LIBRE EXPRESSION
Oui, une autonomie alimentaire durable est possible à La Réunion et cette autosuffisance et cette autonomie alimentaire est aujourd’hui impérative et vitale.
Pour cela, il faut certaines conditions bien sûr mais je me permets de vous exposer quelques chiffres institutionnels et nous allons comprendre :
- 286 millions d’exportation
- 5, 3 milliards d’importation avec 80 % de produits alimentaires importés.
Nous sommes dans une dépendance alimentaire quasiment totale et sans importation nous pouvons à peine tenir 5 à 6 semaines. Je vous rappelle que nous ne sommes pas à l’abri d’un épisode dramatique comme celui du blocus de 1943, ou de la guerre du Golfe, et nous vivons aujourd’hui une situation géopolitique très instable.
Que voulons-nous ?
Manger correctement au quotidien : manger et boire c’est vital.
Il nous faut donc réfléchir sérieusement et anticiper, anticiper aussi la gestion de l’eau sur toute l’île. Notre souveraineté alimentaire c’est maintenant qu’il faut la mettre en œuvre.
D’autres chiffres qui contredisent ce que Madame Borne a énoncé, beaucoup de promesses comme son chef. Gramoun i di : gran kozèr TI fézèr. Elle dit que nous sommes en avance avec 70% de légumes et fruits frais ! Mais on a oublié de lui préciser que ces 70% représentent seulement 25 % de la consommation des Réunionnais. Il y a aussi ces chiffres qui le prouvent :
- 22 650 tonnes de fruits importés
- 18 650 tonnes de légumes importés
Donc, répéter à chaque fois ce que l’on vous souffle à l’oreille c’est mentir aux Réunionnais : nous sommes loin de l’autosuffisance en fruits et légumes et cela, même si nous avons fait beaucoup de progrès. On a oublié de dire à Mme Borne que nous serons 1 million d’habitants bientôt.
Quels leviers me direz-vous ?
Nous nous appuyons sur les propositions de quelques agriculteurs locaux et aussi sur des propositions faites par des chercheurs du CNRS, de l’Inserm et de L’INRAE et que nous avons invités à nous rejoindre dans nos recherches.
– libérer le foncier et neutraliser bann kaparèr qui achètent nos terres à un moindre coût pour les revendre notamment aux jeunes agriculteurs.
– accompagner rapidement les jeunes agriculteurs dans leur exploitation par exemple avec des préparations au diplôme qui se feront en alternance avec l’autorisation de travailler déjà : moitié sur l’exploitation moitié en alternance.
– mettre en œuvre des alternatives pour stopper l’utilisation des pesticides qui appauvrissent la qualité de nos terres et notre biodiversité : exemple agroforesterie , rotation de cultures, écopastoralisme permaculture, utilisation de nos propres semences, lombriculture, stockage de notre propre compost propre sans plastique, fabrication locale de notre engrais organique, rotation des cultures, développer à grande échelle l’utilisation d’auxiliaires de culture, bref toutes les pratiques agri-écologiques adaptables à notre territoire.
– arrêter avec les produits chimiques que nous importons en grande quantité et qui sont devenus très chers et que nous finissons par stocker dans notre organisme avec de graves conséquences sur notre santé à court et à long terme —ne pas avoir peur de réfléchir sur la surface cannière utilisée avec les canniers.
– récupérer toutes les friches.
– accélérer auprès des mairies la mise en œuvre des PAEN sous la houlette du Département, à savoir que trop de mairies sont frileuses (Le périmètre de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains permet de réunir dans un même outil une possibilité de maîtrise foncière et un projet de développement et d’aménagement sous la houlette du Département qui, ici, incite à la mise en place de ces PAEN).
– accompagner encore et encore plus rapidement tous nos planteurs, donc augmenter les effectifs administratifs , par exemple, plus de techniciens bio.
– aussi envisager la conversion partielle des prairies pour la culture de protéines végétales
– nous, consommateurs, nous avons aussi un effort à faire : consommer local et pour cela l’accompagnement institutionnel des producteurs pour faire baisser les prix, un juste prix pour tous les ménages.
– réfléchir à ce que nous consommons et devenir des consommacteurs
– changer un peu notre alimentation : plus de protéines végétales et moins de viandes.
– acheter local à un juste prix je me répète puisque l’argent ni trouv pa sou la pat bourik
Cela donc pour ne plus être dans cette dépendance alimentaire, cette économie exclusive de consommation, et aussi faire notre part pour freiner le réchauffement climatique.
Si j’en reviens à Mme Borne :
Rien sur les propositions de mise en œuvre d’alternatives durables pour une alimentation saine et pour garder la qualité de cette terre nourricière.
Rien pour arrêter le pétrochimique mais par contre oui aux dérogations.
Bien sûr, nous l’avons tous entendu : 10 millions promis à la filière fruits et légumes pour tout l’Outre-mer, c’est dérisoire et nous savons ce que valent les promesses de ce gouvernement. Nous attendons de passer un vrai discours avec une vraie prise en compte de la situation réunionnaise : nous aussi, nous voulons avancer et nous sommes capables d’être maîtres de notre production agricole pour garder tous nos agriculteurs que nous remercions et saluons, pour faire en sorte qu’ils aient des revenus honorables, pour pouvoir manger sainement pour sauvegarder et développer l’emploi à La Réunion, et des emplois nous pouvons créer des milliers.
Yvette Duchemann, écologiste, Nartrouvangalizaz
Chaque contribution publiée sur le média nous semble répondre aux critères élémentaires de respect des personnes et des communautés. Elle reflète l’opinion de son ou ses signataires, pas forcément celle du comité de lecture de Parallèle Sud.