LIBRE EXPRESSION
Courrier à l’attention de M. Emmanuel Séraphin, Maire de Saint Paul
Monsieur le Maire, nous avons découvert le projet de Règlement Local de Publicité de la commune de Saint Paul qui a été présenté le mardi 5 septembre au Cimendef par votre équipe. Nous ne pouvons que saluer la mise en place d’un tel règlement qui donne les moyens à la commune de mieux encadrer la publicité sur son territoire. Toutefois, nous constatons que le projet prévoit 2 zones urbaines traitées de manière très inégalitaire.
À savoir, la zone balnéaire allant de Trou d’eau jusqu’au centre-ville de Saint Paul, qui sera très préservée de la publicité dans la mesure ou les dispositifs scellés au sol seront interdits, et une zone englobant tous les bourgs des hauts en passant par St-Gilles-les hauts – La Saline les hauts – L’Éperon – Le Bernica – Fleurimont – Plateau Caillou – Bois Rouge – Bellemène – Crève-cœur – La Plaine Saint-Paul, dans laquelle vous prévoyez de maintenir une forte présence publicitaire avec des dispositifs scellés au sol autorisés jusqu’à 10,5 m² par terrain.
Si nous accueillons très favorablement l’interdiction de publicité scellée au sol sur la zone balnéaire, cette différence de traitement entre ces 2 secteurs très urbanisés donne l’impression que la commune privilégie la préservation des habitats des bas, plutôt aisés et très touristiques, au détriment des habitats des hauts qui sont pourtant à proximité d’espaces naturels remarquables (Savane – Forêts des hauts) qu’il faudrait davantage protéger.
Nous constatons actuellement une défiguration galopante des secteurs des hauts par une publicité grand format, alors qu’il y a très peu d’activités économiques dans ces zones. Nous avons par exemple recensé 99 panneaux grands format entre le rond-point de l’Eperon et celui de Fleurimont sur une distance de seulement 3,6 km, soit 1 surface publicitaire tous les 36m. Du côté de la Plaine Saint-Paul, ce ne sont pas moins de 44 publicités géantes qui ont été relevées sur 4,4 km, soit 1 dispositif tous les 77m. On estime à environ 200 le nombre de dispositifs publicitaires grand format présents dans les hauts de la commune. Ce qui signifie que seulement 200 propriétaires nuisent au cadre de vie de dizaines de milliers de Saint-Paulois. La publicité grand format étant de plus à 80% le fait des multinationales ou des grandes surfaces locales, maintenir une telle présence publicitaire participe à attirer les consommateurs des hauts vers les bas où sont implantés les annonceurs au détriment des petits commerces de proximité.
De plus, nous avons constaté que le projet de RLP prévoit d’autoriser l’éclairage nocturne des dispositifs publicitaires jusqu’à 22h. Or c’est en tout début de nuit (de 19h00 à 22h00) que l’impact de la pollution lumineuse sur la biodiversité est maximal : c’est notamment le cas des Pétrels et Puffins qui sont des milliers à s’échouer chaque année sur l’île du fait de nos éclairages, et ce dans les premières heures suivant le coucher du soleil. Une extinction à 22h est ainsi beaucoup trop tardive pour limiter l’impact sur la biodiversité : pour être efficace cette extinction devrait intervenir dès 19h30. Cela serait d’autant plus pertinent étant donné que l’éclairage nocturne des dispositifs publicitaires constitue également un gaspillage énergétique incompréhensible alors qu’on appelle la population à une plus grande sobriété énergétique.
Enfin, le RLP prévoit d’autoriser la publicité numérique jusqu’à 4m² dans les zones d’activité de Savannah et de Cambaie, un type de dispositif fortement consommateur d’énergie et qui génère une perturbation encore plus importante, dans la mesure où il diffuse des vidéos et autres images animées qui distraient l’attention. Des études récentes aux USA et en Suède ont mis en évidence une suraccidentalité de 30% à proximité de secteurs équipés de tels dispositifs. Ceux-ci sont d’autant plus à proscrire qu’ils émettent une très forte pollution lumineuse, leur lumière n’étant pas dirigée vers le sol
comme pour les lampadaires mais au contraire diffusée en grand partie vers le ciel. Connaissant l’impact de la pollution lumineuse sur la biodiversité à la Réunion, notamment avec l’échouage de milliers de Pétrels et Puffins chaque année, la publicité numérique est ainsi à proscrire.
