[Portrait] Une femme dans le BTP

ENTRETIEN AVEC CHARLÈNE KEDZIER

Charlène Kedzier raconte comment elle est entrée dans secteur du BTP en tant que femme et comment elle y évolue. Elle donne ses conseils pour que les professions du bâtiment s’ouvrent davantage aux femmes. L’entretien a été si dense qu’il représentait plus de 50 000 signes, 35 feuillets. Il a fallut faire appel à l’intelligence artificielle de ChronIA pour le résumer à la version qui suit…

– Charlène, les femmes sont rares dans le secteur du BTP. Pouvez-vous nous raconter votre parcours atypique dans ce domaine ?

Charlène Kedzier : Bien sûr. Je m’appelle Charlène Kedzier, maman célibataire de deux enfants. Mon parcours professionnel a commencé dans le secteur social, où j’étais assistante de vie aux familles. J’ai toujours eu l’ambition d’être mon propre patron, mais c’était un objectif difficile à atteindre dans le social. Après la naissance de mes enfants, j’ai dû mettre ma carrière en pause. Cependant, j’ai aidé des amis entrepreneurs, ce qui m’a initiée au BTP, notamment à travers des tâches comme le nettoyage de chantier et un peu de peinture. Cette expérience m’a donné le goût du travail manuel et l’envie de changer de voie.

« j’ai appris la maçonnerie sur un chantier.»

– Comment êtes-vous officiellement entrée dans le BTP ?

– Après avoir aidé mes amis, j’ai appris la maçonnerie sur un chantier. Un ami m’a proposé de l’aider, notamment pour des travaux de baignoire en béton ciré et de bardage. J’ai rapidement vu l’opportunité de gagner ma vie dans ce secteur. En six mois, j’ai économisé suffisamment pour passer mon permis de conduire et acheter ma première voiture. C’était le déclic pour ma reconversion professionnelle. Je me suis inscrite à une formation en maçonnerie, et c’est là que tout a commencé.

– Quel est votre avis sur la situation des femmes dans le BTP ?

– La situation est complexe. Le secteur est clairement dominé par les hommes, et les femmes y rencontrent de nombreux obstacles, notamment les préjugés sur leur capacité à travailler dans ce domaine. Personnellement, j’ai été confrontée à des refus d’emploi sous prétexte que ma présence sur un chantier pourrait « perturber » les ouvriers. C’est frustrant, mais cela montre aussi l’importance de lutter pour changer ces mentalités.

– Comment avez-vous surmonté ces obstacles ?

– Avec beaucoup de persévérance. J’ai continué à postuler, à me former et à acquérir de l’expérience, malgré les refus. L’intérim a été une porte d’entrée significative pour moi. Une agence m’a contactée pour un contrat d’insertion en pose de charpente métallique, ce qui a été une réelle opportunité d’apprentissage et de développement de compétences sur le terrain.

Les anciens ont du mal à accepter une femme

– Avez-vous ressenti une différence dans le traitement sur les chantiers en tant que femme ?

– Absolument. Les réactions varient énormément. Certains collègues sont respectueux et aidants, tandis que d’autres, surtout les plus âgés, ont du mal à accepter une femme dans ce milieu. J’ai même eu un chef d’équipe qui a tenté de me décourager. Mais j’ai tenu bon, soutenue par d’autres qui appréciaient mon travail et ma détermination.

– Quelles améliorations suggérez-vous pour favoriser l’inclusion des femmes dans le BTP ?

– Il est crucial de changer les mentalités et de valoriser le travail des femmes dans le BTP. Cela passe par une meilleure sensibilisation dès l’éducation, des formations accessibles et adaptées, et un soutien accru des entreprises. Il est aussi important de mettre en avant les réussites féminines dans ce secteur pour encourager d’autres femmes à franchir le pas.

– Quels sont vos projets futurs dans ce secteur ?

