LIBRE EXPRESSION
Iil est temps, aujourd’hui, de faire le point sur les procédures judiciaires passées et en cours, dans le cadre de notre engagement de 12 années pour la protection des requins à la Réunion.
La Réserve Naturelle Nationale Marine de la Réunion présente une surface de 35 km2 sur 45 km de linéaire côtier, dont 20 km de barrière récifale.
Elle est divisée en trois zones :
- La zone de protection générale (ZPG, 45%), où des activités de pêche peuvent être autorisées. C’est la majorité de la surface de la Réserve ;
- La zone de protection renforcée, elle-même divisée en deux sous-zones : la zone de protection renforcée extérieure (ZPR 2B, 10%), réservée à la pêche professionnelle ; et la zone de protection renforcée intérieure (ZPR 2A, 40%), dans laquelle toute pêche est interdite, à l’exception de la pêche du crabe girafe, de la pêche du capucin nain et de la pêche à la traîne des calmars ;
- La zone de protection intégrale (ZPI, 5 %), dite « zone sanctuaire », au sein de laquelle toute activité humaine est strictement interdite.
En février 2019, le préfet de la Réunion prend un arrêté (n°298 du 15 février 2019) pour autoriser et organiser la destruction des requins dans les ZPR 2A de la Réserve marine pour la période 2019/2021.
L’association Sea Shepherd France dépose un recours contre cet arrêté.
Requête d’abord rejetée par le tribunal administratif le 27 septembre 2021, au motif que Sea Shepherd est une association métropolitaine.
Sea Shepherd fait appel. Le 31 janvier 2023 la cour administrative d’appel de Bordeaux annule à la fois la décision du tribunal administratif et l’arrêté du préfet.
En mai 2021, le Conseil scientifique de la Réserve marine découvre que les pêcheurs du Centre Sécurité Requin (CSR) se sont rendus coupables de près de 166 infractions à l’occasion de pêches au requin dans les ZPR 2A et dans les sanctuaires de la Réserve. En clair, du braconnage d’Etat.
Depuis le préfet a lui-même reconnu, le 5 juillet 2022, 174 infractions dans la Réserve : 166 en ZPR 2A et 8 en sanctuaires !
Il faut dire que le représentant de l’Etat (le sous-préfet de Saint-Paul) préside à la fois le CSR et la Réserve marine, ce qui arrange bien les choses…..
En septembre 2021, notre Collectif dépose donc une plainte contre X auprès du Procureur de la République pour ces 174 infractions.
Plainte classée sans suites par le Procureur le 15 avril 2022, au motif que « les faits dénoncés (…) ne sont pas punis par un texte pénal » (sic !).
Le 26 août 2022 notre Collectif dépose une nouvelle plainte contre X avec constitution de partie civile, auprès d’un juge d’instruction de Saint-Denis.
Plainte toujours en cours d’instruction.
En juillet 2021, malgré les mises en garde du Conseil scientifique de la Réserve marine devant ces pratiques scandaleuses, le préfet reprend un arrêté similaire (n°1362 du 19 juillet 2021) pour la période 2021/2023.
Recours de notre Collectif le 17 septembre 2021. Le préfet retire de lui-même son arrêté le 5 octobre 2021.
Mais le préfet s’obstine dans l’illégalité !
La même année, il prend à nouveau un arrêté similaire pour la période 2022/2024 (n°2671 du 28 décembre 2021).
Cet arrêté sera suspendu le 28 mars 2022 par le tribunal administratif de la Réunion, suite à un recours déposé par notre Collectif. En attendant son annulation probable à venir.
Dès lors, il ne demeure plus aucun arrêté en vigueur qui autorise les opérations de destruction de requins.
Pourtant le 18 mars 2022, le CSR publie un nouvel avis d’appel à concurrence pour reconduire le marché public portant programme de pêche et de destruction des requins jusqu’en 2026 compris, en dehors de toute décision d’autorisation réglementaire.
S’il fallait par ailleurs un seul exemple de l’indifférence de l’Etat pour le respect de la légalité, il n’est qu’à considérer les palangres horizontales de fond (PHF) utilisées dans le cadre du programme de pêche.
Ce dispositif, réputé certes plus efficace pour capturer des requins bouledogues, est par contre notoirement meurtrier pour les captures accessoires, mais surtout strictement interdit.
