Pour la refondation, journal de Paul HOARAU

N° 275– LUNDI 18 AOÛT 2025

Ces dernières semaines ont été marquées par deux événements symboles de la vie nationale : le Tour de France cycliste et le discours du Premier Ministre.

Au centre du Tour de France, l’exploit sportif d’athlètes qui déploient un effort à la fois mental et physique hors du commun. Autour de ces athlètes, les foules des campagnes, des villages et des villes le long des rues et des routes de France, pour se montrer et applaudir. Comme un écrin des uns et des autres, la France, le pays de France tellement beau de ses plaines, montagnes, vallées, forêts et cours d’eau et tellement beau par les travaux des hommes, de ses champs, routes, barrages, viaducs et châteaux. Le peuple des athlètes, de leurs accompagnateurs et des organisateurs qui créent l’événement ; le peuple des publics qui oublie ses problèmes et ses soucis pour vivre l’événement dans une joie collective ; le pays dont la beauté étale à la fois sa richesse naturelle et la richesse du travail de son peuple est une expression de la France.

Dans le même temps, après le chef d’État-major, après le Président de la République, le Premier Ministre s’adresse cette fois à une autre France pour souligner, précisément, les problèmes et les soucis : la guerre qui menace aux portes de l’Europe, pourra-t-on l’éviter ? La dette abyssale de la Nation, comment l’effacer ? Le débat autour de ces problèmes et de ces soucis est vif parce qu’il suppose de la part des Français, des sacrifices. C’est là que le bât blesse. Le Premier Ministre proclame que tout le monde devra porter sa part ; les intéressés de tous bords de protester compte-tenu de leur situation et de crier à l’injustice, au manque de courage du Gouvernement à prendre l’argent où il abonde.

Ce tableau national peut être transposé. La Réunion impressionne elle aussi par sa beauté naturelle, la beauté de ses pics, sommets et remparts et par la beauté qui résulte du travail des hommes sur le terrain. Mais dans le même temps, l’avenir est menaçant. Comme en France, tout est là pour un avenir plus radieux : la matière première, l’argent et les hommes. Les médias nous montrent tous les jours les exploits de créoles qui à l’échelle de chaque acteur assure à ses auteurs la satisfaction de ses besoins. Seulement voilà, ces réussites ne sont pas celles de la doctrine économique collective, de la doctrine économique officielle. Si elles dépassent le niveau strictement personnel, si elles viennent à entrer en concurrence avec les « mondialistes »
du système officiel reconnu en vigueur, elles sont exécutées. La doctrine officielle est que la production locale n’est pas rentable (le profit d’abord). Cette doctrine exclut les entreprises locales. Sur le seul axe de la rue Labourdonnais à Saint-Denis, sur onze entreprises réunionnaises dans les secteurs les plus divers – l’automobile, la banque, la distribution, l’hôtellerie, l’industrie, l’import-export – huit d’entre elles ont disparu ou ont été remplacées par des multinationales depuis la départementalisation. Cette doctrine officielle a pour effet de détruire les filières de consommation locale et les filières de l’exportation : perdues les exportations d’huiles essentielles et de lourdes menaces pèsent aujourd’hui sur la filière canne. Cette doctrine officielle développe mécaniquement le chômage et l’assistance, l’assistance économique et l’assistance sociale.

Il est grand temps pour les Réunionnais d’afficher leur identité de Peuple, d’assumer les responsabilités qui en découlent, de le dire explicitement au sein de la Nation, de l’Europe, de l’Indianocéanie et de la Communauté internationale. Il faut en finir avec l’uniformité d’un Peuple Français idéologique, en finir avec le déni de la réalité des Peuples d’Afrique, d’Amérique, d’Asie et d’Europe unis dans la Nation Française. Le mouvement est déjà lancé. Le préambule de la Constitution stipule que : « en vertu du principe de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d’Outre-Mer qui manifesteraient la volonté d’y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l’idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité ». La multitude des statuts des territoires d’Outre-Mer s’inscrit dans cette ligne. La Corse qui n’est pas d’Outre-Mer y adhère. La Nation souffre encore de la distinction entre « la Métropole et les colonies » devenues « l’Hexagone et les Outre-Mer ».

« Le Projet d’un Peuple », le projet du Peuple Réunionnais, s’inscrit dans cette « refondation » de l’organisation de la Nation Française déjà en marche nous venons de le dire. Il s’inscrit dans le remplacement de l’uniformité du déni des peuples disparus par l’unité de la reconnaissance des peuples unis. Le moment est venu, après plus de cinq ans de recherche, de préparer un référendum local qui serait l’expression réunionnaise de cette refondation. Il faudra veiller à ce que cette expression soit l’expression du Peuple.

La préparation du référendum sera la préparation du texte qui sera soumis aux citoyens. Si nous voulons que ce texte émane du Peuple, il faut s’assurer que l’initiative ne soit pas « récupérée. « Le Projet d’un Peuple » a besoin de la collaboration de ses constitutionnalistes, de ses économistes, de ses universitaires, de ses chercheurs, de ses scientifiques, de ses fiscalistes, de ses experts-comptables, de ses artistes, de ses religieux, de ses politiques, de ses organisations professionnelles, de ses associatifs, de ses agriculteurs, de ses artisans, de ses artistes, de ses commerçants, de ses fonctionnaires, de ses chômeurs pour finaliser la rédaction des « Fondamentaux pour La Réunion » par une large mobilisation du Peuple et pour les valider par le référendum. L’indépendantiste, le fidèle à la nation française, le royaliste, le républicain, le conservateur, le progressiste tous, comme Réunionnais, doivent afficher « Les Fondamentaux pour La Réunion » : une façon de construire, chacun dans sa voie particulière, un cadre réunionnais. Sinon notre « destin commun » ne se fera pas avec notre logiciel par nous, mais avec un logiciel qui ne sera pas le nôtre, sans nous.

Les Réunionnais devront se mobiliser pour « la manière réunionnaise » responsable dans la Nation, l’Europe, l’Indianocéanie, la communauté internationale, pour ce que nos « représentants » politiques appellent déjà « la refondation ».

Paul Hoarau

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Paul Hoarau refondation

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