– Je souhaite continuer à me former et à évoluer, peut-être même passer mon permis poids lourd pour élargir mes opportunités. À long terme, j’aimerais créer ma propre entreprise dans le BTP, pour non seulement réaliser mes projets mais aussi promouvoir l’inclusion des femmes dans ce secteur.

– Charlène, avez-vous exploré ce qui se passe pour les femmes dans le BTP en dehors de La Réunion, peut-être sur Internet ?

– Honnêtement, je n’ai pas vraiment cherché à savoir ce qui se passait ailleurs. Mes amies me disent souvent que je m’en sors bien dans le BTP et cela pourrait motiver certaines à envisager une reconversion. Mais je sais que la peur d’entrer dans un milieu dominé par les hommes et d’y être mal accueillie en dissuade plus d’une.

– Dans votre entourage, y a-t-il d’autres femmes qui ont franchi le pas vers le BTP ?

– Lors de ma formation en maçonnerie, nous étions deux femmes. C’était assez symbolique car cela faisait plus de dix ans qu’aucune femme n’avait suivi cette formation dans le BTP ici. Nous étions fières d’obtenir nos diplômes. Ma camarade aspirait à devenir conductrice de chantier, tandis que je préférais acquérir de l’expérience sur le terrain avant de viser plus haut.

– Pensez-vous que des formations complémentaires pourraient aider à améliorer la situation des femmes dans le BTP ?

– Absolument. Par exemple, la connaissance des matériaux, la lecture de plans et la maîtrise des noms techniques sont cruciales. Sur le terrain, chaque équipe a sa propre terminologie, ce qui peut être déroutant. Des formations ciblées sur ces compétences spécifiques seraient très bénéfiques.

Changer les mentalités

– Quelles améliorations concrètes suggérez-vous pour faciliter l’intégration des femmes dans le BTP ?

– Il faut avant tout changer les mentalités pour reconnaître que les femmes ont leur place partout, y compris sur les chantiers. Améliorer les conditions de travail est également crucial, notamment en adaptant les équipements de protection individuelle (EPI) aux femmes, qui sont souvent mal ajustés et inconfortables pour nous. De plus, l’accès à des outils et machines adaptés à notre morphologie faciliterait grandement notre travail quotidien.

– Avez-vous été inspirée par d’autres femmes dans le BTP, peut-être via les réseaux sociaux ?

– Oui, je suis notamment Kelly Cruz sur Internet, une carreleuse qui prouve qu’on peut rester féminine tout en exerçant dans le BTP. Elle montre qu’il est possible de prendre soin de soi et d’être compétente dans son métier, malgré les préjugés.

– Envisagez-vous d’évoluer dans votre carrière, peut-être vers des postes de responsabilité ?

– C’est une possibilité. Avec les départs à la retraite dans mon équipe, des opportunités de monter en grade pourraient se présenter. J’aimerais aussi sensibiliser les jeunes, surtout les filles, aux carrières dans le BTP, pour leur montrer qu’elles peuvent réussir dans ce secteur.

« La clé est de persister, de ne pas écouter les détracteurs et de croire en ses capacités.»

– Quel message voudriez-vous adresser aux femmes qui hésitent à se lancer dans le BTP ?

– Ne vous découragez pas. Il est vrai que nous devons souvent en faire plus pour prouver notre valeur, mais notre perspective unique et notre logique peuvent apporter une contribution significative au secteur. La clé est de persister, de ne pas écouter les détracteurs et de croire en ses capacités. La fierté de ce que l’on accomplit, malgré les obstacles, est une récompense en soi.

– Merci, Charlène, pour ce témoignage inspirant et pour avoir partagé votre expérience avec nous.

– Merci à vous. J’espère que mon parcours pourra encourager d’autres femmes à envisager le BTP non seulement comme une option viable mais comme une opportunité d’épanouissement professionnel.

Entretien : Abdoul Lokhat / Reporter citoyen

PS : La version originale de l’interview et les versions résumées par ChronIA sont disponibles ici.

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