En effet, aux termes de l’article 1er de l’arrêté n°3702 du 16 décembre 1996, le préfet a totalement interdit « l’usage de palangres horizontales à l’intérieur des eaux territoriales bordant l’Île de la Réunion dans le cadre de l’exercice de la pêche maritime ».
Le préfet viole donc ouvertement ses propres arrêtés (sic !)……
Par un recours administratif préalable du 21 avril 2022, notre Collectif demande au préfet de la Réunion de faire cesser les opérations de destruction de requins. Refus du préfet le 5 juillet 2022.
Nous avons donc déposé le 31 janvier 2023 un nouveau recours au tribunal administratif pour demander l’annulation de la décision de refus du préfet et l’arrêt de la destruction des requins.
A noter : il ne s’agit plus seulement ici d’obtenir l’arrêt de la destruction des requins en ZPR 2A de la Réserve marine, mais bien l’arrêt complet de la destruction des requins organisée et financée par l’Etat, que ce soit dans la réserve ou hors réserve.
Il faut également souligner le blocage systématique à l’information au niveau du CSR, un organisme pourtant intégralement financé avec l’argent public.
Le 9 septembre 2021 notre Collectif a sollicité les informations suivantes :
- Relevés de positionnement des balises des bouées GPS satellitaires qui ont déclenché un message d’alerte de capture, depuis le 29 mars 2018.
- Photos et vidéos que les pêcheurs missionnés par le CSR ont obligation de prendre à titre de preuve lorsqu’une capture intervient, depuis la même date.
A ce jour, le CSR ne nous a transmis – le 6 janvier 2022 – qu’un fichier de relevés des balises sous un format inexploitable, et notoirement incomplet puisque les 174 positions illégales des engins de pêche reconnues par le préfet n’y apparaissent pas (sic !).
Pour le reste des informations, le CSR refuse toujours de donner suite, malgré un avis positif de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) du 25 novembre 2021.
Nous avons donc déposé le 2 mars 2022 un recours en excès de pouvoir auprès du tribunal administratif. Procédure toujours en cours à ce jour.
Les autres procédures engagées en 2023 (par les associations Sea Shepherd France, VAGUES et Le Taille Vent) sont les suivantes :
- recours en annulation contre l’arrêté d’interdiction de la baignade et du surf hors zones protégées, en vue d’un retour à des pratiques aux risques et périls des individus : recours pour excès de pouvoir contre l’Etat (le préfet de la Réunion) déposé le 6 avril 2023.
- recours contre le retour de la commercialisation de la chair de requins réclamé par l’association Elio Canestri : requêtes en intervention volontaire déposées le 21 avril et le 9 octobre 2023.
- recours au Conseil d’Etat en vue d’obtenir la protection au niveau national des requins de la Réunion et de certaines espèces de raies parmi les plus menacées : recours pour excès de pouvoir contre le refus du Ministère de la transition écologique, déposé le 22 août 2023.
Dans la liste des espèces dont nous avons demandé la protection, le requin tigre et le requin bouledogue en font partie.
Il nous reste à déposer un référé-suspension pour tenter d’obtenir l’arrêt complet de la destruction des requins à la Réunion. Procédure qui aurait l’avantage d’aboutir à une décision de justice dans un délai très court. Ce sera chose faite avant la fin de l’année.
Inutile de vous dire que nous reprendrons à notre compte les deux ordonnances récentes du tribunal administratif de Nouméa (14 septembre et 18 octobre), dont je vous ai communiqué copie, et qui ont mis fin à l’abattage des requins en Nouvelle Calédonie dans les réserves et hors réserves.
Enfin, vous saurez que nos trois associations ont également déposé le 9 octobre 2023 une plainte contre « X » auprès du Procureur de la République dans le cadre du réseau de distribution de viande de requin mis en place notamment par un élu du département.
Les motifs de la plainte sont multiples, mais centrés essentiellement autour de la mise en danger d’autrui. Il y a en effet mise sur le marché d’un produit d’origine animale préjudiciable à la santé, dans le cadre de la distribution au public de viande de requin tigre et bouledogue, potentiellement toxique :
- du fait de la présence potentielle de biotoxines susceptibles de provoquer des intoxications mortelles (ciguatoxines et surtout carchatoxines) ;
- du fait de la présence avérée de mercure à des taux dépassant largement les limites autorisées ;
- du fait aussi des conditions sanitaires épouvantables dans lesquelles la viande de requin est découpée et distribuée par cet élu.
Didier Dérand, Président de l’Association VAGUES