[Océanie] Nouvelle-Calédonie : le processus de décolonisation dans l’impasse

Jean-François Carenco, ministre délégué aux Outre-mer
Jean-François Carenco, ministre délégué aux Outre-mer

En visite dans l’archipel stratégique du Pacifique sud, le ministre délégué aux Outre-mer Jean-François Carenco a reconnu que le « référendum de projet » ne pourrait pas se tenir en juin 2023, ni même dans un an, en septembre de l’année prochaine.

Ce n’est pas une surprise mais c’est néanmoins une prise de conscience et une déclaration qui intéresseront nombre de responsables politiques partout dans l’Outre-mer, en particulier en Guyane. Sur le plateau de la chaîne de télévision Calédonia, lundi 12 septembre, le ministre délégué aux Outre-mer Jean-François Carenco, a déclaré qu’il « n’y aura pas de référendum en juillet-septembre 2023 » en Nouvelle-Calédonie, avant de soupirer et de secouer la tête en signe de découragement.

Son prédécesseur, Sébastien Lecornu, avait pourtant fixé l’été prochain comme horizon et comme date-limite pour un quatrième référendum, « de projet » celui-là après les trois référendums sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie ou son maintien dans l’ensemble de la République française.

Prévus par les Accords de Nouméa – le document qui avait mis fin à plus de vingt ans d’insurrection armée du peuple Kanak – les trois référendums sur l’indépendance ont bel et bien eu lieu en 2018, 2020 et 2021. Tous remportés par les partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France, le dernier d’entre eux s’est déroulé dans des conditions extrêmement dégradées et controversées, après l’irruption du Covid-19 dans l’archipel, l’appel au boycott des indépendantistes et un résultat de 96% de Non avec un très faible taux de participation.

Révision constitutionnelle en vue

« Les accords de Matignon et de Nouméa sont allé jusqu’au bout du voyage », a également reconnu Jean-François Carenco sur le plateau de la chaîne Calédonia, évoquant « le bilan de l’Accord de Nouméa » qui reste à faire : un « audit sur le processus de décolonisation » doit être mené dans les prochains mois, confié à un cabinet privé ou à une instance encore non décidée. « Ça fait deux ans qu’on ne se parle plus, c’est pas comme ça qu’on avance », a encore déploré le ministre délégué aux Outre-mer, sans donner de nouvel horizon pour l’actualité du processus de décolonisation en cours dans l’archipel stratégique du Pacifique sud.

Il y a quelques jours, à l’occasion du dîner donné en l’honneur des élus ultramarins au Palais de l’Élysée, à Paris, le président de la République et le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer ont pourtant confirmé qu’il existerait « une fenêtre de révision constitutionnelle entre fin 2023 et 2024 à cause du statut de la Nouvelle-Calédonie ». Une modification de la Constitution française aura donc lieu à ce moment-là, dont pourraient profiter les départements ultramarins, au statut différent dans le texte fondamental français mais volontaires afin d’acquérir davantage d’autonomie et de pouvoir normatif.

Au matin même de cette réception à l’Élysée, la présidence de la République faisait savoir que « sur le statutaire, pas de tabou, mais cela passe par des consultations de la population ». Il paraît donc difficile de modifier la Constitution en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie en particulier sans passer une nouvelle fois par la case référendum. Mais pour cela, les indépendantistes Kanak devront être ramenés à la table des discussions. Échaudés par les conditions dans lesquelles s’est tenu le dernier des trois référendums prévus par l’Accord de Nouméa, ils refusent pour l’instant de participer aux dispositifs type « Comité des signataires » prévu afin de faire avancer le processus de décolonisation et ont récemment fait savoir par voie de communiqué qu’ils ne parleraient que pour évoquer « l’accès à la pleine souveraineté » de leur archipel.

Julien Sartre

A propos de l'auteur

Julien Sartre | Journaliste

Journaliste d’investigation autant que reporter multipliant les aller-retour entre tous les « confettis de l’empire », Julien Sartre est spécialiste de l’Outre-mer français. Ancien correspondant du Quotidien de La Réunion à Paris, il travaille pour plusieurs journaux basés à Tahiti, aux Antilles et en Guyane et dans la capitale française. À Parallèle Sud, il a promis de compenser son empreinte carbone, sans renoncer à la lutte contre l’État colonial.