendre l’option d’un renflouement. Pour le mode opératoire, Marc Gendre estime faisable l’installation d’un rideau de palplanches à même la coque déchirée et son colmatage à l’aide de béton spécial.
« Il faudrait que je vienne sur place pour voir comment renflouer le Tresta Star, nous a-t-il encore répété cette semaine. Je pense qu’il est renflouable. Mais s’il ne l’est pas, il est en tout cas batardable ». Entendez par là qu’il serait possible de « mettre à sec » le Tresta Star pour pouvoir ensuite le démonter proprement car Marc Gendre craint qu’une opération de démontage sans protection ne provoque de nouvelles pollutions.
Selon lui, il reste obligatoirement plus de deux mètres cubes de fioul pâteux dans la tuyauterie des cuves. De plus il explique que les cisailles habituellement utilisées pour découper les épaves sectionnent leurs propres flexibles et provoquent de nombreuses fuites d’huile polluante.
Expertise et contre-expertise
Pour l’heure seul Jean-Hugues Ratenon, dont la circonscription est concernée, se dit prêt à étudier une proposition « moins coûteuse et plus écologiques ». A part ça, les alertes du renfloueur n’abonnais ne suscitent aucune réaction, l’épave du Tresta Star s’inscrit désormais dans le paysage du Tremblet. Elle est dans le même état depuis la fin des opérations de pompage des eaux souillées en mars dernier. Olivier Rivière, le maire de Saint-Philippe ne veut pas s’immiscer dans une querelles concernant la méthode. Il attend avec impatience les opérations d’enlèvement. Les services de l’Etat lui ont annoncé que ce serait fait au seconde semestre de cette année.
Il regrette néanmoins le silence qui entoure ces futures opérations : quand comment et, surtout, qui va payer ? La municipalité a déjà enclenché une procédure contre l’armateur indien. Sa première demande d’expertise en référé a cependant été rejetée par la Juridiction littorale spécialisée (Julis) qui a estimé que les constats des services de l’État suffisaient. La municipalité entend malgré tout mener cette expertise mais ce sera à ses frais.
Contacté cette semaine, les services de l’Etat ne donnent pas de date pour le début du chantier. Sans citer les propositions de Marc Gendre, ils évoquent uniquement les options de « déconstruction » et de « démantèlement ». « Nous sommes toujours en attente du rapport de l’assureur sur l’analyse environnemental des options de déconstruction proposés en complément de l’analyse de faisabilité des options de démantèlement ». L’assureur de l’armateur n’a pas répondu davantage sur le paiement des prestataires engagés en mars pour dépolluer le bateau. La facture, dont le montant n’est pas communiqué, reste donc à la charge du contribuable.
La préfecture précise également que l’expert qu’elle a mandaté doit rendre son rapport de contre-expertise avant la fin août. « L’exigence de l’État demeure que cette épave qui a un impact paysager notoire dans ce site classé au patrimoine mondial soit retirée du rivage ». Reste encore à savoir, par qui, quand et comment.
Franck Cellier