Sans oublier les effets désastreux de toute lumière artificielle sur les insectes (deuxième cause d’extinction des insectes
après les pesticides), sur les amphibiens, les chauves-souris. Sachant les efforts qui sont réalisés en parallèle sur l’éclairage public pour réduire la pollution lumineuse, il serait d’autant plus contradictoire de laisser de tels dispositifs se développer.
Nous vous sollicitons donc afin de corriger certains aspects du projet de RLP, en intégrant les 5 propositions ci-dessous qui permettront à la commune de mettre en place un des règlements les plus ambitieux de France :
- Avoir un traitement identique entre les zones résidentielles des bas et des hauts et donc une zone 2 dans laquelle la publicité scellée au sol est interdite. Si elle devait être autorisée, la limiter à 1 dispositif mural de 2m² par unité foncière.
- Augmenter la plage d’extinction nocturne des publicités de 19h30 à 7h, pour préserver la nuit noire et la biodiversité de la commune.
- Interdire la publicité numérique dans les zones d’activité de Savannah et de Cambaie. Elle n’est pas nécessaire, elle constitue une source de pollution lumineuse, visuelle et énergétique. Ce type de dispositif n’étant actuellement pas présent sur le territoire, il serait très dommageable de le laisser s’y développer.
- Interdiction de tout éclairage nocturne lors des périodes d’envol des Pétrels et Puffins (Avril – début mai pour les pétrels juvéniles, et 1 à 2 semaines autour des nouvelles lunes de Novembre à Mars, pour les puffins et pétrels adultes en période de nourrissage).
- Interdire toute possibilité d’apposer du mobilier urbain publicitaire aux abords de monuments historiques présents sur le périmètre communal, ce qui serait à la fois une insulte à notre patrimoine historique, et une défiguration supplémentaire de notre ville.
Saint-Paul est le berceau du peuplement de La Réunion et nous fêtons cette année son 360ème
anniversaire. À cette occasion, la ville de St-Paul pourrait devenir un exemple et être la première commune de l’île à limiter drastiquement le nombre de surface de panneaux publicitaires, comme dans le temps lontan, le territoire renouerait ainsi avec des espaces vierges de pollution visuelle publicitaire. Saint-Paul revêt des hauts remarquables jusqu’aux portes de Mafate qui offrent l’un des plus beaux points de vue de l’île par le Maïdo.
Sa forêt de tamarins et de calumets, et de branles est unique, cette entrée sur le Parc national mérite donc, autant que le littoral, d’être protégée. Par conséquent, c’est bien la commune dans son entièreté qui doit être protégée. D’autres grandes agglomérations comme Grenoble y sont parvenues, voire un pays entier comme le Bhoutan qui partage avec La Réunion à la fois un nombre d’habitants équivalent (800 000) et une ferveur spirituelle et qui a réussi pour sa part à maintenir son territoire hors de toute atteinte publicitaire en harmonie avec ses valeurs de bien-être.
En intégrant ces 5 propositions, la ville de Saint-Paul serait exemplaire et sa sanctuarisation contre la pollution visuelle en ferait un atout majeur au niveau local, national et international pour sa vocation touristique. Vous avez par un geste fort, su repousser l’implantation de deux nouveaux fast-food sur la commune, cette décision face à la publicité confirmerait une politique volontariste allant dans le sens de l’intérêt général face aux profits des grandes firmes, et de la consommation superflue et souvent contraire à la santé publique qui représente la quasi-totalité du marché des afficheurs.
Il convient ici de peser l’importance d’un tel choix face aux quelques centaines de milliers d’euros que génèrent les panneaux publicitaires au niveau des recettes fiscales de la commune. Ce choix politique fort serait la marque de la commune, la première de La Réunion qui pourrait s’enorgueillir d’un espace de vie exemplaire. Ce serait sa signature, l’emblème de la commune, qui lui apporterait, sans dépenser un seul euro, une énorme publicité positive dont les retombées médiatiques et touristiques durables seraient bien plus rentables pour la commune que l’invasion publicitaire si décriée.
Nombreuses et nombreux seront les habitants de Saint-Paul (et de La Réunion) à soutenir un tel projet.
Comptant sur votre compréhension,
Associations, collectifs, ONG et partis politiques signataires :
Extinction Rebellion Réunion
Attac Réunion
Greenpeace La Réunion
Paysages de France
Kolair 974
SEOR
Cilaos mon amour
Citoyens pour le Climat Réunion
Domoun la plaine
Le Taille-Vent
Association Citoyenne de Saint-Pierre Réunion (ACSP-REUNION)
GCOI
Ekopratik
Europe Ecologie les verts (EELV)
Place Publique
Parti de Gauche (PG)
La France Insoumise 974 (LFI)
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