LIBRE EXPRESSION
Double peine. J’étais une ado « arabe » dans les années 90 en France (bon en vrai, j’étais plutôt berbère, mais ça c’est une autre histoire).
Je l’ai entendu le « racisme décomplexé », celui qui justement donne des complexes à ceux qu’il cible…
Je les ai vues les vieilles dames qui serrent fort leur sac à main quand on passe à côté d’elles, parce qu’elles ont « vu à la télé » que bon, fallait faire attention.
Les vendeuses qui ne te lâchent pas des yeux quand tu traverses leur magasin, parce que quand même, faut faire gaffe…
Les parents de potes, qui ne veulent pas trop que leur gosse te fréquentent parce que…
J’ai été plus que choquée, blessée personnellement comme des milliers d’autres personnes, quand un certain président a parlé du « bruit et de l’odeur » qu’on dégageait…
On m’a même accusée, moi l’athée, de porter un manteau islamique (ben oui, il était vert mon manteau…)
Et pourtant j’ai jamais volé (bon, à part des pièces de 5 francs dans la caisse de papa pour m’acheter des Rocher Suchard), j’ai été toujours une bonne citoyenne, je suis fonctionnaire d’Etat, je participe comme beaucoup d’autres à l’économie et à la cohésion de mon pays (la France, pour ceux qui ont un doute…)
J’ai depuis développé un dégoût profond de tous ceux qui disent « je suis pas raciste, mais… (les Arabes, les Noirs, les Gitans, rayez la mention inutile) »… parce que ces phrases finissent toujours mal, très très mal, même quand pour se dédouaner, ils te disent « ah oui, mais toi c’est pas pareil »…
A l’époque, c’était dur déjà tout ce racisme, qu’on se prenait en pleine gueule, alors qu’on n’avait rien demandé… Mais bon, c’était les années 90, les décideurs croyant bien faire, avaient construit à tout va des ghettos pour mettre des milliers d’immigrés dans les mêmes quartiers, sans y mettre de moyens, bref, une autre époque…
Du coup quand une poignée de malheureux devenaient délinquants on ne disait pas « les délinquants » on disait « les jeunes des cités » (pour les plus softs, parce que sinon c’était les bicots et les bamboula…)
Maintenant je suis prof, on est en 2025, 70% de mes élèves sont mahorais (« immigrés » comme a honteusement dit un élu il n’y a pas si longtemps, alors que c’est un département français…) ou comoriens.
J’habite dans une ville où pour gagner quelques voix aux élections on a reproduit le schéma dont on savait qu’il ne marchait pas : construire des quartiers entiers où parquer des gens qui viennent d’ailleurs, ne pas leur donner de moyens, ne pas donner de moyens à leurs écoles…
Bref, la nuit dernière, on a brûlé mon collège, c’est moche, et oui, y avait pas que des p’tits créoles dans le coup (même si en vrai y en avait sûrement), mais quand j’entends le racisme décomplexé, encore et encore, qui parle de MES élèves, que moi je connais et que je vois tous les jours et qui pour la plupart sont aussi choupis que vos enfants…, qui me rappellent tellement moi à leur âge et qui pour la plupart n’ont jamais commis aucun délit, aucun écart (bon peut-être qu’ils ont aussi piqué 1 euro ou deux à leurs parents pour des bonbecs, mais ça c’est la vie…)
Parce que quand je vous parle de racisme décomplexé on est quand même à un niveau incroyable: « singes », « mangeurs de bananes », « qu’on les jette à la mer ».
Bon en même temps, c’est tellement plus simple que de s’attaquer vraiment au problème et de faire une vraie politique éducative et sociale…
Allez, soyons optimistes, dans 30 ans, peut être, ça ira mieux… Et lundi, la fleur au fusil, au milieu des décombres, on sera là pour nos petits zapprenants, qui en plus du trauma, devront gérer les vieilles dames qui serrent leurs sacs à main à chaque fois qu’ils les croiseront et les vendeuses qui ne les quitteront pas des yeux…
Minouche
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On a brûlé mon collège… et j’entends le racisme décomplexé, encore et encore
Double peine. J’étais une ado « arabe » dans les années 90 en France (bon en vrai, j’étais plutôt berbère, mais ça c’est une autre histoire).
Je l’ai entendu le « racisme décomplexé », celui qui justement donne des complexes à ceux qu’il cible…
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